L’air martial de l’officier général cache mal une réalité bien triste : celle d’un homme sans autorité, incapable de faire régner l’ordre et la discipline dans les rangs de la police nationale à travers des décisions fermes. Les récents événements intervenus dans la cour du Groupement mobile de sécurité (GMS) en sont l’illustration. L’action du général Tiéfing Konaté à la tête du ministère de la Sécurité intérieure et de la Protection civile doit impérativement interpeler le président par intérim et son Premier ministre.
Le Général Tiéfing Konaté, ministre de l’Intérieur et de la sécurité
Lorsqu’il a été limogé en 2010 à la tête de la direction générale de la gendarmerie, certains ont dénoncé « un règlement de compte ». D’autres, plus partisans, en ont conclu qu’ »il a été tout simplement victime de sa rigueur ».
Bombardé ministre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile à la faveur d’un coup d’Etat du 22 mars 2012, qui n’a eu de mérite qu’à restaurer un système désavoué par le peuple malien, le général Tiéfing Konaté a fait voir son vrai visage.
A première vue, cet officier général de gendarmerie inspire le respect. Son allure laisse plutôt apparaître la rigueur. Mais derrière les galons, le physique et le regard menaçant de l’homme, se cache un tigre en papier. Quand on est patron d’un département comme celui de la Sécurité intérieure, on doit être tranchant, là où le règne de l’ordre et de la discipline est indispensable.
C’est véritablement ce qui manque en ce moment dans les rangs des forces de sécurité. Les récents événements au Groupement mobile de sécurité (GMS) en sont l’illustration la plus parfaite. Les échanges de tirs à l’arme régulièrement dans ce camp (et tard dans la nuit) ont fini par exaspérer les populations avoisinantes.
Les habitants des quartiers Badialan, Niomirambougou, Samé, Logement sociaux, Cité El Farako ont bravé vendredi après-midi l’état d’urgence pour marcher sur le GMS. Ecœurées, elles demandaient aux autorités policières l’arrêt immédiat des affrontements à l’arme. Cette marche intervenait alors que la veille, les rivalités syndicales entre éléments de la police avaient fait plusieurs blessés dans le même camp.
La marche des populations révoltées a été vite entendue au haut niveau, qui a ordonné « un nettoyage » à travers le désarmement du Syndicat de la police nationale (SPN). Ce lundi matin, à notre passage le calme était rétabli dans le voisinage, et l’équipe mixte envoyée pour la circonstance, donnait l’air de maîtriser la situation.
Mais cela suffira-t-il pour résoudre l’éternelle question de la discipline au sein de la police nationale ? L’affaire dite du GSM pose une problématique bien réelle : celle du manque de respect de la hiérarchie dans ce corps depuis le coup d’Etat du 22 mars 2012. Et lorsque des sous-officiers firent irruption, en novembre dernier, dans les commissariats pour enlever sept commissaires et les coffrer pendant plusieurs jours, il y avait de quoi se demander dans quel Etat vivions-nous ?
Rackets
Incapable de trouver une solution, le ministre de la Sécurité ne peut que constater les dégâts. Aujourd’hui, la police ressemble à un corps de non droit au vu et au su des autorités, qui ont favorisé l’injustice, la corruption et le clientélisme. En témoignent les nominations à titre exceptionnel récemment intervenues. Des sergents ont été bombardés élèves-inspecteurs, ou encore des sergents-chefs devenus élèves-commissaires, etc. le traitement de faveur saute à l’œil.
L’une des missions assignées à Tiéfing Konaté à sa nomination, c’était sans doute de restaurer la confiance entre les populations et la police, au moment où l’insécurité à Bamako, sur les axes routiers et les altercations entre usagers de la circulation et les agents, étaient devenues quotidiennes. Mais, plus d’un an après, le tableau n’est pas reluisant.
Et les différentes patrouilles organisées à Bamako n’ont pas contribué à réduire le sentiment d’insécurité, mais plutôt à donner l’occasion à un certain type de policiers d’arnaquer les populations pour des contrôles de vignettes et de cartes d’identité. L’inadmissible est qu’au moment où les commissariats manquent de cartes, il faut débourser 15 000 F CFA pour avoir une pièce d’identité civile. La police durcit le ton pendant les patrouilles.
Et gare à ceux dont les cartes d’identité ont expiré. Le hic est que certains policiers osent rejeter la carte professionnelle. Deux de nos confrères en provenance de Mopti, le mois dernier, en ont fait les frais au poste de contrôle de San. Ici, l’agent de police a demandé à un des journalistes de payer 1000 F CFA, après lui avoir présenté sa carte de presse et son ordre de mission signé en bonne et due forme. Pour l’agent de police, la carte de presse ne signifie pas pièce d’identité. Manque de formation ? Allez savoir !
Voici donc l’image de la police malienne dont le redressement a été confié au général Tiéfing Konaté.
Issa Fakaba Sissoko