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Habib Sissoko, président du CNOS: «Le problème des sportifs maliens, c’est le mental»

Dans cette interview, le président du Comité national olympique et sportif et président de l’Union africaine de judo parle, actualité oblige, de la pandémie du Covid-19 et de son impact sur le sport mondial, de sa carrière de dirigeant sportif, du sport malien et donne la recette de sa longévité à la tête du Mouvement olympique national

 

L’Essor : Le sport mondial est à l’arrêt depuis mars pour cause de coronavirus. En tant qu’ancien athlète et président du Comité national olympique et sportif (CNOS), comment vivez-vous cette situation ?
Habib Sissoko : Tout d’abord, le sport n’est pas à l’arrêt, ce sont les activités sportives qui sont suspendus pour un temps. C’est vrai que les Jeux olympiques ont été reportés pour 2021, mais les autres activités sportives dirigées par les fédérations internationales peuvent reprendre après la fin du Covid-19. C’est une situation qui ne dépend pas de quelqu’un, une situation regrettable pour tout le monde. Beaucoup d’athlètes se sont qualifiés pour les Jeux olympiques et d’autres étaient en bonne position pour obtenir leur qualification. Brusquement tout s’est arrêté. C’est une situation qui a tout bouleversé, c’est dur pour les athlètes qui ont fait des efforts pour arriver à ce niveau.

L’Essor : Au niveau du CNOS, que faites-vous dans le cadre de la sensibilisation et de la lutte contre cette pandémie ? Concrètement, quelles sont les actions qui ont été initiées par le Mouvement olympique national ?
Habib Sissoko : Au niveau du CNOS, depuis que le Conseil de défense dirigé par le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta a annoncé des mesures préventives contre le Covid-19, le Comité national olympique et sportif a alerté toutes les associations sportives nationales, leur demandant de suspendre toutes les activités jusqu’à nouvel ordre. En collaboration avec le ministère de la Jeunesse et des Sports, le Comité a entrepris une vaste campagne de sensibilisation qui a été marquée par des distributions de kits sanitaires. Nous avons rencontré les fédérations et toutes se sont engagées à suspendre leurs activités et aider le ministère de la Jeunesse et des Sports et le Comité national olympique et sportif dans la lutte contre le coronavirus. Nous restons mobilisés dans la lutte contre cette maladie et saluons les efforts déployés par les autorités depuis l’apparition du Covid-19 dans notre pays.

L’Essor : Le Comité international olympique (CIO) a reporté les Jeux olympiques à 2021. Toutes les compétitions internationales prévues cette année ont été reportées ou annulées. Pensez-vous qu’on peut encore sauver la saison 2019-2020 ?
Habib Sissoko : Les Jeux olympiques ont été reportés par le CIO et on sait que c’est le plus grand événement sportif du monde. D’autres grands événements sportifs ont été également reportés, mais pour le moment, les cas d’annulation ne sont pas nombreux. Personnellement, je pense qu’on peut sauver la saison. Certes, la situation ne s’annonce pas facile, mais à mon avis c’est possible.

L’Essor : Selon vous, quelles peuvent être les conséquences sportives et financières du Covid-19 sur le sport mondial ?
Habib Sissoko : Le coronavirus aura des conséquences dans tous les domaines. Sur le plan sportif, on risque d’assister à la saison la plus longue de l’histoire du sport mondial, avec toutes les conséquences physiques et mentales que cela peut avoir pour les athlètes. Rappelez-vous, depuis début mars, presque tous les athlètes sont confinés et nombre d’eux ont été contraints d’accepter des baisses de salaire. Autant l’après coronavirus s’annonce compliquée pour les athlètes, autant les conséquences économiques de cette pandémie seront lourdes pour les clubs et les instances sportives. En France par exemple, l’impact direct sur la saison en cours et les effets sur la saison à venir avec une dégradation des conditions économiques habituelles ont été estimés de manière provisoire, à près de 967 milliards de Fcfa. Pour me résumer, je dirai que la pandémie de Covid-19 aura d’importantes conséquences sanitaires, mais aussi sociales, économiques et financières.

L’Essor : Vous dirigez le CNOS depuis près de deux décennies, quel est le secret de votre longévité?
Habib Sissoko : Pour moi, il n’y a pas de secret. Il faut simplement respecter ses collaborateurs et partenaires, être loyal avec eux, avoir une grande capacité d’écoute et être rigoureux dans le travail. Le sport a des valeurs qui s’articulent autour du respect mutuel. Quand vous travaillez avec des hommes et des femmes qui vous connaissent depuis de longues années et qui vous font confiance, il y a forcément un lien qui se tisse entre vous. Je dois dire aussi que mon parcours m’a beaucoup servi parce qu’avant d’être président du CNOS, j’ai occupé successivement les postes d’entraîneur de judo, de directeur technique et de président de la Fédération malienne de judo. Sans compter que j’ai participé aux Jeux olympiques en tant qu’athlète. S’il y a un autre secret, c’est la bonne gouvernance au sein du CNOS. Dès notre arrivée à la tête du Mouvement olympique national, nous avons fait de la bonne gouvernance notre crédo. On a coutume de dire que le miel ne se dit pas doux, mais en matière de bonne gouvernance, on peut être fier de notre Mouvement olympique national.

