Interpelé sur les dossiers judiciaires à fournir pour les élections, le ministre de l’administration territoriale, Ag Erlaf a saisi l’occasion pour régler des comptes avec les magistrats en grève illimitée. Selon lui, aucune grève ne pourra empêcher les élections. Par ces propos, le ministre de l’administration n’a fait qu’attiser le feu. Ces propos du ministre ne sont pas de nature à favoriser le dialogue.
La grève est un droit inaliénable des droits de tout travailleur, inscrite dans notre constitution. Aujourd’hui, force est de constater qu’elle est en train de s’installer dans notre pays durablement quand on sait que la mauvaise répartition des fruits de la croissance, des ressources de l’Etat, pèse lourdement sur les ménages et devient une épine dans le pied des autorités. Les différentes corporations de la vie sociale se mesurent désormais au train de vie des gouvernants, ceux qui sont au sommet de l’Etat.
D’où ce grand lever de bouclier à chaque fois que l’occasion se présente pour une corporation. C’est pourquoi, ceux- là qui revendiquent leurs droits prennent chaque fois comme exemple le train de vie des gouvernants qui à leurs yeux ne rechignent jamais à se tailler la part du lion. Le cas des députés à l’assemblée nationale, où les honorables élus des nations ne se sont guère oubliés dans le partage du gâteau, a fait l’objet de beaucoup de commentaires à l’époque. D’autres institutions de la république sont dans le même cas.
En rappelant les propos de ce magistrat dont nous tairons le nom, la déduction est toute faite. Notre interlocuteur disait ceci : « une petite retenue de 1milliards FCFA sur le budget de la présidence et 1 milliards FCFA sur le budget de l’assemblée nationale suffirait pour régler définitivement le problème des magistrats ». Ce qui signifie que ces fonctionnaires de l’Etat ont les yeux rivés désormais sur ceux qui sont au sommet de l’Etat, comment ils vivent et quel train de vie ils mènent. C’est pourquoi aujourd’hui, les grèves se durcissent dans notre pays, parce que les uns et les autres pensent que les dirigeants ne lésinent pas sur les moyens concernant leurs propres conditions. Nous avons vu que les agents de la santé ont fait plus d’un mois de grève et n’ont jamais voulu abdiquer.
Une chose inédite et qui ne s’était jamais passée dans notre pays. Aujourd’hui, voici le tour des magistrats et leur grève a franchi la barre de plus d’un mois. Une chose inédite encore au Mali. Dans ces conditions, il faut restaurer le dialogue permanent et éviter tout propos qui peut envenimer la situation et réchauffer les esprits. C’est pourquoi, les propos du ministre Ag Erlaf ne sont pas de nature à favoriser le dialogue sinon à calmer les esprits. Pour le ministre, qu’il y ait grève ou pas les élections se tiendront. Mais a-t-il oublié que des élections dans ces conditions seraient un précédent fâcheux pour la République ?
La balle est donc dans le camp du premier magistrat qui est le président de la république garant de la constitution. Un proverbe Malinké dit : « quand le bras s’enfle, c’est le propriétaire qui le porte sur sa tête. » IBK est le seul responsable de cette situation et c’est lui seul qui peut décanter la situation. Il doit donc doit sortir de son mutisme qui risque d’affecter le climat social mais aussi la confiance entre les gouvernés et les gouvernants.
Seul IBK à la solution de ce problème qui n’a fait que trop duré. L’heure est grave pour un pays qui continue à lancer des appels aux investisseurs pour venir au Mali. Aucun investisseur ne peut s’établir dans notre pays dans ces conditions sans le quitus de la justice. C’est pour dire que l’Etat lui-même participe à sa fragilisation dans un contexte socioéconomique et sécuritaire déjà difficile. Plus cette situation de grève dure plus elle devient une question d’honneur.
Fakara Faïnké
Source: Le Républicain