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GUIDE PÉDAGOGIQUE PERMANENT D’ÉCONOMIE : Le livre du Dr Lamine Kéita qui décape la Science économique (suite et fin)

« M. Lamine Kéita a l’art des brillants exposés », nous avait avertis un voisin sans doute habitué aux joutes oratoires de l’homme. La conférence du vendredi 02 septembre 2022 n’a pas démenti cette appréciation. En effet, l’homme nous a abreuvés d’une élocution centrée sur le monde touffu de l’économie mais personne ne s’est ennuyé, experts comme profanes. La simplicité, en matière de communication, est la plus compliquée des tâches mais, une fois réussie, elle a l’art d’éclairer la plus subtile pensée du locuteur. C’est exactement ce qu’a pu démontrer le Docteur Lamine Kéita en nous guidant dans l’univers cahoteux de l’économie et en réussissant la prouesse de nous en faire saisir les méandres. Et quand un précepte coranique devient cette source de lumière projetée sur la science économique, la compréhension devient aisée, surtout quand elle est sous-tendue par une pensée limpide et dépourvue de prétention.

Dans notre livraison du lundi 05 septembre, nous vous avions exposé trois des dix vérités d’origine coranique et révélées par le Docteur Kéita dans son dernier livre « Le Guide pédagogique permanent d’économie ». Nous avions terminé sur les conséquences de la transgression des interdictions ou des mises en garde relevées dans le Coran. Le Docteur Kéita, en sa qualité de spécialiste de l’économie, a pu nous révéler quelques conséquences de ces violations telles qu’annoncées dans la sourate 11, versets 84 et 85 :

La diminution des mesures et du poids peut engendrer « la destruction des valeurs des ressources fixes, passées, présentes et futures » ;

Lorsque le verset 85 de la sourate 11 dispose : « Ne dépréciez pas aux gens leurs valeurs et ne semez pas la corruption sur terre », l’auteur trouve le fin lien avec notre quotidien, en appliquant les préceptes coraniques au champ économique. En effet, M. Kéita trouve les potentielles conséquences du non-respect des deux interdictions divines précitées : « Nous avons compris comment la substitution d’une petite unité de mesure à la grande unité de mesure détenue par la population présente l’inconvénient d’appauvrir la population, car cela réduit de moitié la valeur des revenus fixes, quand la baisse des prix sera moindre », occasionnant ainsi des difficultés de vivre qui « s’accroissent d’autant pour la population ainsi que la tentation de la corruption qui sera encore plus grande pour arriver à joindre les deux bouts ». Le profane verrait dans ces unités (petite et grande) les jauges de mesure ordinaires comme celles du poids, de la longueur, etc. Mais, à ces unités de la vie courante (le kilogramme, le mètre…), le Docteur Kéita transpose les unités monétaires dont, en l’occurrence, la petite serait le Franc Malien et la grande, le Franc CFA. Le remplacement du Franc Malien par le CFA, au Mali, a occasionné une perte sèche pour les populations qui ont dû perdre la moitié de leur avoir : 2 Francs Maliens = 1 F CFA. Si des dispositions ne sont pas prises pour compenser cette perte des populations, notamment en alignant les prix des produits de première nécessité sur la valeur de la nouvelle monnaie par rapport au Franc Malien, c’est la catastrophe. C’est ce qui est survenu en 1984, lorsque le Mali a adopté le Franc CFA en lieu et place du Franc Malien. Le pouvoir d’achat a été fortement dégradé, accroissant ainsi la paupérisation des citoyens. Mais c’est par la dévaluation du FCFA en 1994 qu’apparaissent nettement les notions de petite et grande monnaies. En effet, du jour au lendemain, les gens ont perdu, dans les faits, la moitié de leur patrimoine lorsque cette monnaie sous-régionale a fortement perdu de sa valeur. Ainsi, la grande monnaie qu’était le FCFA en 184 est devenue subitement une petite monnaie et n’a contribué qu’à appauvrir davantage les populations, puisque les prix n’ont pas subi d’effets positifs de la même opération. L’auteur donne le verdict suivant : « …il apparaît clairement, au cours de cet échange de 1994, que la population a été expropriée de la moitié de ses ressources monétaires en faveur de la France, du fait de la diminution des mesures et du poids ». Donc, selon le Docteur Lamine Kéita, la balance évoquée dans le Coran pourrait correspondre à une unité monétaire. Ce qui apporte un éclairage nouveau au contenu de ce saint livre datant du 5ème Siècle. Mais, pour éviter de violer les interdictions ou savoir appliquer ces recommandations divines dans le Coran, il faudrait posséder l’art de la mesure et, donc, avoir la compétence de mesurer. Or, la grande majorité des économistes ignorent cette notion de mesure. Comment donc appliquer une recommandation, un précepte ou éviter de transgresser un interdit quand on ignore jusqu’à l’existence de ce précepte et de cet interdit ? Monsieur Kéita a sa réponse à cette interrogation : « Pour sortir de de l’impasse, il est d’abord nécessaire de prendre conscience de l’importance de la mesure et de savoir mesurer, afin de connaître les tenants et les aboutissants. L’auteur a d’autant plus raison que la plupart de ses homologues ignorent la notion traitée, alors que Dieu avertit dans son Coran : « Nous détaillons nos versets pour donner des preuves à celui qui connaît ». Monsieur Kéita affirme avoir lui-même appris à « mesurer » depuis la publication en 2002, de son livre « La Théorie économique du XXIème siècle – Le concept de mesure en économie » : « Il nous était donc facile de reconnaître la balance, quand les pratiques autorisées et interdites pour son utilisation trouvaient pleinement, auprès de nous, tout leur sens dans des formes et expressions très précises ». C’est ainsi qu’en 1984, lors du passage du Mali du Franc Malien au Franc CFA, l’auteur, fort de sa compétence d’interpréter le Coran et d’y trouver un sens ignoré jusqu’à ce jour, a proposé une lecture pointue de la situation du Mali, dans cette période mouvementée dont il fait « une lecture précise de la simple réalité économique qui s’était déroulée sous nos yeux, à travers des explications qui resteraient inaccessibles à une personne ignorant la mesure ».

