Doctorant en psychologie, enseignant-chercheur, ambassadeur de développement au Mali et vice-président du Club Unesco du Mali, Guida Seyo Waïgalo est enseignant à l’Institut national de formation des travailleurs sociaux (Infts). Dans cette interview, il nous parle du rôle et de l’importance d’un psychologue dans la société, mais aussi et, surtout, dans la réconciliation nationale.
Parlez-nous de votre parcours scolaire.
J’ai été scolarisé en 1987 à Niafunké avant d’y fréquenter trois écoles. Ensuite, mes parents m’ont inscrit à l’école Sidi Mohamoud I de Tombouctou. Après mon Certificat d’études primaires (CEP), j’ai été admis au second cycle de 1992 à 1995. C’est en 1995 que j’ai eu mon DEF (Diplôme d’études fondamentales) et juste après, je suis allé au lycée Mahamane Alassane Haïdara de Tombouctou. Après, je suis arrivé à l’Université des Lettres Arts Sciences Humaines de Bamako (ex-Flash), et j’ai choisi de faire la psychologie. C’est en 2002 que j’ai décroché ma maîtrise en psychologie et du coup, j’ai tenté le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure (Ensup) et cela a marché. J’ai terminé en 2004-2005. Toujours, en vue de continuer mes études postuniversitaires, je suis allé m’inscrire à l’institut supérieur de formation en recherche appliquée (Isfra) où j’ai eu un Diplôme d’études approfondies (DEA) en Sciences de l’éducation (option psychologie de l’éducation). En ce moment, je suis en thèse en «psychologie de développement humain avec une approche clinique».
Quel commentaire faites-vous par rapport aux positions de l’Etat envers les psychologues dans notre pays ?
Nous sommes très bien considérés par les autorités, mais nous ne sommes pas nombreux au Mali. Dire que nous ne sommes pas considérés par les autorités, ça serait trop dire. Notre pays n’a pas ouvert tôt ces filières. À l’époque, on n’avait qu’une seule filière, celle de psychopédagogie, qui est de l’enseignement pur. Mais aujourd’hui, on a d’autres filières qui forment des psychologues de plus en plus. Le problème auquel la psychologie est psychologiquement confrontée dans notre pays, je crois que tout le monde veut être fonctionnaire. Pourtant, on peut évoluer sans l’Etat en installant nos cabinets privés. Malheureusement, au Mali, on n’attend que la fonction publique. Par exemple, lorsqu’il y a eu l’attentat contre l’hôtel Radisson, le drame des pèlerins à la Mecque et l’attaque du campement de villégiature Kangaba, nous, association malienne des psychologues, avons été au chevet des rescapés pour leur prise en charge psychologique.
Quels sont les problèmes des jeunes psychologues formés à l’université de Bamako ?
Les problèmes que nous vivons aujourd’hui, au Mali, doivent nous forcer à investir davantage dans la formation des psychologues. Dire que les psychologues n’ont pas d’emploi, cela est faux. Car ils devraient s’interroger sur leurs responsabilités dans ce qui leur arrivent. Je le dis très honnêtement parce que nous sommes psychologiquement confrontés à la question de qui emploie. On ne doit pas penser que si c’est n’est pas l’Etat, il n’y a rien à faire. Je pense que la psychologie est la science qui vous aide à faire face à vos difficultés. Si vous êtes amenés à aider les gens, il faut vous aider vous-même. Avec la crise de 2012, seuls les psychologues pouvaient jouer un rôle prépondérant. Nous, la jeunesse, nous n’avons pas le droit de nous freiner. Nous devons nous mettre au travail pour que les défis ne nous surprennent pas.
Que pensez-vous de l’employabilité des jeunes psychologues ?
Quand j’ai fini, je n’étais pas dans la logique d’aller tout de suite à la fonction publique. À l’époque, nous avions créé un centre de psychologie dénommé «Centre de psychologie pour enfants et adolescents». Nous avons créé ce centre avec des camarades de promotion en 2005 et c’est unique en Afrique. Depuis sa création jusqu’à aujourd’hui, nous œuvrons. Mais en réalité, on ne communique pas tellement pour faire de la publicité, parce que les problèmes humains sont très complexes et notre déontologie nous exige la discrétion. C’est ce qui motive notre manque de communication. Nous étudions plusieurs questions dont les traumatismes liés au viol. Nous avons pris en charge des centaines de cas et avec un pourcentage de réussite au-dessus de la moyenne. Nous avons formé plus de 3000 enfants à l’autoprotection. Nous avons été associés à la gestion de la crise au nord, car nous avons nos éléments à Kidal dans le centre de santé pour accompagner les médecins et les malades. Nous sommes à Gao et Tombouctou. Nous avons été sollicités pour des formations au profit de personnes qui reconnaissent l’importance de la psychologie. Nous avons été sollicités pour former des cadres à la prise en charge psychosociale en situation d’urgence.
Nous avons été à la base de la création de l’association des jeunes psychologues du Mali. Cette association fait peu de bruit, mais elle est à l’œuvre pour former à la prise en charge des victimes de situation d’urgence. Nous sommes encore sur d’autres chantiers, notamment un projet qui va couvrir toute l’Afrique. Il n’y a pas de complexe à se faire, le Mali et la Côte d’Ivoire sont les deux pays aujourd’hui qui forment le plus de psychologue.
Avez-vous un message pour fermer cette interview ?
Ce que j’ai à dire comme message, c’est que la psychologie est une science qui recherche le bien-être, donc le psychologue a une valeur comme tous les autres. Avec la réconciliation nationale, il faut obligatoirement que les psychologues soient à l’œuvre pour cicatriser les plaies causées par la crise. Car la réconciliation se fait avec des gens résilients. Pour la réconciliation nationale au Mali, je ne sais pas si c’est le philosophe qui prend la torche en pleine journée pour chercher la vérité. J’en profite pour dire qu’ils n’ont qu’à chercher les psychologues. Ils savent qu’ils existent au Mali. Vous ne pouvez pas amener des gens, qui ne connaissent pas une culture, ni l’histoire de ce pays, et leur dire de résoudre le problème. Chacun parle de développement durable. Pour moi, le développement durable c’est d’avoir des résultats qui restent un temps donné. Donc il vaut mieux exploiter l’expertise locale, pas seulement la psychologie, mais c’est valable pour tous les domaines. Les psychologues ont un rôle primordial dans la réconciliation nationale, mais nous sommes oubliés par les plus hautes autorités.
Par Korotoumou KARABENTA/stagiaire
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Source: Le Reporter