Hier, mercredi 29 août 2018, les responsables des deux syndicats de la magistrature au Mali (le Syndicat autonome de la magistrature (SAM) et le Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA)) étaient face à la presse au siège du SAM sis au quartier Banankabougou de Bamako pour informer l’opinion nationale et internationale sur les raisons de leur grève illimitée en cours depuis le lundi 27 août 2018 sur toute l’étendue du territoire nationale. Selon les grévistes, les points de revendication sont de deux ordres : la sécurisation des juridictions et des personnels judiciaires et la relecture de leur statut avec la revalorisation de la grille salariale.
Plusieurs magistrats ont pris part à ce point de presse dnt le président du SAM, Aliou Badra Nanacassé, conseiller à la cour suprême, Hady Macky Sall, président du Sylima, Mamoudou Kassogué, premier substitut au procureur au pool économique du tribunal de la commune 3 de Bamako, secrétaire général du SAM, Abdourahamane Mahamane Maïga, secrétaire à la communication du Sylima, Bourama Konaté, substitut général à la cour d’appel de Bamako, non moins secrétaire à l’information du SAM. Dans ses mots de bienvenue, le président du Syndicat autonome de la magistrature (SAM), Aliou Badra Nanacassé a fait savoir que les deux syndicats (SAM et SYLIMA) sont résolument engagés à lutter ensemble pour avoir gain de cause. « Nous sommes dans un combat qu’on va mener et qu’on va gagner. Aucun Etat digne de ce nom ne peut se construire sans une magistrature crédible», a-t-il dit.
A sa suite, le premier substitut au procureur au pool économique du tribunal de la commune 3 de Bamako, Mamoudou Kassogué, secrétaire général du SAM a fait la genèse de leur grève illimitée. « Depuis lundi 27 août 2018 à minuit, nous sommes en grève illimitée. Nous sommes allés en grève illimitée pas par fantaisie mais par nécessité. Nous sommes allés en grève parce que nous y avons été poussés par l’insécurité et par la précarité. Les points de revendication pour lesquels nous sommes en grèves aujourd’hui ne sont pas de nouvelles revendications. Il s’agit d’anciennes revendications qui datent de 2014 et 2015. Nous avons saisis le gouvernement du Mali de deux cahiers de doléances courant 2014 et 2015 avec beaucoup de points inscrits dans lesdits cahiers et nous avions entamés des négociations », a-t-il dit.
Avant d’ajouter que ces négociations avaient permis de faire quelques avancés car ayant été reçu au plus au haut niveau. «On nous avait dit que toutes nos revendications non salariales, nous pouvions les considérés comme déjà acquises. Malheureusement, jusqu’à la date d‘aujourd’hui, rien de toutes ces revendications n’a été mises en œuvre. Après, les négociations ont continué sur les autres points, nous sommes parvenus à quelques points d’accords avec des points qui ont été reportés pour plus tard. Lorsqu’on devrait se rencontrer pour la mise en œuvre de ces points, nous sommes butés à une mauvaise foi inqualifiable de la partie gouvernementale parce que nous ne pouvons pas comprendre que des personnes d’un certain rang prennent des engagements et refusent de les mettre en œuvre. Nos partenaires n’ont pas tenus leurs paroles, c’est pourquoi, nous sommes en grève », a déclaré le magistrat Mamoudou Kassogué. A l’en croire, les points de revendication sont de deux ordres : la sécurisation des juridictions et des personnels judiciaires et la relecture de leur statut avec la revalorisation de la grille salariale.
« Le juge de Niono Soungalo Koné a été enlevé parce que l’Etat n’a pas su assuré sa sécurité »
Parlant de la sécurisation des juridictions et des personnels judiciaires, il a fait savoir que depuis le 16 novembre 2017, la magistrature malienne vit des heures sombres parce que le président du tribunal de Niono (Ségou) Soungalo Koné a été enlevé par des hommes armés à son domicile. A la date d’aujourd’hui, déplore-il, il n’ya pas de nouvelle le concernant. « Soungalo a été enlevé parce que l’Etat n’a pas su assuré sa sécurité », a-t-il dit. Plus loin, il dira que la partie gouvernementale avait rassuré qu’au plus tard le 30 juin 2018, les mesures sécuritaires allaient être renforcées autour des juridictions. Malheureusement, poursuit-il, le 30 juin, les magistrats n’ont constaté aucune amélioration des conditions sécuritaires au contraire, le dispositif existant a été dégradé.
