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Macron donne le coup d’envoi d’un grand débat “sans tabou”

Emmanuel Macron a donné mardi le coup d’envoi du “grand débat national” organisé en réponse au mouvement des “Gilets jaunes”, un exercice “sans tabou” mais borné par des lignes rouges, notamment sur la question de l’impôt sur la fortune (ISF). Relativement discret sur le terrain depuis décembre, le chef de l’Etat a passé la journée dans l’Eure où il a assisté en fin de matinée au conseil municipal de Gasny avant d’échanger pendant plus de 6h30 avec quelque 650 maires normands réunis à Grand-Bourgtheroulde, une commune de 3.800 habitants.

Impôt sur la fortune, procréation médicalement assistée, limite de vitesse à 80km/h, vote obligatoire, désertification médicale et mobilités : assis au sein du complexe sportif de la ville, les édiles, dont la quasi majorité portait l’écharpe tricolore, ont exprimé au président leurs interrogations et les problématiques auxquelles ils sont confrontés. “L’objectif c’est de vous entendre”, a indiqué dans ses propos liminaires Emmanuel Macron au sujet du débat, un exercice “inédit” qui durera jusqu’au 15 mars et sur lequel il mise pour reprendre la main après deux mois de crise des “Gilets jaunes”. Lors du grand débat, qui sera ouvert à tous les Français et concentré sur quatre thématiques (transition écologique, fiscalité, organisation de l’Etat et démocratie et citoyenneté), “il ne doit pas y avoir de tabou,”, a-t-il ajouté, face aux doutes exprimés sur la sincérité de l’exercice en raison de certaines lignes rouges fixées par l’exécutif.

PAS DE DÉCISION IMMÉDIATE SUR L’ISF

Interpellé sur la question de l’ISF, dont les “Gilets jaunes” souhaitent le retour, et la limitation à 80km/h sur les routes secondaires, une mesure fortement contestée, le chef de l’Etat a toutefois exclu toute décision à l’issue du débat, appelant à attendre leurs évaluations . L’éruption des “Gilets jaunes”, un mouvement hétéroclite, le 17 novembre dernier a pris de court l’exécutif, ébranlé par les violences qui ont émaillé les manifestations. Après avoir opéré une volte-face début décembre en annonçant 10 milliards d’euros de mesures en faveur du pouvoir d’achat, Emmanuel Macron tente depuis de reprendre la main en haussant le ton contre les casseurs et en misant sur ce débat national.

Plus d’un mois après l’avoir annoncé, le chef de l’Etat en a fixé le cadre dans une “lettre aux Français” diffusée dimanche soir, avant de recevoir lundi à l’Elysée une quinzaine de maires de communes rurales qui lui ont remis les “doléances” exprimées par les Français lors de la première phase du débat. “Je veux qu’on retrouve l’esprit qui m’a porté, aller chercher les solutions chez les gens, je voudrais dans ce grand débat qu’on arrive à une transformation de notre pratique démocratique”, a dit le chef de l’Etat à Gasny. “On a des réflexes dans lesquels on a continué de s’enfermer collectivement”, a-t-il poursuivi devant le conseil municipal de cette petite commune normande.

“Le premier – un reproche pour nous, pour le gouvernement, pour moi-même – on considère que quand on a la légitimité c’est bon, ça y est, on peut y aller. (Mais) même avec cette légitimité il faut continuer, associer, partager, le grand débat doit servir à ça”. Confronté depuis deux mois à un mouvement de protestation sans précédent contre sa politique économique et sociale, le chef de l’Etat a parallèlement affiché sa détermination à “continuer à agir” et ne “pas faire semblant”. “Je ne veux pas dire ‘les Gilets jaunes, c’est un mouvement social d’un nouveau type, on va attendre qu’il se fatigue et la vie reprendra son cours’. La vie ne reprendra pas son cours mais c’est une chance pour qu’on puisse réagir plus fort et plus profondément”, a-t-il dit, trois jours avant un nouvel échange avec des maires dans le Lot.

SÉCURITÉ

Au-delà de la question de la sincérité de l’exercice, la question de la transparence et de l’impartialité du débat est également soulevée par ses détracteurs, inquiets de la décision de l’exécutif de confier l’animation des échanges à deux membres du gouvernement – le ministre chargé des Collectivités territoriales Sébastien Lecornu et la secrétaire d’Etat à la Transition écologique Emmanuelle Wargon. Balayant les critiques, le Premier ministre a indiqué lundi qu’un collège de cinq personnalités indépendantes, dont les noms seront officialisés vendredi, serait mis en place.

Le déplacement de mardi signe le retour sur le terrain d’Emmanuel Macron, discret depuis début décembre, lorsqu’il avait été violemment pris à partie, hué et sifflé lors d’une visite surprise à la préfecture du Puy-en-Velay (Haute-Loire). Lors de son premier déplacement de l’année la semaine dernière à Créteil (Val-de-Marne), les “Gilets jaunes” venus manifester avaient été tenus à distance du chef de l’Etat.

Dans l’Eure, en prévention de potentielles actions des “Gilets jaunes”, le dispositif de sécurité a été renforcé. La préfecture du département avait notamment pris deux arrêtés. Un important dispositif de sécurité a été déployé autour de la commune avec des barrages filtrants. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène à deux reprises dans l’après-midi contre des manifestants rassemblés sur la place de la mairie, selon un journaliste de Reuters présent sur place.

Lucien Libert, édité par Yves Clarisse

REUTERS

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