L’administration américaine a lancé un pavé dans la mare politique libérienne en annonçant en août des sanctions contre celui qui fait office de directeur de cabinet du président Weah et deux autres hommes, qu’elle accuse de malversations.
Ces incriminations remettent en lumière la corruption endémique qui afflige ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest, classé en 136e position sur 180 par l’ONG anticorruption Transparency international dans son rapport 2021.
Le département d’Etat américain présente “la corruption gouvernementale répandue” comme un obstacles à l’investissement et au développement qui nourrit par exemple le manque d’électricité et de routes, dans un rapport sur le climat des affaires au Liberia en 2022.
La lutte contre la corruption comme le combat contre la pauvreté était l’une des principales promesses qui ont contribué à l’élection de l’ancienne star du football en décembre 2017. Dans son discours d’investiture en janvier 2018, George Weah déclarait avoir reçu “mandat de mettre fin à la corruption dans le service public”. “Je promets d’honorer ce mandat”, disait-il.
Sa présidence a cependant été troublée par un certain nombre de scandales.
M. Weah a décidé de suspendre les trois officiels incriminés. Il juge “graves” les accusations portées contre eux, dit un communiqué publié par ses services.
Mais il ne s’est pas exprimé davantage depuis.
Une simple suspension “ne suffit pas”, a réagi le principal opposant, Alexandre Cummings. “Elle ne suffit pas non plus à protéger le président contre l’impression de plus en plus répandue dans le peuple qu’il participe à des crimes de haut vol”, a-t-il ajouté.
“Ça ne doit pas être une affaire de plus“, a estimé dans un communiqué Regional Watch for Human Rights, une ONG de défense des droits de l’homme, qui presse M. Weah de limoger les trois officiels mis en cause.
Le Trésor américain a sanctionné le premier, le ministre des Affaires présidentielles Nathaniel McGill, qui dirige aussi le cabinet présidentiel. Il l’accuse d’avoir “soudoyé des chefs d’entreprise, reçu des pots-de-vin de potentiels investisseurs” et “accepté des dessous-de-table pour avoir amené des contrats à des compagnies dans lesquelles il a des intérêts”.
Il s’est approprié des biens publics à “son profit personnel”, et a aussi fait appel à “des seigneurs de guerre pour menacer ses adversaires politiques”, renchérit le Trésor américain.
Inaction ou héritage
Le second, Sayma Syrenius Cephus, procureur général, est quant à lui accusé d’avoir “développé des relations proches avec des suspects dans des enquêtes criminelles”, et d’avoir reçu des pots-de-vin en échange desquels il faisait classer des dossiers relatifs notamment au blanchiment d’argent.
Le troisième, le chef de l’Autorité portuaire nationale Bill Twehway, est accusé par le Trésor d’avoir “orchestré le détournement” de 1,5 million de dollars vers un compte privé.
M. McGill a rejeté certaines des incriminations et décrit les autres comme “vagues” dans un courrier au président. M. Cephus a aussi écrit au chef de l’Etat pour tout nier.
La voix des Etats-Unis porte au Liberia étant donné les relations historiques et actuelles entre les deux pays et le poids de la diaspora libérienne de l’autre côté de l’Atlantique.
Les accusations américaines surviennent un an avant la présidentielle prévue le 10 octobre 2023.
Les détracteurs du président Weah lui reprochent de ne pas avoir tenu ses engagements. Lui invoque la lourdeur de l’héritage reçu.
Jusqu’à l’annonce des sanctions américaines, M. Weah était “en bonne position face aux autres potentiels candidats“, dit à l’AFP l’analyste politique Victor Bright
“Les difficultés économiques ont augmenté depuis son accession au pouvoir” mais “il est en train de réaliser des infrastructures de développement qui ne sont pas passées inaperçues”, dit-il.
M. Weah ferait mieux de limoger les trois responsables pour en finir, estime-t-il. “Le président Weah a besoin d’écouter le peuple s’il ne veut pas perdre certains de ses potentiels électeurs” en 2023.