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François Hollande : «La trahison, c’eût été de laisser le pays dans l’état où je l’ai trouvé»

Le chef de l’Etat répond aux critiques de la gauche. « Sur la loi travail, je n’ai manqué à aucun de mes principes », déclare-t-il. Il met en débat des réformes institutionnelles pour la présidentielle de 2017.

Francois Hollande president francais

Quel jugement portez-vous sur les projets économiques de la droite ?

L’originalité n’est pas leur marque de fabrique. A croire qu’ils ne sont que la reproduction en plus brutal de programmes déjà présentés à l’occasion de scrutins parfois lointains. Mais ils me paraissent surtout inadaptés à la situation de notre pays et éminemment dangereux pour notre modèle social.

Remettre en cause les 35 heures alors même que nous trouvons des solutions pour que les négociations dans les entreprises permettent la meilleure organisation du travail sans remise en cause de la rémunération des heures supplémentaires ? Casser le contrat de travail, alors que nous faisons en sorte que la clarification des règles de licenciement permette désormais que l’on embauche en CDI plutôt qu’en CDD ? Bousculer les règles du départ à la retraite, alors que le régime général est équilibré et que les partenaires sociaux ont fait un effort exceptionnel pour rétablir la situation des régimes complémentaires ? Changer les modes d’organisation de l’assurance-maladie alors que nous avons réduit le déficit de l’assurance-maladie ? Promettre aux ménages les plus favorisés des avantages fiscaux, alors que la branche famille est tout juste à l’équilibre ?

Je trouve qu’il y a beaucoup d’inconséquences et peu de justice. Les programmes des candidats à la primaire, c’est plus de dépenses dans tous les domaines et moins d’impôts dans tous les autres.

 

Vous ne faites aucune distinction entre les uns et les autres ?

Aucune. C’est sur d’autres sujets que se fait la différence, essentiellement sur l’Europe et sur l’identité nationale. Mais pour le reste, c’est, si je puis dire, un fonds commun de mauvais placement.

 

Les deux gauches sont-elles « irréconciliables », selon la formule de Manuel Valls ?

Il y a une gauche de gouvernement. Celle-là, dans toute sa diversité, elle doit se rassembler. C’est son devoir ; sinon elle laissera la place à la droite ou à l’extrême droite. Et puis il y a une gauche de contestation. Elle a toujours existé. Elle conteste un système et ne pose pas réellement la question de l’exercice du pouvoir. L’expérience de Syriza en Grèce aurait pourtant pu l’éclairer. L’intransigeance de Podemos en Espagne a contribué à laisser la droite gouverner.

Le pire serait, dans une Europe minée par le populisme, de considérer que gouverner c’est trahir.

 

Mais que dites-vous à ces électeurs de gauche qui se sentent trahis par votre politique ?

Est-ce qu’il y a un domaine depuis 2012 où les droits aient été amputés, les prestations réduites, la protection sociale entamée ? Y a-t-il une priorité – l’éducation, la culture, la santé ou autre – où l’on a fait le choix de l’austérité ? Non.

Après, est-ce que j’aurais pu faire davantage contre les excès de la finance ? Ce serait oublier que c’est à l’initiative de la France que l’Union bancaire a été mise en place au niveau européen et que nous avons marqué des points décisifs contre la fraude fiscale. J’avais annoncé clairement dans mon discours du Bourget qu’avant toute redistribution, il était impératif de rétablir la compétitivité et les comptes publics. C’était une question de survie pour notre pays. Si nous avions agi comme par le passé, la France aurait été déclassée car elle aurait été surclassée par ses partenaires et par les marchés. Et plus grave encore, notre appareil productif aurait sombré.

La trahison, c’eut été de laisser le pays dans l’état où je l’ai trouvé. Je m’en expliquerai devant les Français autant que nécessaire.

 

Le procès en trahison n’a-t-il pas été alimenté par la déchéance de nationalité et la loi travail ?

L’extension de la déchéance aux auteurs de terrorisme, je l’avais proposée au lendemain des attentats du 13 novembre. Quand des Français ont massacré des Français parce qu’ils étaient Français. Je fais d’ailleurs observer qu’il y a eu cinq déchéances de nationalité en 2015 qui ont d’ailleurs été confirmées par le Conseil d’Etat. Personne dans le débat public n’avait remis en cause ces décisions.

Il est dommageable que l’opposition n’ait pas voulu adopter cette révision constitutionnelle parce que c’était l’occasion d’un rassemblement de notre pays. Sur la loi travail, je n’ai manqué à aucun de mes principes.

 

Beaucoup à gauche le contestent…

Cette loi va permettre de donner au syndicalisme des moyens qu’il n’a jamais eu dans notre pays. Il est d’ailleurs étrange que le débat ne se soit pas porté là-dessus. Je ne parle pas simplement du mandatement, mais de la présence syndicale dans les entreprises. J’ai confiance dans le syndicalisme. Ce texte, c’est en réalité la prolongation des lois Auroux et de la première loi Aubry, qui avait fait de l’entreprise un lieu de négociation pour l’organisation du travail.

