Housseyni Saye est le maire de la commune urbaine de Bandiagara. En séjour dans cette localité, nous l’avons rencontré, le samedi 31 mars à son domicile au 8e quartier, afin qu’il nous parle de l’Etat de santé de sa commune et sa vision quant à la gouvernance de façon globale.
Lisez l’interview.
Le Pays : Bonjour Monsieur le Maire. Nous sommes ici, chez vous, pour un court séjour. Pouvez-vous nous imprégner de l’Etat de santé de votre commune ?
HousseyniSaye, Maire de Bandiagara :Jepense que ça va. Si je peux parler de secteurs prioritaires dans la gestion communale, peut-être ce sont des secteurs comme l’hydraulique, la santé, l’éducation, l’agriculture, l’accès quand même aux céréales… Globalement, ça va sans rentrer dans les détails. A chaque fois que j’ai l’occasion, je le dits et ça, ce n’est pas propre à Bandiagara seulement. C’est propre à tout le pays dogon. Jusqu’ici, c’est l’agriculture traditionnelle paysanne qui prévaut dans tout le pays dogon. Ça ne nourrit pas son homme aujourd’hui. Ça va un peu dans la plaine parce qu’ils ont un peu de terre, un peu beaucoup plus de pluviométrie que nous. Mais au plateau, il n’y a pas de pluie qui couvre deux mois, l’accès aux intrants tel que l’engrais n’est pas facile. Je vous dits que c’est problématique et les gens ne font rien, ils ne comptent que sur la pluie et sur l’engrais. Et les résultats sont toujours mauvais. Voici pourquoi c’est devenu très aléatoire. Donc, nous on n’a pas de bonne pluviométrie pour dire que sur le plan agriculture, sur le plan sécurité alimentaire ça va. C’est globalement crucial et toutes les années valent. Maintenant en tant que commune urbaine, il faut reconnaitre certain dynamisme qui revaut ici et qui n’est pas visible ailleurs, dans les communes rurales. La vie est très dynamique ici. Les gens ne vivent pas que de l’agriculture, c’est vrai mais tout le monde se sert de nourriture. Si tu ne cultives pas, tu vas payer. Maintenant même pour payer il faut avoir accès. Aujourd’hui, nous sommes à 24.000 25.000 francs le sac de cent kilos de mil. Ce n’est pas tout le monde qui a ce pouvoir d’achat. Il y a, comme je l’ai dit, un certain dynamisme dans la ville compte tenu de certaines opportunités. Par exemple, le commerce, il fleurit bien dans la ville de Bandiagara parce que Bandiagara, c’est la porte d’entrée au pays dogon et quand tu prends globalement les 21 communes à part quelques communes isolées telles que Léwol-guéou, un peu Wô qui a un accès vers Sofara où il y a un peu de débouché, je pense que toutes les autres communes viennent s’approvisionner à Bandiagara. C’est un grand atout aussi pour Bandiagara de telle sorte que le commerce même si ce n’est pas le grand commerce, le petit commerce fonctionne ici. Ça fait une opportunité pour ceux qui font le commerce.
L’électricité, les comités de magasins, d’infrastructures, même le transport, je pense que là ça va bien. Mais ce n’est pas tout le monde qui est dans ce secteur. Au niveau hydraulique, nous sommes une commune urbaine. Nous avons besoin d’eau. A un moment donné, le problème était résolu jusqu’à ce qu’on avait suffisamment d’eau. Mais le problème dans notre pays, c’est que nous ne travaillons pas dans le long terme. Chaque fois qu’on vient, on résout un problème on le laisse dans le présent à peu près. On ne se projette pas trop dans le futur en tenant compte de certains facteurs tel que la démographie.
Aujourd’hui, la ville a grandi au tiers et tout le monde a besoin d’eau, l’électricité les logements. Les gens ont aussi d’autres besoins nouveaux. Voilà un peu des situations qui font qu’on ne peut pas dire que ça va dans tel ou tel domaine mais globalement, on peut dire que ça va. Mais à l’analyse, il y a beaucoup de choses qui ne résistent que par le présent.
L’Etat vous appuie-t-il à hauteur de souhait ?