Selon lui, là où il y avait trois agents, il y en a plus qu’un, là où il y avait un agent, il y en a plus. « Par rapport à la sécurisation des juridictions et des personnels judiciaires, le gouvernement n’a pas tenu ses engagements. Quant nous avons déposés notre préavis de grève le 10 juillet 2018, on devrait aller en grève le 25 juillet, le gouvernement ne nous a appelé que le 24 juillet. On a pas accordé d’importance à notre préavis », a-t-il regretté. Concernant la relecture du statut de la magistrature avec la revalorisation de la grille salariale, le conférencier Mamoudou Kassogué a fait savoir que les magistrats ont demandé l’indice 3500 FCFA qui n’a pas été accepté par le gouvernement.
« Il était prévu que le projet de relecture du statut soit bouclé le 31 mai 2017 par la partie gouvernementale pour être déposé sur la table de l’Assemblée nationale, malheureusement rien n’a été fait. Nous avons écrits le 10 avril 2018 au Premier ministre pour lui dire que l’Assemblée est entrain de tenir sa dernière session et notre projet de statut n’a pas encore été déposé sur la table », a souligné l’orateur. A ses dires, avec cette interpellation du Premier ministre, le processus a été un peu activé et le document avait été déposé pour être traité en conseil des ministres. Malheureusement, dit-il, à trois reprises pour des raisons qu’il ignore, le document est arrivé au conseil des ministres puis retiré en dernière minute.
A l’en croire, aucune concession n’a été faite par le gouvernement. Pour lui, les engagements pris par le gouvernement n’ont pas été tenus. « On a constaté l’échec des négociations et nous sommes allés en grève pour une semaine. Nous avons fait toute la semaine, personne n’a daigné nous appelés. Nous avons été obligés de reconduire pour une autre semaine, personne ne nous a rapprochés encore. Nous avons cette fois-ci reconduit pour 10 jours. Là, il a fallu l’intervention des personnes de bons-offices pour que nous puissions reprendre la négociation avec la partie gouvernementale », a-t-il précisé. A la suite de cela, Mamoudou Kassogué a fait savoir qu’ils ont eu à faire des séances de travail avec le ministère de la sécurité et le ministère de l’économie et des finances.
«Nous sommes repartis aux négociations le vendredi 24 août 2018, nous avons été surpris de voir la partie gouvernementale que par rapport aux mesures sécuritaires, elle était prête à examiner les observations que nous avons émises pour essayer de trouver un compromis mais que s’agissant des questions financières, elles ne sont prêtes à prendre aucun engagement. C’est injurieux. Nos revendications sont indivisibles, la sécurité physique et économique. Nous leur avons dit que nous n’étions pas prêts à lever notre mot d’ordre grève même s’il y avait accord par rapport à un seul point. Pendant que nous étions en réunion le lundi 27 août 2018, il nous a été notifié que le gouvernement a écrit pour demander que les salaires soient retenus. Cela a irrité les gens, nous avons transformés notre grève en grève illimitée et nous n’irons pas à la table des négociations pour parler des seules mesures sécuritaires », a-t-il martelé.
Selon l’orateur, cette décision a été prise le lundi dernier. Et depuis lundi 27 août 2018, précise-t-il, les magistrats sont en grève illimitée sur l’ensemble du territoire national et la grève est observée à presque 100%. « Nous sommes prêts à tenir même s’il faut aller à trois mois, à six mois. Et les désagréments qui en résulteront sont de la seule responsabilité du gouvernement. Nous ne délivrerons pas de certificat de nationalité ni de casier judiciaire, nous n’orientons pas de PV, nous ne tenons pas d’audience et cela restera jusqu’à ce que nous ayons satisfaction totale. Nous allons nous battre jusqu’au bout », a conclu le secrétaire général du SAM. Quant au président du Sylima, Hady Macky Sall, il a fait savoir que l’incidence financière annuelle des revendications tourne autour de 2 milliards de FCFA pour 571 magistrats.
Aguibou Sogodogo
Source: Le Républicain