Selon Monsieur Kéita, le passage du Mali au Franc CFA a étalé, aux yeux de tout observateur, cette aptitude innée de l’être humain à pouvoir faire des opérations au moment de la coexistence des deux monnaies (le Franc Malien et le Franc CFA) à valeurs pourtant inégales. L’auteur loue ce savoir-faire d’autant mieux que les gens n’avaient acquis, au préalable, aucune connaissance théorique. C’est donc par la pratique que leur maîtrise en matière monétaire s’est révélée. L’auteur attire l’attention sur l’identification des Francs malien et CFA comme des « instruments de mesure de l’économie » par les populations non pourtant initiées aux connaissances des sciences économiques. Ainsi se sont-elles illustrées par la pratique à travers leur savoir-faire qui ne doit rien aux connaissances théoriques qui, dans un contexte habituel, précéderaient justement l’exercice de ce savoir-faire.

Mais la démarche du Docteur Kéita devient à la fois éclairante et édifiante lorsqu’il nous démontre, preuves à l’appui, la manière dont le Trésor français a grugé les pays de la Zone franc en 1994. C’est, en effet, une recette vieille de plusieurs siècles qui a plusieurs fois sauvé les finances françaises que la France a tout simplement ressuscitée en 1994 : le système monétaire français connaissait deux valeurs différentes : l’Ecu la vraie monnaie utilisée au quotidien par le peuple et la Livre Tournois, une monnaie fictive dont dépendait, pourtant, l’Ecu. La valeur de la monnaie fictive était donnée en pièces d’or.  Les rois, pendant quatre siècles, avaient la latitude de casser la valeur de l’Ecu pour diminuer d’autant le dépôt de garantie. La Révolution de 1792 a supprimé l’Ecu et interdit ces opérations dépréciatives de la monnaie. En 1945, le CFA a été créé par la France pour jouer, pour le Trésor français, le même rôle qu’assumait l’Ecu en France. Ainsi, à titre comparatif, le CFA serait l’Ecu et la Livre, le Franc Français. Le CFA dépend toujours, même après la disparition du Trésor français et se trouve arrimé à l’Euro. Mais la France garde la main sur le destin du CFA, au grand dam des populations de la Zone franc. Toute dépréciation du franc CFA fait gagner, à hauteur de la nouvelle valeur assignée à cette monnaie, ce dont seront délestées les populations concernées. C’est donc une sorte de vol mis en place depuis 1945 et qui permet à la France de détourner une partie des dépôts de garantie des populations et ce, en violation flagrante du contrat de non-spoliation d’aucune des deux parties contractantes ! Donc, en définitive, la France continue de faire en Afrique ce qu’elle a interdit chez elle depuis 1795, puisque le Franc CFA joue exactement le même rôle autrefois assigné à l’Ecu, et jamais en désavantage du Trésor français. Ainsi, hier le Franc Français et aujourd’hui l’Euro jouent le rôle de ce que M. Kéita appelle l’étalon pour le FCFA qui serait donc un numéraire ou l’instrument de mesure de l’Euro. La dévaluation de l’étalon serait profitable aux pays de l’UEMOA si ceux-ci sont producteurs et exportateurs, donc actifs. Mais, comme tous les pays de cette zone sont dits passifs, c’est-à-dire plus consommateurs que producteurs, la dévaluation de cet étalon ne peut, en aucun cas, leur être profitable. En effet, leur capacité d’importation s’en trouvera fortement impactée et ils ne sont pas, non plus, à l’abri d’une inflation liée aux mouvements d’importation. Mais la dépréciation du FCFA qui permet au Trésor français d’engranger une manne correspondant, par exemple, à la moitié des ressources des populations de la zone CFA. Cela, selon le Docteur Lamine Kéita, est une opération frauduleuse ne profitant qu’à la seule France, autorité monétaire dans les pays CFA, via son Trésor.

