La problématique de l’insécurité routière a pris ces dernières années des proportions inquiétantes devenant une préoccupation majeure des plus hautes autorités du Mali. Dans le but de réduire les accidents de la circulation routière sur l’étendue du territoire national, le Gouvernement a créé en février 2009, un Etablissement Public à caractère Administratif, dénommé “Agence Nationale de la Sécurité Routière – ANASER.”
Dans cette vision politique des autorités, l’ANASER doit promouvoir et renforcer la sécurité routière et contribuer efficacement à l’amélioration des conditions d’exploitation du réseau routier national pour le bien-être des populations. L’ANASER, pour réaliser les missions qui lui sont dévolues, bénéficie des redevances de sécurité routière de la circulation routière à l’occasion de la délivrance des permis et autorisations de conduire, des certificats d’immatriculation des véhicules, de la confection des plaques d’immatriculation et du contrôle technique des véhicules. Elle bénéficie aussi des amendes provenant des infractions aux règles de la circulation routière. Au cours des exercices budgétaires 2019, 2020 et 2021, l’ANASER a reçu des différents services de recouvrement la somme de 4 490 326 716 FCFA, soit 1 039 127 501 FCFA en 2019, 1 660 937 160 FCFA en 2020, et 1 790 262 055 FCFA en 2021.
En 2019, l’ANASER a fait l’objet d’une vérification financière par une équipe du Bureau du Vérificateur Général. Cette vérification a relevé des dysfonctionnements de contrôle interne et des irrégularités financières. Au regard de ce qui précède et suite à une saisine citoyenne, le Vérificateur Général a initié la mission de vérification financière de la gestion de l’ANASER.
Recrutement de personnels contractuels en l’absence de plan approuvé par le Ministre de tutelle
En ce qui concerne les constatations et recommandations issues de ladite vérification, elles sont relatives aux irrégularités administratives et aux irrégularités financières.
Quant au irrégularités administratives, celles-ci relèvent des dysfonctionnements du contrôle interne notamment le Directeur Général a procédé au recrutement de personnels contractuels en l’absence de plan approuvé par le Ministre de tutelle ; le Conseil d’administration ne tient pas régulièrement ses sessions ordinaires ; le Conseil d’administration n’a pas fait certifier les comptes de gestion par un Commissaire aux comptes ; la Direction Générale a irrégulièrement résilié un contrat de marché public pour un montant de 107 942 008 FCFA ; la Direction Générale ne sélectionne pas systématiquement les fournisseurs sur la base du fichier-fournisseurs ; le Directeur Général a irrégulièrement signé le chèque BMS n°3922977 du 7 octobre 2020 et le chèque BMS n°1810342 du 12 mars 2021.
En termes de recommandations, les Vérificateurs ont recommandé au Directeur Général de requérir l’autorisation du Ministre de tutelle avant de procéder à tout recrutement de personnels contractuels ; sélectionner les fournisseurs ou prestataires pour les demandes de renseignement et de prix à compétition restreinte et des demandes de cotation dans le fichier-fournisseurs ; respecter les délais prévus pour la communication des plans prévisionnels annuels de passation des marchés publics conformément au Code des marchés publics ; respecter les dispositions du Code des marchés publics en ce qui concerne les motifs de résiliation des contrats ; respecter les obligations incombant aux comptables publics en matière de signature de chèques bancaires et autres moyens de paiement sur les comptes de trésorerie.
En ce qui concerne le Conseil d’administration, il lui a été recommandé de tenir régulièrement les sessions ordinaires ; procéder à la nomination du Commissaire aux comptes. Quant à l’Agent comptable, la mission lui recommande de s’assurer de la régularité des bons d’achat avant tout paiement de dépenses.
