Bamako, 26 decembre (AMAP) Le gaz butane est beaucoup consommé par les Bamakois. Grâce à la subvention par l’Etat, qui dure depuis 1998, il est relativement abordable pour la plupart de nos compatriotes. L’Etat a décidé de supporter la subvention du gaz butane afin d’amener les foyers à se détourner du bois et du charbon de bois dont la consommation constitue un danger pour nos massifs forestiers. Le but est de sauvegarder la faune et la flore de la destruction massive.
La subvention consiste à payer une partie du prix du gaz pour que les consommateurs puissent l’avoir à un prix abordable. L’Etat verse, donc, un montant aux importateurs. Mais d’année en année, le retard de paiement de la subvention menace le secteur. A cause du non paiement de la subvention par l’Etat, les importateurs ont fermé les robinets, provoquant un début de pénurie sur le marché. Les spéculateurs, qui ont constitué des stocks à cette fin, profitent de la situation.
La situation d’impayés a d’ailleurs poussé beaucoup de multinationales (Total, Shell) à abandonner la distribution du gaz butane. Actuellement, le gaz butane est presque introuvable sur le marché. Car la majeure partie des sociétés gazières nationales (Sodigaz, Bama Gaz, Faso Gaz etc) n’en produisent plus. La pénurie dure depuis plus d’une dizaine de jours, à en croire un revendeur qui a préféré garder l’anonymat. Selon ce père de famille, qui mène plusieurs activités, pour joindre les deux bouts, la rupture du gaz a naturellement impacté son business. Car, d’après lui, les revenus (250 Fcfa à 500 Fcfa par bouteille) qu’il tire de la revente du gaz l’aidaient énormément dans ses dépenses quotidiennes.
« Avant la pénurie, rappelle notre interlocuteur, la bonbonne de 6 kilos était cédée à 3.500 Fcfa. Aujourd’hui, elle est cédée à 4.000 Fcfa voire plus », précise-t-il. Il souffle que selon certaines indiscrétions, la société Kama gaz n’a pas complètement arrêté de distribuer. Précisant que cette dernière ne produit plus les bonbonnes de 3 et 6 kilos concernées par la subvention.
SURENCHÈRE– Derrière toute difficulté peuvent se cacher d’immenses opportunités à saisir. Un jeune revendeur affirme qu’au niveau de l’autogare de Sogoniko et du marché de Médine « Sougouni Koura », les revendeurs n’attendent que la pénurie pour faire sortir leurs stocks. Selon lui, la bonbonne de 6 kilos est vendue jusqu’à 5,000 Fcfa à certains endroits.
Pendant notre entretien avec le revendeur, son ami vendeur de poulet de chair rôti se mêle au débat. A la question de savoir quelle source d’énergie il utilise en ce moment, il répond sans ambages que la société Kama Gaz lui livre des bouteilles de gaz jusque sur son lieu de travail. Tout d’un coup, notre premier interlocuteur reçoit un appel d’un de ses fournisseurs de gaz. Le téléphone est mis sur haut parleur. L’appelant lui parle de grève, « le but étant de toucher les consommateurs et de mettre la pression sur le gouvernement ». Cette affirmation a fait sourire le récepteur de l’appel, qui a émis des prières afin que la stratégie puisse résoudre le problème.
Oudiari Diawara, le directeur général de Sodigaz, ne parle pas de grève. Selon lui, la pénurie de gaz est simplement un problème économique. « Nous n’avons pas les moyens financiers d’acheter, transporter et dédouaner notre matière », explique le DG de Sodigaz. Selon lui, l’Etat n’a pas payé la subvention qu’il doit verser aux producteurs. Au sujet de cette subvention, Oudiari Diawara précise que beaucoup de gens pensent que l’Etat subventionne les producteurs. « Ce qui n’est pas le cas. La subvention qui concerne les bonbonnes de 3 et 6 kilos est destinée aux consommateurs et non aux sociétés de gaz », dit-il.
Le patron de Sodigaz souligne à ce propos que les sociétés qui importent le gaz, paient le transport et le dédouanement à l’Etat. Pour vendre le produit fini aux consommateurs, les sociétés calculent le coût de revient en ajoutant leur bénéfice. C’est là que l’Etat intervient en prenant en charge 54% des prix de vente des bonbonnes de 3 et 6 kilos, détaille le patron de Sodigaz. C’est pourquoi le consommateur achète la bouteille de 6 kilo à 3500 Fcfa. C’est cet argent que les sociétés réclament au gouvernement sans lequel elles ne peuvent fonctionner normalement.
Pour le moment, Oudiari Diawara assure qu’il n’y a pas de licenciement au niveau de sa société, mais si le phénomène perdure, la situation risque de s’aggraver. Il évoque le cas des distributeurs qui, selon lui, sont majoritairement de jeunes diplômés et pères de famille. Ces jeunes qui peuvent gagner 35.000 Fcfa par jour voire plus, ne sont pas en activité aujourd’hui, parce que « nous ne pouvons plus produire ». Souhaitant l’opérationnalisation du Fonds gaz annoncé par les autorités, le directeur général de Sodigaz demande à l’Etat de s’assumer ou de revoir sa politique de subvention.
PAS DE GRÈVE – Du côté de la direction générale du commerce, de la consommation et de la concurrence (DGCC), le directeur général, Boucary Doumbia fait savoir que sa structure a été saisie par le Groupement des opérateurs gaziers. La DGCC et d’autres acteurs ont tenu une réunion avec le groupement afin d’écouter ses doléances. Le directeur général précise que la mission de son service est de veiller à l’organisation et au respect des textes législatifs et réglementaires du secteur du gaz.
Selon M. Doumbia, la question majeure posée au cours de la réunion concerne le non paiement de la subvention que l’Etat doit verser aux importateurs. Cette question est gérée par le ministère de l’Economie et des Finances à travers l’Office national des produits pétroliers (ONAP) et celui de l’Energie et de l’Eau à travers l’Agence malienne pour le développement de l’énergie domestique et de l’électrification rurale (AMADER). Cette dernière a pour rôle de recevoir les factures des producteurs de gaz. Ensuite, elle évalue le montant que chaque producteur doit percevoir. Et le Trésor public doit effectuer le virement bancaire dans les comptes des sociétés gazières. C’est ce virement qui n’a pas été fait, selon le directeur de la DGCC qui précise que les factures ont été déjà prises en compte, mais qu’elles n’ont pas été liquidées. Ce qui fait que les producteurs sont à cours de crédit. Notons que ces derniers doivent à leur tour payer leurs fournisseurs étrangers également.
La DGCC a produit un rapport, qu’elle a adressé à son département tutelle. Des recommandations ont également émises par la DGCC à l’adresse de l’Onap, lui suggérant d’adresser au moins une note au ministère de l’Economie et des Finances sur la situation, révèle le directeur général. La structure chargée du commerce, de la consommation et de la concurrence a également demandé à l’AMADER de lui faire le point de la situation concernant l’exécution du paiement.
« De son côté, l’ONAP assure qu’un stock existe mais que les sociétés refusent de produire tant que les arriérés ne sont pas payés », ajoute Boucary Doumbia. « Les producteurs ont écarté l’hypothèse d’une grève lors de la réunion », rassure encore le directeur général.