L’Etat, nous attendons tout de l’Etat. Je pense que quand on veut prendre la décentralisation au sérieux, comme un facteur de développement, de rapprochement de la gouvernance aux gouvernés, du service aux populations, il ne doit pas être laissé pour compte comme nous le constatons actuellement. Je vous dits très honnêtement, je suis maire il y a déjà huit ans, je ne sens pas l’Etat prendre la décentralisation au sérieux. Au départ, il y avait une dotation, de plus en plus cette dotation s’est arrêtée. Maintenant tout ce que l’Etat apporte c’est à travers l’ANICT. Une commune comme Bandiagara, depuis que je suis là, je n’ai pas vu au-delà de 14 millions. Je me demande avec 14 millions quel investissement vous allez faire dans la commune. Il y a les impôts et taxes qui ne paient même pas le personnel. Quel que soit ton niveau de gouvernance, ta volonté, le niveau de paiement des impôts et taxes, ça ne te permet pas de tourner pendant six mois, même pas trois mois. Maintenant je ne sais pas d’où ils veulent que les gens tirent des ressources pour investir. Les gens aiment bien interpeller il n’a pas fait ceci, il n’a pas fait cela, mais il va faire avec quoi ? S’il y a à attendre, tout est à attendre de l’Etat parce que le planning que l’Etat a fait pour nous transférer nos compétences et les ressources y afférant, l’Etat aujourd’hui est en train de trainer les pas par rapport à cela. Il y a beaucoup de secteurs, c’est vrai qui subissent la pression des bailleurs, mais en réalité il y a des choses qui manquent encore et ce sont des choses qui sont nécessaires pour que nous puissions nous auto gérer. Au Mali, je ne vois pas cette décentralisation comme une rallonge, un partage de responsabilité avec l’Etat. Il ne s’agit pas seulement de créer les collectivités et laisser les gens avec des problèmes. Chacun sait aujourd’hui qu’il y a beaucoup de ressources qui sont en train d’aller du côté de l’Etat qui doivent revenir de droit aux collectivités. Pour investir, c’est le niveau local et pour développer, c’est le niveau local. Le développement, il est local ou il ne le sera pas, il est communal ou il ne le sera pas. C’est comme ça que nous comprenons. Il y a des efforts de la part de l’Etat, mais on attend beaucoup plus de volonté politique de la part de l’Etat, on attend beaucoup plus d’engagement, d’ouverture de l’Etat, on attend beaucoup plus de soutien.
Quelle appréciation faites-vous de la gouvernance de manière générale au Mali ?
La gouvernance au Mali, chacun peut l’apprécier à sa façon. La gouvernance obéît à des principes. Ces principes valent et pour nous et pour l’Etat central, mais les gens font comme si la redevabilité ce n’est que les collectivités alors que si tu veux que l’administré croit en la même chose que toi, tu fais de telle sorte qu’il comprenne ce que tu es en train de faire. Au moins qu’il puisse analyser et comprendre sur ce que tu es en train de faire. Maintenant, que toi tu représentes l’Etat, moi je représente les collectivités, la population ne connait pas presque cette différence. Si elle a envie de croire, elle doit croire au préfet au même titre qu’au maire, au chef de service de l’agriculture au même titre que celui de l’urbanisme et les domaines. Globalement dans le pays, la gouvernance est mauvaise. Une bonne gouvernance, c’est d’abord l’accès à l’information à tous les niveaux, la communication, la transparence dans la gestion des ressources, la redevabilité auprès de ceux qui vous ont élu. Ça c’est global, mais le niveau local ça c’est le niveau le plus sismique. L’exigence est de fait. Ce qui n’est pas tout à fait pour les autres. Un député n’a pas les mêmes contraintes que nous, un ministre n’a pas les mêmes contraintes que nous, le président il est entre le ciel et la terre. Donc, c’est nous qui sommes pratiquement soumis à la pression. Je dis même les questions d’emploi sont devenues locales. Nous avons quel instrument, quel moyen, mais c’est jeunes ici nous font la pression parce qu’ils n’ont pas où aller. Tous ceux qui terminent pratiquement à Bamako où ailleurs, là-bas si les logements leur rougissent les yeux, on ne peut plus rester là-bas, on est obligé de venir chez soi et quand on vient chez soi, tu viens tomber dans une situation, ou si tu ne fais rien, tu feras partie de ceux-là qui n’ont pas de bonne humeur. Voilà pourquoi pour les services tels que l’ANPE, l’APEJ doivent aujourd’hui avoir des liens avec la gestion locale, avec les collectivités. Ce n’est pas à des individus d’apprécier.
Boubacar Yalkoué
Le Pays