L’Essor : Cette année, un seul athlète malien a réussi à se qualifier directement aux J.O. Selon vous qu’est-ce qui explique cette contre-performance du sport malien ?
Habib Sissoko : Pour moi, le premier problème de nos sportifs se situe au niveau du mental. Dans le sport de haut niveau, il faut avoir un mental fort pour espérer obtenir des résultats. Tous les entraîneurs et techniciens du monde vous le diront : le mental est la première arme d’un athlète. La meilleure façon d’aborder une compétition, c’est d’être prêt sur le plan psychologique.
Malheureusement, je remarque que nos athlètes pèchent toujours dans ce domaine. Il faut que nous cherchions ensemble une solution à ça. En tant que président du Comité national olympique et sportif, je peux dire que les fédérations font de leur mieux pour mettre les athlètes dans les meilleures conditions possibles, mais dans le sport de haut niveau cela ne suffit pas. Ce que beaucoup de gens ne savent pas, c’est que la réussite d’un athlète dépend à 70% de lui-même. Je le répète donc, il faut avoir un mental fort pour gagner un combat ou une compétition. Je profite de l’occasion qui m’est offerte à travers cette interview pour demander à l’ensemble des acteurs engagés dans le développement du sport de notre pays de réfléchir à la question. L’état fait beaucoup d’efforts, mais les résultats ne suivent pas. Quelque part, il y a un problème et nous sommes tous interpellés.

L’Essor : Contrairement à beaucoup de nos voisins comme la Côte d’Ivoire, le Niger, l’Algérie, le Mali n’a jamais réussi à gagner une médaille olympique. Comment expliquez-vous cette longue disette, vous qui avez eu le privilège de participer aux J.O.
Habib Sissoko : Le Kenya a été le premier pays africain à remporter une médaille olympique, mais à partir de 2016 on a assisté une petite révolution, avec les sacres d’autres pays comme le Niger, l’Algérie, la Côte d’Ivoire pour ne citer que ces quelques nations. Le Mali a remporté deux titres de champion du monde de taekwondo grâce à Daba Modibo Keïta. Cet athlète était bien placé pour offrir au Mali sa première médaille olympique, mais il a échoué aux Jeux olympiques de Pékin 2008. Daba Modibo Keïta n’a pas remporté de médaille olympique, mais l’histoire retiendra qu’il a été le premier Africain à remporter un titre mondial dans la catégorie des poids lourds. C’est une fierté pour notre pays.

L’Essor : Vous présidez également aux destinés du judo africain, comment se porte aujourd’hui cette discipline ? Êtes-vous satisfait des résultats obtenus ces dernières années par les judokas africains, en général et les combattants maliens en particulier ?
Habib Sissoko : Le judo africain se porte bien, en attestent les résultats obtenus ces dernières années par les judokas du continent. Lors des derniers championnats du monde, les judokas africains se sont hissés à trois reprises sur le podium. Certes, les problèmes économiques de nos pays impactent sur la bonne marche de cette discipline sur le continent, mais dans l’ensemble, je pense que le niveau de nos judokas s’améliore d’années en années. Cela fait plus de 20 ans que je dirige le judo africain, parce qu’avant d’être président de la Confédération africaine de judo, j’ai été d’abord vice-président de cette instance. Je suis donc bien placé pour parler du judo africain. Concernant le judo malien, je le soutiens depuis plus de deux décennies. Je suis satisfait des résultats de nos athlètes mais je pense qu’on peut faire mieux. J’exhorte donc les athlètes et la Fédération malienne de judo à travailler plus pour améliorer ces performances.

L’Essor : Quels commentaires vous inspirent les relations qui existent entre le CNOS les autorités, singulièrement le ministère de la Jeunesse et des Sports.
Habib Sissoko : Le Comité national olympique et sportif entretient de très bonnes relations avec le ministère de la Jeunesse et des Sports. Nous avons toujours eu des relations privilégiées avec le département de tutelle et travaillons toujours en bonne intelligence avec les ministres qui viennent à la tête du sport national. L’actuel ministre de la Jeunesse et des Sports, Arouna Modibo Touré est un pratiquant d’arts martiaux que nous connaissons depuis plusieurs années. Depuis son arrivée à la tête du département, nous travaillons avec lui main dans la main avec un objectif commun : promouvoir et développer le sport malien, toutes disciplines confondues.

Interview réalisée par Djènèba BAGAYOKO

Source : L’ESSOR

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