Des experts africains de la question monétaire qui se sont retrouvés le 16 février 2019 au Mémorial Modibo Kéita, à l’invitation d’Aminata Dramane Traoré recommandent de bousculer la CEDEAO pour qu’elle réalise un schéma de sortie collective de cette monnaie.
«Une sortie collective du franc CFA reste la meilleure option pour les pays de la zone CFA» ! C’est la principale recommandation des experts africains réunis à Bamako pour une session spéciale du Forum pour un autre Mali (FORAM).
Pour ces économistes (Kako Nubukpo du Togo, Martial ZE Belinga du Cameroun ; Amadou Koulibaly de la Côte d’Ivoire, Demba Moussa du Sénégal, Taoufiq Ben Abadallah de la Tunisie et Pr. Issa Ndiaye du Mali), la sortie du franc CFA est d’abord une question politique. Ainsi, il revient ainsi aux chefs d’Etat des pays membres du franc CFA de décider de la sortie de cette monnaie qui «couvre et épouse la violence esclavagiste de la France».
A cet effet, le constat amer est que les dirigeants africains ne soutiennent pas l’initiative malgré la volonté de certains de sortir de cette zone. «La revendication et la solution deviennent plus urgentes», a martelé l’Ivoirien Amadou Koulibaly. A son avis, il est donc nécessaire de bousculer la CEDEAO pour qu’elle trouve un schéma de sortie collective du CFA.
«Le principe panafricain peut beaucoup aider à la réalisation d’une monnaie», a défendu Martial ZE Belinga. Le Camerounais reconnait aussi qu’il y a des solutions plus efficaces que d’autres comme une sortie collective. Pour l’économiste Togolais Kako Nubukpo, la stabilité monétaire défendue par ceux qui sont contre la sortie du franc CFA est une illusion.
Pour lui, la monnaie est une volonté politique que défend aussi Pr. Issa N’Diaye. Pour lui, il n’y aura pas de «souveraineté politique si nous sommes économiquement dépendants des autres». Et Pr. N’Diaye s’étonne cependant du fait qu’on ait confié l’étude de faisabilité d’une autre monnaie qui remplacera le CFA à la Banque centrale. Une structure favorable à la continuité du CFA selon lui.
Outre le CFA, la relation entre l’Afrique et l’Europe ainsi que la question migratoire étaient aussi au cœur du débat. Dans leurs interventions, les uns et les autres ont montré la flagrante exploitation de l’Afrique par les pays Européens à travers notamment les accords commerciaux et un modèle économique défavorable au continent.
Les conférenciers défendent aussi que l’Europe est aujourd’hui en difficultés parce qu’elle n’a pas de marché nulle part au monde en dehors de l’Afrique, le seul continent qui n’est pas en concurrence avec elle.
«Les accords commerciaux sont un moyen pour mettre la main sur les marchés africains, un moyen de transfert des richesses vers l’Europe», a argumenté le Tunisien Taoufiq Ben Abdallah. L’Ivoirien Amadou Koulibaly a lui aussi abondé dans ce sens en ajoutant que, avec les accords bilatéraux, les colonies paient plus cher leurs importations et vendent moins cher leurs exportations.
Une situation qui affaiblit les économies africaines et appauvrit les Africains. Ce transfert des richesses africaines vers l’Europe est assuré par les multinationales qui, selon Pr. Issa N’Diaye volent 65 % des biens en Afrique. Il est donc nécessaire pour lui de changer de modèle et réfléchir à des alternatives nouvelles, c’est-à-dire penser en Africain pour assurer le développement du continent.
Evoquant la question migratoire Aminata Dramane Traoré dira que «le problème n’est pas l’Afrique, mais plutôt un modèle économique défavorable au continent». Pour elle, la question migratoire est un délit de démocratie. «C’est la bataille des idées et la politique de prédation de l’Europe qui font que la vie des Africains est quotidiennement mise en danger», a déploré l’altermondialiste. Il est donc nécessaire pour elle de travailler à la décolonisation culturelle. De son coté, Kako Nubukpo trouve la migration normale car, soutient-il «le modèle de fonctionnement du monde est néolibéral» !
Oumar Alpha