La tête de liste des Républicains aux européennes dévoile le projet du parti avant le Conseil national de ce samedi à Lyon. LR souhaite des quotas carbone sur les importations, revoir le droit de la concurrence et harmoniser l’impôt sur les sociétés. Mali
Les Républicains lancent ce samedi, lors d’un Conseil national du parti à Lyon, leur campagne pour les européennes . Leur tête de liste, le jeune philosophe conservateur François-Xavier Bellamy, défend dans « Les Echos » le projet de LR, notamment la création d’une « barrière écologique » pour défendre le marché commun. Mali
Le projet des Républicains sera-t-il résolument pro-européen ?
Il est évidemment résolument pro-européen, au sens où nous sommes convaincus que beaucoup des grands défis qui attendent notre pays supposent que l’Europe agisse. Sur l’économie, le climat, les migrations, nous ne pouvons pas faire sans l’Europe. Mais à la différence d’ Emmanuel Macron , nous ne croyons pas que l’objectif soit toujours plus d’Europe. Le but, c’est construire une Europe qui fasse la preuve de son efficacité. Notre projet correspond, je crois, à l’aspiration d’une grande majorité de Français qui savent que l’Europe est nécessaire mais qu’il faut la changer.Mali
Sur le plan économique, concrètement, comment réorienter l’Europe ?
Je rêve d’une Europe qui contribue à rééquilibrer la mondialisation, qui en soit un acteur offensif. L’Europe doit défendre son industrie, elle ne peut pas être qu’une terre de services. Nous proposons la création d’une « barrière écologique » pour défendre notre marché commun, en imposant des quotas carbone sur les importations, au même titre que ceux que paient nos entreprises, et le respect des mêmes normes que celles fixées à nos industriels et nos agriculteurs.
Faut-il revoir le droit de la concurrence, comme le préconise l’axe franco-allemand ?
Bien sûr ! Qui ne voit pas que ce droit est devenu obsolète face aux géants chinois et américains ? Nous croyons à la concurrence, aux vertus du libre-échange, mais à condition d’avoir les mêmes règles que les autres. Le manque de réciprocité sur les appels d’offres dans les marchés publics est par exemple incompréhensible. Mali
L’Europe est-elle trop libérale ?
Elle est surtout trop naïve. Nous sommes encore par certains aspects les idiots du village mondial, même si les choses commencent à bouger, comme le montre le dispositif de contrôle des investissements directs étrangers que les Républicains au Parlement européen ont contribué à mettre en oeuvre. Il faudrait étendre ces garde-fous par exemple aux rachats de terres agricoles par les investisseurs chinois. Il y a une prise de conscience collective, surtout depuis les menaces de guerre commerciale de Trump et l’échec de la fusion Alstom-Siemens. C’est le moment d’agir.Mali
Faut-il une harmonisation fiscale au niveau européen ? Peut-on continuer la course au moins-disant entre les Etats ?
On ne peut continuer à tolérer le dumping fiscal de certains Etats. L’action de la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, va dans le bon sens quand elle sanctionne les aides d’Etat déguisées et lutte contre la concurrence déloyale. Il faut aller plus loin et tendre vers une harmonisation fiscale, notamment sur l’impôt sur les sociétés. Comme pour la TVA aujourd’hui, il serait souhaitable d’avoir un taux minimum et un plafond, avec une liberté pour les Etats au sein de ce corridor. Mali
Mais attention, pour être crédible, la France doit se réformer. On ne peut pas parler de convergence fiscale quand on est champion du monde de la pression fiscale. Emmanuel Macron est un peu le cancre au fond de la classe qui dirait à ses voisins ce qu’ils doivent faire. Mali
En matière sociale, a-t-il raison de plaider pour un bouclier social avec un SMIC européen ?
Mais là encore, la France n’est pas audible parce qu’elle n’a pas fait les réformes nécessaires, et cela conduit, malheureusement, à la réponse sèche de la nouvelle présidente de la CDU allemande . Pourtant, sur le fond, l’Allemagne aurait tort de refuser toute convergence sociale. Il faut aller vers une harmonisation des règles, et nous défendons une révision plus forte de la directive sur le travail détaché, une pratique qui, dans les conditions actuelles, nourrit la défiance des Français. Il faut non seulement garantir un salaire égal pour un travail égal, mais aussi que l’entreprise acquitte les mêmes charges sociales. Il faut également renforcer les contrôles qui sont dans ce domaine beaucoup trop faibles, et intégrer le transport routier dans la négociation, à venir, car Emmanuel Macron avait clairement abandonné ce secteur. Mali
Faut-il taxer les Gafa ?
