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Haïdara Elisabeth Stéphanie Condé à propos de la création du Master Genre à l’Université du Mali ”Le processus nous a pris pratiquement dix longues années”

Après l’adoption de la loi n°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le Genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives, le Mali vient de créer une filière Genre dans l’Enseignement supérieur.  Un acte inédit dans la sous-région et rarissime sur le continent. Pour le rôle majeur qu’elle a joué dans le processus, nous avons approché Madame Haïdara Elisabeth Stéphanie Condé afin de nous édifier davantage.

 

‘Indépendant : Lors du lancement du Master Genre, le mercredi 4 décembre 2019, une première, semble-t-il, au Mali et même dans la sous-région, nous avons appris comme beaucoup de nos compatriotes que c’est grâce à vous que ce résultat a été atteint. A notre avis, un tel projet aurait dû, en principe, être porté par le ministère de la Promotion de la femme et/ou celui de l’Enseignement supérieur. Or nous savons que vous ne travaillez dans aucun de ces deux départements. Alors, dites-nous comment cela s’est passé !

C’est vrai, comme vous l’avez si bien relevé, je ne suis ni un cadre du département de la Promotion de la femme ni de celui de l’Enseignement supérieur. Je travaille actuellement dans un projet de l’USAID Mali. Mais l’initiative d’une formation diplômante en Genre émane du Projet de Renforcement de Capacités des Organisations Féminines du Mali (communément appelé RECOFEM), dont j’ai été la Coordonnatrice pendant huit ans.

C’était un projet financé par la Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF) que notre compatriote, ancien Premier ministre, Soumana Sacko, dirigeait et dont le siège se trouve à Harare (Zimbabwe). Le Projet était placé sous la tutelle du ministère de la Promotion de la femme. Ayant pour bénéficiaires les organisations féminines du Mali, le RECOFEM organisait beaucoup de sessions de formation sur des thèmes relatifs au genre dans différents domaines, compte tenu de sa transversalité. Toutes ces sessions étaient sanctionnées par des attestations de participation.

Mais, à l’évaluation de la phase I du projet, le besoin d’une formation diplômante est apparu de façon récurrente. Les cadres des organisations féminines et ceux du ministère en charge de la promotion de la femme que nous formions, réclamaient un diplôme en Genre pour faire prévaloir les connaissances acquises en la matière. Mais, vous convenez avec moi que le projet n’est pas une structure d’enseignement et n’est pas habilité à délivrer des diplômes. Il fallait recourir nécessairement aux établissements d’enseignement du Mali, en l’occurrence, les universités. C’est ainsi que le RECOFEM a approché l’Université des Lettres et Sciences Humaines de Bamako (ULSHB) et l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB) pour mener ce travail.

Dites-nous les différentes étapes par lesquelles vous êtes passée pour y arriver

Depuis l’expression du besoin de formation diplômante en genre par les bénéficiaires du Projet, l’ACBF nous a donné l’autorisation de mettre en place un comité de réflexion composé des membres des organisations féminines, des cadres des ministères de l’Enseignement (éducation de base et enseignement supérieur), du ministère de la Promotion de la femme et de l’Université privée Mandé Bukari du Professeur Chéibane Coulibaly. Ce comité a balisé le terrain et conçu une note conceptuelle sur la base de laquelle nous sommes allés à la rencontre des Recteurs des deux universités publiques (ULSHB et USJPB). Là, il a été décidé d’élever la filière au niveau Master.

Les cadres des deux universités, du Projet RECOFEM et une Conseillère technique du ministère de la Promotion de la femme ont travaillé à la conception d’une maquette qui a été soumise à l’analyse, aux observations et approbation du Comité scientifique de l’Université. Une décision d’habilitation a été prise par le comité scientifique pour quatre ans à l’issue desquels une évaluation sera faite pour corriger et réorienter au besoin la conduite du Master.

Avez-vous connu des obstacles, avez-vous bénéficié de soutien au cours du processus ?

Des obstacles, il y en a eu mais ils ne nous ont pas empêchés d’avancer et d’atteindre nos objectifs. D’abord, au niveau du Projet RECOFEM, nous avons manqué de soutien véritable au plan national. L’ACBF était le bailleur du Projet mais quand ses fonds ont été épuisés, le projet est resté orphelin, heureusement que les deux universités ont continué sur leur lancée, la commission technique n’a pas été interrompue, tous ses membres sont restés en place, à part la représentante du ministère de la Promotion de la femme.

A partir de ce moment, toutes les charges ont été supportées par l’USJPB. Le travail de conception a pris fin avec la décision d’habilitation du comité scientifique. Mais ce n’était pas tout, il manquait l’accompagnement des partenaires techniques et financiers. C’est là qu’ONU-Femmes est entrée dans la danse et a joué pleinement son rôle. Cette institution onusienne, qui porte le Lead en matière de genre, s’est impliquée financièrement et techniquement à nos côtés.

Avec ONU-Femmes, nous travaillons sur tous les contours, du contenu des modules de Genre enseignés à l’implication des ressources humaines qualifiées. Nous ne cesserons de saluer l’accompagnement salutaire d’ONU Femmes, qui n’empêche pas que d’autres partenaires se joignent à nous, s’ils sont intéressés. C’est pourquoi, notre travail de démarchage auprès des partenaires continue.

Combien de temps vous a pris le processus, du début à ce lancement ?

Ce fut un long processus. Il a commencé en 2009 avec la définition de la phase II du Projet RECOFEM. Au bout de trois ans de réflexion au sein du projet, nous avons décidé de nous reporter aux deux universités citées plus haut pour nous aider à sortir de l’ornière. C’était en 2012. De cette date au lancement du Master Genre et Développement, intervenu le 4 décembre, nous comptons sept ans. C’est dire que le processus nous a pris pratiquement dix longues années.

Concrètement, sur quoi va porter l’enseignement du genre ?

Le genre est une question transversale, il intéresse tous les domaines d’enseignement. En plus des deux universités qui portent ce Master, les domaines d’intervention des autres universités sont pris en compte. C’est pourquoi nous avons fixé comme pré-requis, l’exigence d’une maîtrise classique ou une Licence (LMD) toutes disciplines confondues, évoluant aussi bien dans le secteur public que privé.

En plus du concept Genre et Développement avec ses ramifications, les autres matières enseignées sont principalement les Droits de l’Homme, le Droit International Humanitaire, la Santé de la Reproduction, le Droit de la Famille au Mali, la Sociologie, le Droit International du Développement, la Gestion des Ressources Humaines, la Communication, les droits matrimoniaux, la succession et les libéralités, la Méthodologie de recherche en sciences sociales, la Gestion des conflits, la Gestion de projet, la Création d’entreprise, l’Informatique, la Comptabilité Générale, les Arts et Sports, etc.

Il s’agit pour nous de doter le Mali et d’autres pays de la sous-région de ressources humaines compétentes en matière de genre. Pour cette première promotion, le nombre d’auditeurs est limité à trente-cinq étudiants dans la classe.

Vos conclusions ?

Notre totale satisfaction, en tant qu’initiateur de ce Master, réside dans l’existence d’une filière Genre dans les disciplines enseignées au Mali, au niveau supérieur. Jusque-là, les compétences en genre étaient acquises à travers des formations qualifiantes, mais aujourd’hui, notre pays est en mesure de délivrer des diplômes en Genre et Développement, scientifiquement reconnus dans le monde. Pour cela, le projet RECOFEM, appuyé par l’ACBF, n’a pas vécu inutilement.

Aminata KEBE,stagiaire

Source: l’Indépendant

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