Il fut l’un des principaux fondateurs du RDA, la formation politique qui conduisit nombre de pays ouest-africains à l’indépendance et joua un rôle d’avant-garde dans l’émancipation africaine en général. Connu pour sa simplicité, sa générosité, sa franchise, il fut élu député à l’Assemblée nationale française en novembre 1946 et joua un rôle de premier plan dans les débats de la décolonisation. L’homme d’État intrépide mourut 4 ans avant l’accession du Mali à la souveraineté nationale et internationale
Demain 11 mai 2021, aura lieu la commémoration du 65è anniversaire du décès de Mamadou Konaté. L’événement prévoit une exposition photos organisée par l’Amap sous l’égide du ministère de la Communication et de l’Économie numérique et du ministre de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme. Les deux ministres Dr Hamadoun Touré et Mme Kadiatou Konaré ont décidé de célébrer la mémoire de ce grand homme, l’un des pères de l’indépendance du Mali. Le programme prévoit également une cérémonie à la Place Mamadou Konaté plus commue sous le vocable place de l’Éléphant à Hamdallaye ACI.
Décédé le 11 mai 1956, Mamadou Konaté était le fils de Fatoumata Mama Sy et de Tiéblemba Konaté dont les ascendants sont originaires du village de Goupou dans la Région de Kayes. Il naquit vers 1897 à Kati, une bourgade rurale devenue avec la colonisation une ville-garnison à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Bamako. Il eut seize enfants qui ont engendré 70 petits-enfants. À 22 ans, le jeune Konaté sort major de l’École William Ponty (Sénégal), célèbre pépinière d’où sont sortis en une soixantaine d’années, de 1903 à 1965, plus de 2.000 cadres de l’Afrique de l’Ouest dont plusieurs ministres et chefs d’État parmi lesquels Modibo Keïta du Mali, Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire, Abdoulaye Wade du Sénégal.
Après ses études, Mamadou Konaté devint instituteur auxiliaire et exerça de 1919 à 1933 successivement à l’École professionnelle de Bamako, à l’école de Diafarabé et à celle de Kolokani. Il servit ensuite à l’École primaire supérieure de Bamako avant de créer (1933-1946), l’École rurale qui prendra plus tard son nom pour devenir l’actuelle École Mamadou Konaté. Il avait toujours les compliments de sa hiérarchie.
«M. Mamadou Konaté est un maître actif, dévoué, consciencieux. Sert depuis le 15 septembre 1930 en qualité d’adjoint à l’École Terrasson de Fougère où il remplace un instituteur du cadre supérieur.
Une promotion au choix après 2 ans 6 mois passés au 1er échelon du grade d’adjoint viendrait le récompenser de son zèle. Possède le D.A.P. depuis l’an passé», écrivit le chef du service de l’Enseignement, le 1er novembre 1932 (Notes du lieutenant-gouverneur). «Collaborateur de premier ordre. Bon instituteur. Obtient de bons résultats à l’École primaire supérieure où la classe de 2ème année lui est confiée. Mérite la bienveillance de ses chefs», autres observations du chef du service de l’Enseignement, le 1er octobre 1933.
Intrépide défenseur de ceux qui souffrent, Mamadou Konaté, fut l’un des principaux fondateurs du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) qui conduisit nombre de pays en Afrique de l’Ouest à l’indépendance et joua un rôle d’avant-garde dans l’émancipation africaine en général.
À l’issue du congrès constitutif du RDA, Félix Houphouët Boigny en fut élu président et Mamadou Konaté, vice-président. Deux jours plus tard, le 22 octobre 1946, la section RDA du Soudan, l’Union soudanaise naquit, avec à sa tête, Mamadou Konaté. Candidat de l’US-RDA, il fut élu député à l’Assemblée nationale française en novembre de la même année et fut le premier Noir Africain à siéger comme vice-président au Palais Bourbon.