Cette dépréciation du FCFA équivaudrait donc, selon le Coran, à la diminution des mesures et du poids dont les conséquences sont nombreuses :

  1. a)Le butin de la fraude est un montant de ressource dont la population a été expropriée en s’appauvrissant d’autant…
  2. b)En comprenant que la monnaie est une balance pour recevoir une quantité équivalente de valeurs en biens et services en réduisant cette balance de la moitié de sa valeur, le détenteur ne recevra pas autant de bien qu’avant la mesure et de diminution des poids et mesures.
  3. c)Une mauvaise perception des prix

Ainsi, le prix du poulet qui était de 50 FCFA avec 1 FCFA = 0,002 FF, est passé à 80 FCFA avec 1 FCFA = 0,01 FF. donc en choisissant le premier FCFA comme numéraire pour exprimer la valeur, le deuxième prix du poulet s’établit à : 80/2 = 40, ce qui confirme que le prix est passé de 80 à 40 dans la même grande unité de mesure. Dans ce cas, la baisse du prix est de (40-50)/50 = -20%.

En choisissant le second numéraire, le premier prix de 50 s’établit à 100 et la variation de prix est de : (80-100)/100 = -20%.

Cette baisse des prix est le seul résultat possible car, en appauvrissant la population par cette méthode d’expropriation, les prix ne peuvent pas augmenter.

  1. d)Les salaires, les dettes et les créances seront exprimés de force dans la même quantité d’Ecus après la mesure. Donc les salaires sont diminués de moitié par cette pratique de diminution des poids et mesures, accusant une baisse plus forte que les prix. Donc, les salariés sont très appauvris.

Ainsi, si l’on sait qu’avec l’augmentation annuelle de 5%, un salaire double en 15 ans, alors en divisant le salaire par deux, cela signifie, nominalement, un recul de 15 ans.

En tenant compte de l’inflation annuelle de 5%, cela signifie un pouvoir d’achat d’il y a encore 15 ans plus tôt.

D’où un recul cumulé de 30 ans, imposé à toutes les grandeurs nominales fixes : revenus, produits d’épargne, actifs et passifs.

  1. e)Adieu à la compétition internationale

En s’imposant un recul de 30 ans pour les revenus fixes, les pays de la Zone franc se trouvent majoritairement classés, y compris la Côte d’Ivoire, malgré ses performances de rêve faisant d’elle l’économie la plus performante de l’UEMOA, parmi les 25 derniers pays du monde en 2019…

Par conséquent, s’il y a une stabilité, il s’agirait bien de celle de la pauvreté !

  1. f)Méconnaissance de la comparaison des monnaies des pays

En matière de comparaison des monnaies des pays, D. Ricardo interdit de comparer l’étalon d’un pays représentant l’or avec le numéraire d’un autre pays représenté par le blé ou autre chose. En l’occurrence, le FF et le FCFA représentent l’étalon et le numéraire d’un même groupe de pays, par ailleurs, entre la monnaie de 0,02FF et celle de 0,01FF, il s’agit de deux numéraires d’un même pays. Nul ne saurait encore parler de dévaluation, si l’on se réfère à D. Ricardo.

  1. g)Nous savons qu’entre le FF et le FCFA et le FM, il y a la relation entre l’étalon et ses unités de mesure. On ne peut donc pas parler de dévaluation entre le FF et le FCFA ni entre le FCFA et le FM. En revanche, entre l’Euro et le Dollar ou encore entre l’Euro et la Livre anglaise…
  2. h)Les exportateurs de la Zone franc en faillite instantanée

Un exportateur qui a reçu 100 milliards de FCFA pour avoir fait déposer des devises au Trésor français 2 milliards de FF, se retrouve, dès l’annonce de la dévaluation du FCFA, avec ses 100 milliards de FCFA ne valant plus que 1 milliard de FF. Comment peut-on qualifier une telle expropriation en dehors du hold-up ?

  1. i)Ces pays utilisateurs du FCFA sont en proie au désordre et à la corruption.

En termes de désordre, nous avons vu que, malgré l’apparence d’une hausse des prix sur les marchés, il y a, en réalité, une baisse des prix du fait de l’appauvrissement des populations qui auront été expropriées d’un montant reconnu dans l’histoire de France sous l’appellation de droits de seigneuriage.

  1. j)En termes de corruption, nous avons vu que les salaires et autres revenus sont réduits de moitié, mais que les dépenses ne diminuent pas d’autant.
  2. k)Avec l’hypothèse d’un salaire de 100 et des dépenses de 80, après la diminution des poids et mesures, si les salaires baissent de 30% et les dépenses de 30%, alors le niveau de salaire devient de 50 contre une dépense de 56. Comment combler l’écart ? La corruption jouera pleinement son effet dans la recherche de survie occasionnée par la mesure d’expropriation.

 Tiécoro Sangaré

Source: Les Échos- Mali

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