Des redevances relatives
au contrôle technique des véhicules non déclarées
Par rapport aux irrégularités financières, le montant total de celles-ci s’élève à 484 252 275 FCFA. Ainsi, il ressort de la mission de vérification, entre autres, que la commission d’analyse a retenu une offre d’un soumissionnaire sans une mise en concurrence réelle pour un montant de 13 503 826 FCFA, le Directeur Général et l’Agent comptable ont indûment payé des arriérés d’impôts directs à un Cabinet fiscal pour la somme de 30 000 000 FCFA à l’ordre du cabinet fiscal (MSK) le chèque ECOBANK. En effet, poursuit le rapport de vérification, le DG de l’ANASER par convention d’assistance fiscale, non signée, d’un montant de 57 466 000 FCFA a sollicité les services d’un cabinet de conseil fiscal pour une assistance dans la gestion du contentieux fiscal l’opposant à la Direction Générale des Impôts.
Les vérificateurs ont également constaté que l’Agent comptable n’a pas déclaré l’intégralité des redevances relatives au contrôle technique des véhicules.
Car, les redevances relatives au contrôle technique des véhicules, reversées sur le compte bancaire de l’ANASER sont inférieures à celles figurant sur les certificats de recettes.
Les écarts de recettes non déclarées par l’Agent comptable s’élèvent à 229 646 700 FCFA au titre de l’exercice 2019.
Il ressort également du rapport de vérification que les Régisseurs des recettes des Directions Régionales des Transports des Régions de Ségou et de Koulikoro n’ont pas recouvré la totalité des redevances de sécurité routière. En effet, afin de s’assurer du respect de ces dispositions, l’équipe de vérification a procédé à la reconstitution des redevances de sécurité routière à partir des rapports mensuels des Directions Régionales des transports de Ségou et de Koulikoro. Elle a, ensuite, rapproché le montant des recettes reconstituées à celui des redevances de sécurité routière perçues et reversées par les Régisseurs dans le compte bancaire de l’ANASER. Elle a constaté que les montants des recettes reconstituées sont supérieurs à ceux recouvrés et reversés par les Régisseurs des DRT de Ségou et Koulikoro sur le compte bancaire de l’ANASER.
Pour la période sous revue, le montant total des redevances reconstituées par l’équipe de vérification s’élève 749 125 000 FCFA alors que celui recouvré et reversé par les Régisseurs est de 524 519 425 FCFA, soit un écart non recouvré de 224 605 575 FCFA.
Les juridictions compétentes saisies
Les faits ainsi constatés et transmis au président de la Section des comptes de la Cour Suprême et au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako, chargé du Pôle économique et financier sont relatifs à la simulation de concurrence portant sur le Contrat de marché public n°3519/CPMP/MTI-2020 relatif à la fourniture de produits alimentaires ; au paiement indu d’arriérés d’impôts pour la somme de 30 000 000 FCFA à l’ordre du Cabinet fiscal MSK ; à la non-déclaration par l’Agent comptable, des redevances de sécurité routière relatives au contrôle technique des véhicules, pour un montant de 229 646 700 FCFA ; au non-recouvrement des redevances de sécurité routière par les Régisseurs des recettes des Directions Régionales des Transports de Ségou et Koulikoro pour un montant de 224 605 575 FCFA.
En conclusion, la vérification financière de l’Agence nationale de la Sécurité Routière a été initiée par le Vérificateur Général à la suite d’une saisine provenant d’un citoyen. Elle a porté sur les opérations de recettes et de dépenses exécutées par l’ANASER au titre des exercices budgétaires 2019, 2020, 2021 et 2022 (31 août).
Elle a également porté sur les problématiques liées à la gouvernance de l’établissement, plus précisément sur l’organisation et le fonctionnement des organes d’administration et de gestion de l’établissement dans tous leurs aspects significatifs. A la lumière des travaux de vérification menés par la mission, des dysfonctionnements importants du contrôle interne ont été mis en exergue à savoir : la tenue irrégulière des sessions du Conseil d’administration ; le non-respect des procédures de passation des marchés publics ; la non-désignation du Commissaire aux comptes ; – la non-production des états financiers de synthèses ; des recrutements de personnel non autorisés par le Ministre chargé des attributions de la tutelle, etc.
Boubacar PAÏTAO (Rapport BVG)