Conseiller général et grand conseiller du Soudan depuis 1952, Mamadou Konaté joua un rôle de premier plan dans les débats de la décolonisation. Il défendit devant le Parlement français avec d’autres compagnons de lutte les dossiers brûlants de l’heure, entre autres, le code du travail, l’amnistie d’Outre-mer, l’Assemblée territoriale.
Malheureusement l’homme ne verra pas l’indépendance pour laquelle il s’était tant investi. Il mourut le 11 mai 1956. “Il faut avoir un grand cœur, un amour passionné du prochain poussant à l’abnégation, une probité morale exclusive pour coiffer tant d’estime et demeurer soi-même”, déclarait à ses obsèques Modibo Keïta, premier président du Mali indépendant.
L’UNION FRATERNELLE- Réfractaire aux injustices de toutes sortes, avec ténacité, il consacra ses énergies à lutter farouchement contre les brimades et autres humiliations des populations dont la condition sociale ne cessait de le préoccuper. Il fut ainsi amené à construire de nombreux puits dans plusieurs localités dont Goupou, village de ses ancêtres. Membre de plusieurs commissions à l’Assemblée nationale française, ses interventions se concentraient surtout sur l’éducation et sur les conditions de travail dans les territoires de l’Outre-mer.
On retiendra de ce géant de l’histoire malienne et africaine, grand amateur de fonio et de tô, une pâte de mil additionnée de potasse et servie avec une sauce gombo, chantre de la lutte pour l’émancipation des Africains, sa simplicité, sa générosité, sa franchise, sa justesse d’analyse et son inestimable sérénité qui furent des atouts précieux dans l’aboutissement de son engagement pour les nobles causes en faveur des plus démunis dont il fut un défenseur opiniâtre.
« Nous sommes tous appelés à mourir. Ce qui ne meurt pas, c’est le pays. Pensez donc au pays ! » Tel était, tout au long de sa vie, le credo de ce patriote dont l’abnégation forçait l’admiration, qui poussa l’humilité jusqu’à exiger que son linceul soit dans une étoffe ordinaire, celle des pauvres.
Grand humaniste au grand cœur, Mamadou Konaté a été chaleureusement salué par tous ceux qui l’ont côtoyé, amis comme adversaires politiques. L’un des hommages, parmi les plus éloquents, lui a été rendu par celui dont il fut le surveillant général à l’École William Ponty et qui deviendra plus tard un de ses plus fidèles compagnons de lutte, Houphouët-Boigny, qui a dit à son sujet : «L’union était le but de sa vie, l’union dans la famille, l’union fraternelle, l’union dans l’Afrique.
Il nous a appris à éloigner de nos cœurs la haine, la vengeance, la méfiance paralysantes et destructrices et à cultiver en nous la tolérance, la confiance, l’amour, la fraternité, assise inébranlable de la communauté des Peuples que nous voulons bâtir».
Pour immortaliser sa mémoire et ses valeurs d’humanisme, de tolérance, de fraternité et de solidarité, une association a été créée le 30 septembre 2009 à l’initiative de descendants de Mamadou Konaté, fils, petits fils, arrières petits fils mais aussi alliés et sympathisants de l’action d’un des héros de la libération et de l’émergence d’une nouvelle Afrique.
L’Association a pour objectif de «réhabiliter, préserver et maintenir vivace la mémoire de Mamadou Konaté et d’informer l’opinion nationale, en particulier les nouvelles générations, des actes posés et des œuvres réalisées par l’illustre disparu». Elle s’attachera à transmettre et à veiller au respect des valeurs d’éducation, d’éthique et de morale qui constituent son héritage le plus précieux légué à la postérité.
C’est cet esprit de solidarité et de fraternité qui a inspiré la décision de l’Association de restaurer le puits offert par Mamadou Konaté, il y a 70 ans, aux habitants de Goupou, son village ancestral et de doter celui-ci d’autres installations d’utilité publique dont une école et un centre de santé.
Synthèse Madiba KEITA
Source : L’ESSOR