L’expérience ayant montré que le plus difficile dans la fonction de Premier ministre est de savoir avoir l’adhésion d’une frange importante des différentes composantes de la societé, la question qui se pose aujourd’hui est de savoir si le nouveau Premier ministre saura faire l’unanimité autour de sa personne.
En effet, si la charge “primatoriale” n’a pas de secret pour lui, et s’il s’en est bien tiré à bon compte sous le régime finissant de Konaré en 2002 (où seules les élections captivaient les attentions), il lui faudra bien plus que sa parfaite connaissance de l’Administration pour relever le nouveau challenge à lui confié aujourd’hui par le Président Ibrahim Boubacar Kéïta. Car entre 2002 et 2015, douze bonnes années sont déjà derrière nous. Et inutile de dire que les défis actuels autant que les enjeux et le contexte dans lequel nous évoluons ne ressemblent en rien à ceux d’il y a dix ans.
En effet, le Mali revient de loin, de très loin d’ailleurs, après le coup de forfaiture d’une junte mal cadrée en 2012, combiné à l’occupation des 2/3 du territoire par une meute djihadiste dans la foulée de la folie irrédentiste des apatrides du Mouvment National pour la Libération de l’Azawad (Mnla) qui n’ont pas hésité à attaquer leur pays. Certes, un grand pas a été franchi depuis, mais les stigmates sont toujours présents avec l’absence de l’État et le règne de l’impunité qui soufflent sur Kidal, à un moment où la situation sociale et économique du pays laisse à désirer. La classe politique n’en est pas mieux.
C’est dans cette situation d’extrême difficulté, teintée d’une certaine rupture entre le Président IBK et ses électeurs que Modibo Kéïta est appelé à la rescousse du bateau Mali. On ne peut pas dire qu’il n’est pas conscient de l’immensité de la tâche qui l’attend, au regard de la démarche empreinte d’ouverture qu’il a déjà initiée en direction de l’ensemble de la classe politique, majorité et opposition confondues. Depuis sa nomination, le nouveau Premier ministre a rencontré tour à tour le Rpm, le parti du Président de la République, et les principaux pôles politiques à l’Assemblée nationale (majorité/opposition).
Le même exercice, nous rassure-t-on, continuera en direction de toutes les autres forces vives de la nation. En foi des propos rapportés ça et là à l’issue de ces échanges, le Premier ministre, Modibo Keïta, n’a pas obtenu un blanc-seing des partenaires du Président, ni le quitus total de l’opposition. Mais il jouit unanimement du respect de tous ceux-ci pour s’être montré respectueux envers eux. Une leçon de sagesse qui aura manqué au Premier ministre sortant, Moussa Mara.
L’ex-Maire de la Commune IV, par inexpérience ou par fougue de la jeunesse, s’était perdu dans les polémiques et n’avait apparemment d’égard que pour sa seule personne, même pas celle du Président IBK. Ainsi il pouvait se permettre d’inviter les leaders de l’opposition à une rencontre initiée par le Président de la République par… “SMS”, manquer à l’accueil du Secrétaire général de l’Onu en visite dans notre pays, et même laisser le Président IBK sur le quai à l’Aéroport de Bamako Sénou de retour d’un Sommet des Chefs d’État à Accra… pour ne citer que ces cas.
Au contraire donc de Mara, Modibo Kéïta aura montré à la classe politique dans son ensemble qu’il sera illusoire qu’il prétende, malgré ses pouvoirs, gérer le bateau/Mali sans son appui et son accompagnement. Un bon point de départ donc pour le nouveau Premier ministre, pourvu que le cap soit maintenu.
L’autre terrain sur lequel le nouveau Premier ministre sera particulièrement sollicité est le social. En effet, comme souligner un peu plus haut on n’est plus loin de la rupture entre le Président IBK et les Maliens qui sont loin de voir un changement dans leur quotidien. Or, ils ont 77% à lui accorder leurs suffrages, pas seulement pour gérer la crise du Nord, mais aussi pour leur offrir les garanties d’une vie meilleure.
A ce jour encore, soit 16 mois que le Président IBK est à Koulouba, ils ne vivent plus, ils tentent plutôt de survivre. Il appartient donc au nouveau Premier ministre de renverser la tendance en oeuvrant pour le bien-être des Maliens. En fait, il s’agira pour l’essentiel pour Modibo Kéïta et son équipe de travailler à trouver un équilibre entre les deux extrêmes : les attentes et aspirations des Maliens, et la gestion rapide de la crise du Nord, en somme la base de ceux pour lesquels IBK a été élu à la magistrature suprême du Mali.
Assane SY DOLO
source : Soir de Bamako