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Gouvernement d’union nationale: les équations de la redistribution

Recevant cinq sur cinq les très bonnes dispositions de l’opposition à ouvrir un dialogue franc et sincère pour parvenir à un compromis politique (le bémol sur des marches hebdomadaires, le discours de Iba N’Diaye au congrès de l’Asma, et surtout celui de Soumaïla Cissé ce samedi), il se dit dans les allées du pouvoir que le président IBK aurait décidé d’une rebelote gouvernementale pour aller sur de nouvelles bases plus consensuelles. Il se raconte sous les manteaux qu’il serait résolu à mettre en place un gouvernement d’union nationale inclusif (GUNI), à tout le moins un inclusif de large ouverture qui pourrait regrouper toutes les couches socio-politiques du pays : la majorité, l’opposition, la société civile, les mouvements des groupes armés…

Faisant toujours effet, la rhétorique politique stimule la curiosité. Faute d’un vrai dialogue encore entre les acteurs politiques, le débat politique ronronne et les prospectives des salons deviennent rapidement des certitudes dans les grins.

L’annonce prématurée par les activistes des deux bords de la formation de ce gouvernement d’union nationale inclusif sur les réseaux sociaux alimente, depuis quelques jours les débats. Toutefois, de sources proches des états-majors politiques, si « la question n’est pas tabou », elle est loin d’être à l’ordre du jour.

En effet, si l’Opposition se dit disposée à prendre la main tendue par le président de la République, elle n’a jamais ouvertement clamé la formation d’un gouvernement d’Union nationale. Ce qu’elle a jusqu’ici demandé, c’est un débat national aux contours bien définis pour trouver des solutions à la crise que connaît le pays : « crises sécuritaire et humanitaire, sociale, politique et postélectorale, économique et financière et même morale », comme l’a repris Soumaïla Cissé ce samedi.

Comme on le voit, la volonté et la disponibilité de l’opposition incarnée par Soumaila Cissé, comme des autres chapelles de la classe politiques, pour un dialogue politique afin de parvenir à un accord politique, sont loin d’être motivées par l’ambition d’aller à la soupe.

« Nous ne courons pas pour aller au gouvernement », clame-t-on du côté de l’Opposition.

Quid du côté de la majorité ?

En notant « l’engagement de l’ensemble des acteurs politiques maliens à aller vers une période nouvelle d’ouverture et de rassemblement », à la faveur du 2e congrès de l’ASMA-CFP, tenu les 29 au 30 décembre 2018, le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga a réaffirmé « la détermination et la disponibilité du chef de l’État à concrétiser le rassemblement et l’ouverture de la gouvernance du pays pour le service de la nation ». Reste à donner un contenu et à concrétiser cette « ouverture de la gouvernance ». Parce que derrière les petites phrases des messes politiques, il peut se cacher tout un programme.

En tendant sa main à son jeune frère, Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition républicaine, le président IBK avait dit : « après la bataille électorale, il y a les retrouvailles, car pour bâtir un avenir de tous les possibles, le Mali doit pouvoir compter sur toutes ses filles et tous ses fils. Chacun aura sa place. La République n’exclura personne. J’en serai le garant… »

Homme d’État et républicain ouvert, le président IBK n’a jamais prôné la politique du consensus synonyme de : « tu manges, je mange ». Il a toujours appelé au sursaut autour de la nation, l’unité et la cohésion pour un Mali un et indivisible, mais de tout temps, de l’opposition au pouvoir, il est resté sur une constante : la démocratie s’affirme à travers le fait majoritaire et donc ne peut se concevoir sans une majorité et sans une opposition. Si le président décide de changer sa religion sur la question, il lui faut réécrire l’histoire de la démocratie en votant une nouvelle loi portant Charte des partis au Mali. Ce qui mettrait en cause son héritage dans le cadre de l’ancrage démocratique avec l’adoption de la loi sur le Statut du chef de file de l’opposition qu’il faudra désormais conjuguer au passé.

Dans la grosse majorité regroupée au sein de Ensemble pour le Mali, certes, on ne souffle pas dans la même trompette, mais on n’est loin de se réjouir de la perspective de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale fut-elle d’inspiration présidentielle. En effet, certains au sein de la majorité, notamment les partisans du Premier ministre Soumèylou Boubèye s’interrogent sur la pertinence et l’opportunité d’un tel projet, s’ils ne crient simplement pas à un complot visant leur mentor. Toutes choses qu’ils assimilent à un coup contre celui qui a été l’artisan de la victoire et le maître d’œuvre de la réélection du président IBK.

À côté des partisans de Boubèye, beaucoup de cadres et responsables voient d’un mauvais œil l’entrée dans le gouvernement des représentants d’une opposition qui pourrait ainsi se renforcer à leur détriment. Enfin, certains caciques de la majorité, qui s’estiment victimes du Premier ministre, acquiescent l’idée du bout des lèvres avec le sombre dessein que l’arrivée de l’opposition aux affaires amoindrirait la toute-puissance de Boubèye à la tête de l’État.

Au-delà des agendas personnels, quel pourrait être aujourd’hui l’urgence de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. L’orgueil de pouvoir dire que la main tendue d’IBK n’a pas été refusée par l’Opposition ?

La première conséquence, si ce gouvernement d’union nationale inclusif n’est pas un maillage solide et totalement neuf, il serait une accumulation de frustrations comme à chaque remaniement avec cette fois-ci le risque d’une triple rupture. D’une part, une rupture totale entre le président IBK, le RPM et sa majorité et d’autre part, une rupture légitime entre le peuple et les politiques. Parce que l’entrée de l’Opposition dans un gouvernement d’IBK, fût-il d’union nationale inclusif, ne signifierait rien d’autre pour les Maliens qu’une combinazione entre politiciens pour des histoires de places. Enfin, entre l’opposition, sa base et les Maliens qui pourraient légitimement l’accuser de faire tout ce boucan uniquement pour siéger au sein du gouvernement. Toutes choses qui scelleraient les chances d’une alternance en 2023 dans le camp de l’Opposition.

Mais, la politique reste le domaine de tous les possibles. Et au Mali comme on dit : il n’y a pas de fumée sans feu.

Par Sidi Dao

Info Matin

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