Le président russe a justifié cette mesure en affirmant que Kiev refusait de négocier avec Moscou et continuait, selon lui, à « bombarder » la population civile dans ces régions. La loi martiale entrera en vigueur à partir de jeudi à minuit.
Face à la poussée de l’armée ukrainienne, le président russe Vladimir Poutine a ordonné, mercredi 19 octobre, l’instauration de la loi martiale dans les quatre territoires ukrainiens de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijia, en partie occupés par Moscou et officiellement annexés par la Fédération de Russie en septembre.
M. Poutine a annoncé cette mesure lors d’une réunion de son conseil de sécurité diffusée à la télévision. La loi martiale entrera en vigueur à partir de jeudi à minuit, une mesure « nulle et non avenue », a réagi la diplomatie ukrainienne.
Ces territoires « avaient instauré la loi martiale avant leur rattachement à la Fédération de Russie, mais [il était] nécessaire de formaliser ce régime en suivant la législation russe », a déclaré M. Poutine. Il a justifié cette mesure en affirmant que Kiev refusait de négocier avec Moscou et continuait, selon lui, à « bombarder » la population civile dans ces régions.
« Les néonazis [Ukrainiens] utilisent ouvertement des méthodes terroristes. (…) Ils envoient des groupes de saboteurs sur notre territoire », a-t-il ajouté, dénonçant notamment l’attaque contre le pont de Crimée et « des infrastructures nucléaires », sans préciser lesquelles.
Régime de sécurité renforcé
Selon le décret publié, le gouvernement russe devra d’ici à trois jours proposer des mesures concrètes à appliquer dans ces territoires. La Constitution russe prévoit une série de dispositions en cas d’instauration de la loi martiale (qui est évoquée à l’article 87) : renforcement des mesures de sécurité, couvre-feu, interdiction des rassemblements publics, évacuation d’entreprises stratégiques, interdiction de quitter les territoires concernés, mise à l’isolement des citoyens étrangers, mise en place d’une censure militaire dans les télécommunications…
Vladimir Poutine se trouve désormais dans une « situation incroyablement difficile », a commenté depuis la Maison Blanche Joe Biden. « Il semblerait que le seul outil qui reste à sa disposition est de persécuter les citoyens ukrainiens » afin de « les intimider pour les amener à une capitulation, mais ce n’est pas ce qu’ils vont faire », a ajouté le président américain.
Le décret signé par M. Poutine instaure aussi un régime de sécurité renforcé, qualifié de « régime de réaction de niveau moyen », dans la péninsule de Crimée annexée en 2014, ainsi que dans les régions russes de Krasnodar, Rostov-sur-le-Don, Belgorod, Briansk, Voronej et Koursk, situées à proximité de l’Ukraine. Dans le district fédéral central, où se trouve la capitale Moscou, un régime d’alerte renforcé est, par ailleurs, instauré, selon ce décret.
Ce régime renforcé à Moscou ne va pas entraîner « à ce stade » de changement au quotidien pour les habitants de la capitale russe, a affirmé son maire, Sergueï Sobianine. « Aucune mesure n’est mise en place pour limiter le rythme normal de la vie dans la ville », a-t-il souligné. « En application des décrets [signés par M. Poutine], nous prendrons les mesures nécessaires pour améliorer la sécurité des installations civiles et (…) critiques », a dit le maire de Moscou, où la présence policière est déjà importante.
Crainte d’une « déportation » des habitants de Kherson
Par ailleurs, l’administration russe de la région ukrainienne de Kherson a assuré, mercredi, que les évacuations de civils avaient débuté. Elle prévoit d’en déplacer « 50 000 à 60 000 » en quelques jours sur l’autre rive du Dniepr, alors que l’armée russe peine à contenir la contre-offensive ukrainienne dans la zone.
Pour le secrétaire du conseil ukrainien national de sécurité et de défense, Oleksi Danilov, on assiste plutôt à « la préparation de la déportation massive de la population ukrainienne » vers la Russie « afin de modifier la composition ethnique des territoires occupés ». « Un crime qui devrait être condamné par les Nations unies et qui a déjà été commis en Crimée », a-t-il ajouté.
« La Russie procède à des déportations, comme à l’époque soviétique », a déclaré, de son côté, Serguiï Khlan, député ukrainien de la région. Son but est de créer une sorte de panique à Kherson et une image [pour alimenter] la propagande » russe. « Si vous jetez un œil à la liste des choses que les collaborateurs recommandent d’emporter avec eux, il s’agit d’une liste d’affaires pour un voyage à sens unique », a encore fustigé M. Khlan, précisant que, selon lui, les habitants de Kherson seraient évacués non pas vers la péninsule de Crimée, frontalière de la région, mais vers celle de Krasnodar, dans le Kouban, en Russie même.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a par ailleurs mis en garde les habitants des régions annexées contre une campagne d’enrôlement de force par l’armée russe. « Essayez de quitter le territoire occupé. Et si vous ne pouvez pas le faire et que vous vous retrouvez dans des unités militaires russes, essayez à la première occasion de déposer les armes et d’aller vers les positions ukrainiennes », a-t-il lancé.