Oui, car rien ne justifie que des multinationales paient moins d’impôts que nos entreprises. Mais je ne crois pas à une réponse purement nationale qui risque de fragiliser nos propres acteurs : il faut une taxation au niveau européen. Par ailleurs, la position structurellement dominante des Gafa doit conduire à une riposte plus globale. Il s’agit de défendre nos valeurs, préserver nos démocraties et le droit à la vie privée. L’agence de protection de la démocratie prônée par Emmanuel Macron passe totalement à côté de ces sujets et n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Mali
L’économie suffit-elle pour réduire le désamour entre les citoyens et l’Europe ?
Cela ne suffit pas, même si ce serait déjà beaucoup. L’Europe n’est pas une organisation comme les autres : c’est une histoire, des racines – gréco-latines, judéo-chrétiennes, l’héritage des Lumières -, une civilisation qui a encore quelque chose à dire au monde. Le grand dessein, il est là. Commençons par retirer de nos billets d’euros ces ponts qui n’existent pas et ne mènent nulle part, pour y mettre le patrimoine européen qui fait notre lien commun. Il faut aussi impérativement donner à chaque jeune, y compris les plus défavorisés, l’occasion d’un échange en Europe dans son parcours scolaire.
L’Europe doit-elle se mêler des sujets de société ?
Non. L’Europe n’a pas par exemple à définir la politique familiale ou la manière dont l’Etat français doit assurer le maintien de l’ordre. Mais parce qu’elle est une civilisation, elle porte en elle-même une exigence quant à ce qu’est la dignité humaine. Il faut porter à travers l’Europe une initiative concertée sur le refus de la marchandisation du corps, de l’eugénisme, de la tentation de l’homme augmenté, de la technicisation de l’humain. Mali
Quels enseignements tirez-vous du Brexit ?
D’abord, l’ampleur de la défiance qui s’est manifestée sous nos yeux montre qu’on ne peut pas continuer sans réorienter l’Europe. Ce qui compte, ce n’est pas de faire toujours plus et toujours plus vite, comme le dit Emmanuel Macron, mais d’aller dans la bonne direction. Le second enseignement, c’est, dans le grand désarroi du peuple britannique , que nous n’avons rien à gagner à sortir de l’Europe, à défaire l’Europe. C’est notre désaccord très clair avec Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan.
Macron-Le Pen, c’est « bonnet blanc et blanc bonnet » ?
Non, il ne faut pas confondre des propositions qui sont radicalement différentes. Mais ce qui me frappe, c’est que chacun de ces deux acteurs voudrait n’avoir que l’autre en face de lui. Ce qui fait que je n’ai jamais été macroniste, c’est que je n’ai jamais cru à la fin des clivages. Je crois profondément au pluralisme. Tout ne se limite pas à être pour ou contre l’Europe. Notre responsabilité, c’est d’offrir un vrai choix. Mali
Si vous êtes « résolument pro-européen », pourquoi ne pas admettre qu’un de vos adversaires est plus dangereux que l’autre ?
Encore une fois, comment ne pas voir qu’ils s’entretiennent l’un l’autre. L’Europe d’Emmanuel Macron, qui exige de transférer notre souveraineté au lieu de la renforcer, nourrit la défiance et donc Marine Le Pen.
Eurodéputé, auriez-vous approuvé le déclenchement de la procédure de sanction contre la Hongrie de Viktor Orban ?
Non. Le danger est très grand d’une Europe qui prétende se mettre à la place de la responsabilité des démocraties de chaque pays. Nous avons des désaccords avec Orban , mais cette procédure déclenchée par la gauche et les écologistes mêlait tout et n’importe quoi. La question de l’Etat de droit, de la politique migratoire en Hongrie. Or une Europe qui interdirait aux Etats de déterminer leur politique migratoire accentuerait la fracturation déjà à l’oeuvre.
Plusieurs élus LR, Jean-Pierre Raffarin en tête, ont soutenu la tribune d’Emmanuel Macron. Comment un parti divisé peut-il être crédible aux yeux des électeurs ?
La décision de Jean-Pierre Raffarin n’est pas un grand événement : il participait déjà à la préparation de la stratégie européenne d’Emmanuel Macron. En revanche, son argument qui consiste à dire que défendre la voix de la France, c’est voter pour la liste du président de la République est totalement fallacieux. A-t-il voté en 2014 pour la liste PS, au motif que François Hollande était au pouvoir ? Aujourd’hui, Emmanuel Macron est très isolé sur la scène européenne. Nous sommes prêts en revanche à jouer un rôle central au sein du prochain Parlement pour défendre la voix des Français.