Les organes des collectivités territoriales, à savoir les conseils régionaux (CR) et le District de Bamako, sont-ils dotés de mandats à durée indéterminée ? Cette question vaut son pesant d’or au regard de l’enlisement dans lequel est installé certaines de ces collectivités après 14 longues années de mandat de l’organe dirigeant.
En effet, élus depuis lors des communales de 2009, les organes des conseils régionaux et du District de Bamako sont toujours en place malgré qu’ils sont en déphasage avec les réalités sociopolitiques de notre pays actuellement.
14 ans après les élections communales de 2009, l’architecture institutionnelle des collectivités territoriales a connu un bouleversement total avec la création de nouvelles régions. Ainsi, des collectivités qui appartenaient à la même collectivité se retrouvent dans une autre collectivité ou transformées en région. Du coup, le maintien des organes des collectivités, conseils régionaux et du District de Bamako, pose un problème sociologique. Pire, la gestion de la plupart de ces organes est émaillée de corruption et d’atteinte aux biens publics si on fait référence au rapport du Vérificateur général. Les conséquences du maintien de ces organes sont en train de compromettre l’avenir de ces collectivités et les mettent dans une sorte d’enlisement qui ne dit pas son nom, notamment pour la capitale Bamako, devenue prisonnière de la routine d’une gestion peu orthodoxe.
Bamako la coquette, un vieux souvenir
En effet, Bamako, jadis ville coquette et attractive, sombre de plus en plus dans l’insalubrité et dans un désordre indescriptible. Les avis sont divergents concernant les raisons de ce désordre ambiant. Cependant, nombreux sont nos concitoyens qui soutiennent le manque de coordination dans les interventions, l’insuffisance d’actions dans la stratégie de pérennisation des acquis en matière d’assainissement. Il y en a également parmi les habitants de la capitale qui soutiennent le manque de souffle nouveau. Bientôt 20 ans, l’actuel maire Adama Sangaré est à la tête de la mairie du District de Bamako, presque sans bilan à défendre. En effet, le conseil du District de Bamako, tout comme les autres conseils régionaux du Mali, est issu des élections municipales d’avril 2009 pour un mandat de 5 ans. Normalement, leurs mandats sont terminés depuis mars 2014. Ils ont été renouvelés une première fois pour 2 ans par décret pris en conseil des ministres. Et ensuite, ensuite…
Entre temps, il y a eu l’adoption de la nouvelle loi électorale, la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016, rendant l’élection des conseillers du District et des régions au suffrage universel direct. Il faut rappeler que les élus du District, des cercles et des régions sont désignés par leurs paires conformément à l’ancienne loi électorale et du code des collectivités. Sur la base de ces textes, en 2016, il y a eu des nouvelles élections municipales. Malheureusement, pour diverses raisons à la fois sécuritaires, politiques ou financières l’élection des conseillers régionaux et du District à été constamment reportée sine die. Du coup, les conseillers du District et des régions élus pour 5 ans (2009-2014) sont à leur 14e année, soit 2 mandats supplémentaires équivalents à 10 ans de bonus sans être renouvelés.
Des collectivités dirigées par des non membres…
Aujourd’hui, avec l’adoption et la promulgation de la nouvelle loi 2023-007 du 13 mars 2023, portant création des collectivités territoriales en République du Mali, des nouvelles régions administratives ont été érigées. Cette nouvelle donne rend plus encore caduque le conseil du District et des conseils régionaux. Car, les conseils communaux qui les ont désignés en 2009 pour les représenter dans les cercles, les régions et dans le District ont été renouvelés en 2016. Et puis en raison du changement opéré au niveau de l’architecture des régions, ils n’ont pas de base électorale légale. La plus part sinon tous les Conseillers des régions ne se sont même pas présentés aux élections de 2016. Aussi, aujourd’hui au niveau de ces organes, on note plusieurs cas de décès de leurs membres.
Une situation qui rend difficile le fonctionnement normal de ces collectivités. Pire, le plus souvent, ce sont des conseillers élus d’autres régions administratives qui gèrent des régions dont ils ne relèvent plus juridiquement. Par exemple, le maire du District de Bamako, Adama Sangaré, en liberté provisoire, aura du mal à convaincre les conseils des arrondissements de Bamako qu’il les représente. C’est le cas également du président du Conseil régional de Kayes, Bandiougou Diawara, en liberté provisoire également. Ce dernier est un élu de la nouvelle région de Nioro du Sahel, précisément de la commune rurale de Troungoumbé. Il continue à diriger la région de Kayes. Incroyable non ! Alors question : l’État refondé du Mali serait-il le premier violeur de ses textes ? Force est de reconnaitre que les organes de certaines collectivités ne répondent plus aux exigences politiques et aussi se trouvent sclérosés et en manque d’initiative. A cela s’ajoute le manque de confiance des partenaires qui sont dans l’expectative compte tenu de la situation judiciaire de plusieurs élus des régions et du District de Bamako, où les dossiers traînent devant les juges d’instruction des pôles économiques. C’est le cas du maire du District de Bamako qui traîne plusieurs dossiers devant le Pôle économique et financier de Bamako. C’est aussi le cas du président du Conseil régional de Kayes et de son 2e vice-président qui sont en liberté provisoire. C’est le cas aussi de Siaka Dembélé, président du Conseil régional de Ségou. Les enquêtes en cours au niveau des Conseils régionaux de Mopti et Sikasso et qui, d’ores et déjà, révèlent des manquements graves qui frôlent le ridicule dans la délinquance financière au Mali.
Aujourd’hui, c’est une évidence : Bamako a besoin d’un souffle nouveau. Cela passe par un remplacement ne serait-ce que temporaire du Conseil du District dans la perspective de créer une dynamique nouvelle. Nous savons tous que pour l’assainissement d’une ville aussi grande comme Bamako, un coup d’éclat ne suffit pas. La gestion artisanale de l’assainissement est dépassée. La rupture du contrat avec l’entreprise Ozone doit être un déclic pour une prise non seulement de conscience, mais aussi de responsabilité. Le temps est révolu où l’assainissement de Bamako doit dépendre des associations bénévoles ou de personnes de bonne volonté. Il faut un véritable plan d’assainissement assorti d’un plan de financement. Il y va de la réputation de notre pays car la capitale Bamako est et reste la vitrine du Mali. Pour ce faire, le ministre de l’Administration territoriale est interpellé pour non seulement insuffler une dynamique nouvelle dans nos collectivités, mais aussi et surtout mettre fin à la violation flagrante de la loi. La transition ne rime pas avec l’irrespect des textes et l’impunité.
Le CNT, l’organe de contrôle, doit un tant soit peu être regardant sur l’inaction qui gangrène la vie de nos collectivités qui doivent nous offrir de meilleurs cadres de vie.
Youssouf Diallo
La lettre du peuple