Quant à l’inversion de la hiérarchie des normes, le verrou me parait sérieux : seuls les syndicats représentant la majorité des salariés peuvent en prendre la responsabilité. Le travail du dimanche, déjà, avait été vécu par certains comme une transgression, mais les accords qui sont signés depuis le vote de la loi Macron permettent à des salariés d’être payés jusqu’à deux fois ou trois fois plus ce jour-là.

La conception que j’ai du progrès, ce n’est pas de figer des acquis mais de donner des droits et des libertés supplémentaires aux salariés.

 

Jusqu’à quel point la stratégie politique d’Emmanuel Macron reste-t-elle compatible avec sa fonction de ministre ?

Sa démarche, c’est de convaincre les Français du bien-fondé de la politique que nous avons mise en place depuis 2012 et de réfléchir à celle que nous pourrions proposer en 2017, c’est-à-dire une politique favorable à l’initiative, à l’entreprenariat, à l’investissement, à la lutte contre la rente à un partage plus juste de ce qu’est la richesse collective. Emmanuel Macron met en oeuvre ces orientations dans la fonction qui est la sienne.

 

Vu la crise de la représentation, n’est-il pas temps de réformer les institutions ?

Oui. Cette question sera forcément présente pendant la campagne présidentielle. Nous vivons en Europe et aux Etats-Unis une crise de la démocratie, là où précisément elle est née. La représentation politique doit être diversifiée, le non-cumul dans le temps introduit, les citoyens doivent être associés aux décisions qui les concernent. Un changement profond s’impose dans nos habitudes et nos pratiques.

De ce point de vue, la consultation concernant Notre-Dame-des-Landes, qui aurait pu être organisée plus tôt, est une bonne démarche pour délibérer de grands équipements. De même, je regrette que sur la loi travail nous n’ayons pas plus associé les salariés à l’élaboration de ce texte même si les organisations syndicales ont été consultées.

Et comment comprendre qu’une fois un projet présenté en Conseil des ministres il faille attendre 5 mois, parfois 7, pour que le texte soit définitivement adopté par le Parlement ? C’est d’autant plus insupportable dans une société où tout va vite. Quand le temps est aussi long pour l’effectivité de la décision, la parole de l’Etat est en cause. Pour le débat la loi de finances, la Constitution a fixé un délai maximum de 70 jours. Je pense que ce temps limité devra être la règle pour tous les textes économiques. En revanche sur les textes de société, le débat parlementaire pourrait être allongé.

 

Faut-il aller jusqu’à supprimer le poste de Premier ministre ?

Méfions-nous des improvisations en ces domaines. La concentration du pouvoir exécutif dans les seules mains du président de la République apparaîtrait à beaucoup comme excessive. Et supposerait de renforcer considérablement le Parlement. N’imaginons pas régler les problèmes des Français par une VIe République où chacun met d’ailleurs ce qu’il imagine.

Nos institutions sont solides. Je considère qu’il serait extrêmement dangereux de les affaiblir. Je parle d’expérience : nos institutions m’ont permis d’intervenir au Mali en quelques heures, de répondre aux attaques terroristes en quelques minutes et de parler au Conseil européen avec beaucoup plus de force que d’autres. Elles donnent de la stabilité et de la sécurité. Ce serait un risque sérieux que de perdre ce qui fait, au-delà des personnes qui occupent la fonction présidentielle, la crédibilité de la France.

 

Vous avez évoqué Notre-Dame-des-Landes. Les zadistes ne semblent pas décidé à partir…

J’avais proposé en février dernier d’organiser une consultation sur ce dossier qui fait débat depuis 50 ans. Une fois de plus les sceptiques avaient haussé les épaules. Pourtant la participation a été significative et le résultat a été clair. Les travaux s’engageront prochainement dans le respect du droit et la ZAD sera donc évacuée.

 

La réconciliation des Français avec la politique est-elle un enjeu plus important que l’économie en 2017 ?

Les deux sont liés. La confiance des Français dans leur avenir est indispensable à la croissance et à l’emploi. Il serait cependant un peu court de croire que toutes nos difficultés peuvent être réglées par l’économie. Il y a des pays autour de nous où le chômage est faible et où les populistes prospèrent car ce qui mobilise les extrémismes, c’est la peur de l’immigration et les crispations identitaires.

Le référendum britannique l’a bien montré : les partisans du Brexit n’ont pas parlé des conséquences économiques d’une sortie du Royaume-Uni, mais du risque migratoire en cas de maintien et pour eux les dangers étaient les étrangers. A instrumentaliser l’identité, on finit par la perdre

 

Source: lesechos.fr

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