Comme un avant-goût au nouveau préavis de grève, lancé par le Collectif des syndicats enseignants signataire du 15 octobre 2016, qui prend effet à partir de ce 11 mars 2019, les élèves et étudiants du Mali ont déserté, hier lundi, les classes. Même les établissements privés de Bamako ont été contraints d’observer cette sortie qui doit s’étaler sur trois jours (72 heures : du lundi au mercredi). Face à la crise qui ne cesse de prendre de l’ampleur, des observateurs s’interrogent déjà sur le sort de l’année scolaire 2018-2019.
L’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) a, à son tour, décrété une grève de 72 heures (les 25, 26 et 27 février 2019) pour, dit-on, protester contre le peu d’implication des autres acteurs et partenaires de l’école, dans la résolution de la crise scolaire qui perdure, depuis des semaines.
En effet, deux mois seulement après la rentrée scolaire 2018-2019, alors que les acteurs de l’école fondaient beaucoup d’espoir sur le bon démarrage de l’année scolaire, la prise de deux décret a suffi pour mettre le feu aux poudres entre les syndicats d’enseignants et le gouvernement : les décrets n° 2018 -0800/P-RM du 19 Octobre 2018 fixant les attributions spécifiques des membres du Gouvernement et le décret n° 2018-0801/P-RM du 19 Octobre 2018, portant répartition des services publics entre la Primature et les départements ministériels, signés par le Président de la République, Ibrahima Boubacar Kéita, et le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maiga. Ils sont considérés comme des décisions violant les textes qui gèrent les enseignants fonctionnaires des collectivités et même ceux de l’État.
Le désaccord
« Concernant la signature des décrets n° 2018 -0800/P-RM du 19 Octobre 2018 fixant les attributions spécifiques des membres du Gouvernement et le décret n° 2018-0801/P-RM du 19 Octobre 2018, portant répartition des services publics entre la Primature et les départements ministériels, depuis le 17 Octobre 2018, des informations nous parvenaient notifiant que le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, habilité selon les textes à signer les actes administratifs des fonctionnaires des collectivités, refusait de signer lesdits actes des fonctionnaires des collectivités. Ces attributions ont été transférées au ministre de la Fonction publique qui n’a aucune compétence de signature de ces actes administratifs des fonctionnaires des collectivités », explique le porte-parole du collectif, Adama Fomba dans une interview au confrère du ‘’Le Républicain’’.
C’est dans ce contexte que le Collectif des syndicats enseignants signataire du 15 octobre 2016, suite à une assemblée générale de ses militants en novembre 2018 à l’ECICA, dépose un préavis de grève en 10 points de 72 heures sur la table du ministre du Travail.
N’étant pas parvenus à un accord, le collectif observe sa première grève de l’année du 19 au 21 décembre 2018. Par la suite, trois autres grèves de 5 jours, de 10 et de 13 jours ont été observées par les enseignants ; du 7 au 11 janvier 2019, 21 au 30 janvier et du 13 février au 1er mars 2019.
Selon le ministère de l’Éducation nationale, qui a fait le point des négociations, le 14 février 2019, sur 10 points de revendication sur la table du ministre du Travail, il y a eu 6 points d’accord, 1 point d’accord partiel et 3 points de désaccord.
Le pied dans le plat
Le premier point de désaccord est relatif à l’octroi d’une prime de logement au personnel enseignant du préscolaire, fondamental, secondaire et professionnel ; le deuxième point de désaccord concerne, la relecture du décret portant allocation d’indemnités au personnel chargé des examens et concours professionnels en ses articles 1, 2 et 3.
Enfin, le dernier point de désaccord est relatif à l’accès des enseignants fonctionnaires des collectivités territoriales aux services centraux de l’État. À ce niveau, les syndicats exigent leur admissibilité immédiate dans les services centraux de l’État, alors que le Gouvernement propose pour cela, la mise en place d’une commission composée de représentants de tous les acteurs de la décentralisation en vue d’examiner la question, dans toute sa globalité, compte tenu du fait que les enseignants ne sont pas les seuls corps.
Malgré ces avancées notoires, le Collectif a décidé de maintenir la pression sur le gouvernement en lançant une nouvelle menace de grève.
Le dernier préavis de grève déposé par le Collectif des enseignants signataires est une grève de 15 jours, soit 360 heures allant du lundi 11 au vendredi 15 mars 2019, du lundi 18 mars au vendredi 22 mars 2019 et lundi 1er avril vendredi 5 avril 2019 inclus.
Si à terme, ses revendications ne sont pas satisfaites, le Collectif se donne le droit d’aller en grève illimitée avec rétention de notes.
Malgré l’échec des négociations, enseignants et gouvernement se disent ouverts au dialogue. Mais ce dialogue, s’il veut porter ses fruits doit être mené le plutôt que possible.
En avant-goût, de la grève illimitée qui profile, l’AEEM a déjà mobilisé ses troupes. Depuis hier, plusieurs établissements scolaires du district de Bamako ont été désertés par les élèves en respect d’une consigne de grève de 72 heures.
Si nous n’avons pas eu plus de précisions sur les motifs de la sortie des élèves, il se raconte que l’AEEM souhaite davantage d’implication de l’Etat en vue de trouver une sortie de crise rapide.
L’année peut-elle être sauvée ?
À plus de trente jours de cours déjà perdus, des interrogations se posent sur la possibilité de sauver l’année scolaire en cours. À l’évolution actuelle des choses, si l’espoir est toujours permis, il y a évidemment de quoi à s’inquiéter également. En effet, selon les standards au niveau de l’UNESCO, il faut 172 jours d’enseignement pour valider une année scolaire. Si une solution rapide est trouvée, dans les jours qui suivent, l’espoir est permis de sauver l’année. Par contre, si les débrayages devaient encore continuer plus d’une semaine, les autorités scolaires seront obligées de faire le choix entre poursuivre les cours au-delà du 30 juin 2019 ou décréter une année blanche si elles veulent rester en conformité avec les normes de l’UNESCO qui nous gouvernent en la matière.
En tout cas, l’exécution de la nouvelle menace du collectif qui doit nous conduire jusqu’en avril prochain est loin d’arranger les choses.
Par Sidi Dao
Source: info-matin.