48 heures avant les 24èmes commémorations du début du génocide des Tutsi du Rwanda, l’association Survie, mobilisée contre la Françafrique, a organisé la remise symbolique au ministère de la Défense de l’époque d’une caisse factice d’armes et de munitions françaises. Les gendarmes présents au 14 rue Saint-Dominique ont donc été pris à témoins d’une forme de retour par la Poste (pour motif de « non distribution ») d’une des caisses d’armements que la France a acheminées en 1994 à destination d’un régime allié, alors même qu’il commettait un génocide. Comme les gendarmes sur place ont refusé de réceptionner ce colis, les militants de l’association l’ont ensuite apportée au siège du Parti Socialiste rue de Solférino, pour suggérer de profiter du déménagement pour faire l’inventaire de la politique de François Mitterrand au Rwanda. Il s’agissait pour l’association d’illustrer concrètement le soutien politique, économique et militaire que notre pays a apporté, et que l’État français devrait désormais reconnaître.
Pour Fabrice Tarrit, co-président de Survie : « C’est le président Emmanuel Macron qui a désormais la responsabilité de reconnaître officiellement, au nom de la France, que les autorités de notre pays ont soutenu et armé un régime “ami” quelles qu’en soient les conséquences. Ce soutien, déjà incompréhensible avant le génocide, ne s’est pas démenti pendant les massacres, ni même après ». Il ajoute « L’État devra bien le reconnaître : on ne peut pas attendre plus de 50 ans, comme pour la participation active des autorités françaises dans la déportation de Juifs pendant la Seconde guerre mondiale ! ».
Ce soutien à ceux qui commettaient le génocide des Tutsi a pris différentes formes : politique, diplomatique, militaire (livraisons d’armes et de munitions, recours à des mercenaires)… Il a été apporté en connaissance de cause, de manière active, et a eu un effet sur les crimes commis : cette politique constitue juridiquement une complicité de génocide, l’intention génocidaire n’étant pas nécessaire à cette qualification. Une reconnaissance officielle de ce soutien aux auteurs d’un génocide amènera, logiquement, à demander des comptes aux décideurs civils et militaires qui ont mené cette politique.
« Comment comprendre que des responsables politiques de l’époque comme les ministres Alain Juppé et François Léotard ou encore le secrétaire général de l’Elysée Hubert Védrine, n’aient jamais été inquiétés ? Et surtout que l’Amiral Lanxade, le Général Quesnot et le Général Huchon sont partis à la retraite avec tous les honneurs, sans jamais rendre des des comptes à la justice ? », s’étonne Fabrice Tarrit. « Ces trois responsables militaires étaient respectivement chef d’état-major des armées, chef d’état-major particulier du président et chef de la mission militaire de coopération : ils ont eu, avec le président François Mitterrand, toutes les cartes en main pour continuer ou arrêter de soutenir un régime “ami” qui commettait le crime des crimes. Des responsables français ont opté pour un soutien direct, avec l’opération Turquoise qui a gelé la ligne de front, et un soutien indirect, avec des mercenaires corsaires de la République comme Bob Denard ou Paul Barril ».
Emmanuel Macron a l’opportunité historique de reconnaître officiellement, sans faux-fuyants, qu’un tel appui a été décidé et exécuté en toute connaissance de cause – d’autant que pour la première fois depuis 1994, aucun des partis de gauche et droite qui gouvernaient ensemble à cette période de cohabitation n’est actuellement au pouvoir. Le président le doit d’abord aux victimes et aux rescapés du génocide, mais aussi aux citoyens français, afin d’ouvrir le nécessaire débat sur le fonctionnement des institutions de la Vème République
Afrik