« Le succès de la lutte contre le terrorisme, passe nécessairement par la résolution du conflit séparatiste, au travers de l’application de l’accord d’Alger » dixit Seydou Mamadou Coulibaly
Deuxième du Genre organisé par le THINK TANK PANAFRICAIN CAÏCEDRAT GROUP initié par le journaliste Serge Daniel , en collaboration avec la DCAF (Geneva Center for Security secutor and governance), le Forum sous-régional s’est tenu le samedi 20 février dernier à l’hôtel Radisson Blu , Sis à Bamako avec comme thème « La Gouvernance De La Sécurité Dans La Région Des Trois Frontières Du Liptako Gourma » .
Pour rappel, le Caïcedrat Group est un think tank indépendant et panafricain qui a pour but de produire et diffuser des solutions en matière de politiques publiques pour le progrès économique et social au Mali et en Afrique. A ce titre des panels de haut niveau sont fréquemment organisés pour permettre aux acteurs de la société d’échanger en vue de trouver des voies et moyens aux problèmes d’actualité qui minent nos sociétés Africaines. Un cadre parfait d’échanges et de réflexions qui fait intervenir des panélistes, très souvent des spécialistes en la matière, venus de différents pays d’Afrique.
Le but du forum qui s’est tenu ce samedi 20 février, sous forme d’exposé des panelistes et d’échanges avec les participants, était la sensibilisation des acteurs sur les enjeux et défis auxquels les états de la région du Liptako Gourma sont confrontés et le renforcement de la connaissance sur le rôle des acteurs sécuritaires pour répondre efficacement aux attentes des populations.
Le forum a regroupé d’éminents panélistes venant des trois pays ayant une zone commune appelée le Liptako Gourma (Zone des trois frontieres). Chacun d’eux disposant de connaissances profondes sur la crise qui sévit dans la zone. Les participants de diverses fonctions professionnelles et diverses nationalités ont aussi pris part à ce forum. Serge Daniel, modérateur a, tour à tour, donné la parole à Mr Ablassé OUEDRAOGO, candidat aux élections présidentielles burkinabais en 2015. Il cumule plus de 38 ans d’expérience dans le domaine de la diplomatie, la gestion et la résolution des conflits. Dr Badié Hima directeur résident senior de NDI (National Democratic Institute) au Mali et fondateur de l’association Nigérienne pour la défense des droits de l’homme (ANDDH) . Seydou Mamadou Coulibaly, ingénieur en génie civil et hydraulique et président de CIRA HOLDING SAS.
DE LA NÉCESSITÉ DE COMPRENDRE LES ORIGINES DU MAL
Le liptako gourma communément appelé zone des trois frontières (Mali, Niger et Burkina Faso) est une zone vaste d’environ 370 000 km2 . De par sa situation géographique et climatique (zones particulièrement enclavées et des plus déshéritées des trois pays), elle est confrontée à une instabilité qui constitue le foyer d’une insécurité grandissante que les trois pays, en coalition avec leurs partenaires étrangers, ont du mal à circonscrire et ce depuis des années. Selon les panelistes, cette insécurité grandissante n’est autre que le résultat d’une « mauvaise gouvernance sécuritaire » couplée à un manque de développement prépondérant. Dans l’ensemble, les panelistes fustigent la faillite des états qui n’est dû qu’a un manque de résultat des dirigeants actuels. Selon Mr Ablassé Ouédraogo, « une alternance politique est, nécessaire car ceux qui sont aux affaires n’ont pas de résultats. Les africains subissent la démocratie car il faut le dire, nos dirigeants paient les électeurs pour aller voter. Et ce qui ne votent pas subissent au final le choix des autres ». Selon Mr Badié Hima, les conflits intercommunautaires jouent un rôle prépondérant dans la crise sécuritaire du liptako Gourma. Les acteurs de l’extrémisme violent utilisent la pauvreté des populations pour assouvir leurs désirs. Seydou Mamadou Coulibaly pense que toute cette crise découle de la mauvaise gouvernance sécuritaire de nos dirigeants. Mauvaise gouvernance qui en fait n’est que manque de volonté car nos pays disposent largement de moyens adéquats pour pallier aux besoins de développement et sécuritaires qui engendrent les conflits dans cette zone.
LES VOIES ET MOYENS POUR UNE PAIX DURABLE
Au vu de la situation qui prévaut, et après avoir exposé les diverses raisons et problématiques liées à l’insécurité dans le liptako Gourma, plusieurs pistes de solutions ont été exposées par les panelistes.
Selon Ablassé Ouédraogo, l’une des solution découle de la collaboration stratégique entre les trois pays (Mali, Burkina Faso, Niger) : « La situation du Liptako Gourma nécessite qu’on travaille ensemble. L’Union européenne comme l’USAID seront prompt à agir, parce que obligatoirement les résultats seront au bout du compte. Si on regarde au Niveau politique, comme nous n’avons pas beaucoup de ressources, on peut se servir des expériences des uns et des autres dans les trois pays et faire des économies. Si les trois pays se mettaient d’accord et avaient un programme politique bien connu, on peut mutualiser nos moyens et faire des résultats sans que chaque pays n’ait à payer autant. Donc s’il est question de développement là c’est beaucoup plus facile à faire. On a parlé d’agriculture, on a parlé d’élevage, si on se met ensemble et on a des zones d’exploitations communes, on devrait pouvoir faire rapidement des résultats.
Tout ça pour dire que c’est possible mais à condition que les populations y participent. La population est importante. Que ce soit pour renforcer les capacités en matière de sécurité que ce soit pour réaliser des plans de développement ou même pour faciliter les échanges. Concrètement, si depuis 1970 le Mali, Niger et Burkina, avaient travaillé ensemble pour que cette zone puisse être utile aux trois pays, on n’en serait pas là aujourd’hui. Et j’ai vu avec regret qu’en créant le G5 Sahel, on aurait pu prendre pour base le développement intégré du liptako gourma, auquel la Mauritanie et le Tchad viennent s’ajouter. Parceque les problèmes auxquels font face le G5 sahel aujourd’hui, ce sont les mêmes problèmes qui sont au liptako gourma. Et la base du G5 Sahel, c’est le liptako gourma. Quand on parle de l’arrivée des troupes des soldats tchadiens dans la zone des trois frontières, c’est de l’argent qu’on verse au Tchad et le Tchad va venir faire la guerre. Si on avait reversé cet argent aux trois pays pour faire du développement vous ne pensez pas qu’on aurait pu résoudre un tant soit peu la crise dans laquelle nous sommes confrontés ? »
La bonne gouvernance veut dire aussi l’inclusion des femmes, car dans l’ensemble de ces 3 pays les femmes ne sont pas au rendez-vous dans la signature des accords de paix, ni dans les programmes de résilience et de réconciliation et je pense qu’on ne peut pas faire la paix sans la frange la plus importante de la population. Et quand je parle de femme je parle de genre en général et tous les groupes, marginalisés, discriminés par une longue période de mal gouvernance ou les services sociaux de base n’ont pas pu être mis à la disposition de ces populations.
Pour Mr Badié Hima, le salut du Liptako Gourma se trouve dans le développement de cette zone et dans la révision des méthodes utilisées par les différents partenaires militaires sur le terrain pour combattre le terrorisme et l’inclusion des populations : « Je pense que le diagnostic édicte la direction. Si au début se trouve la faiblesse des institutions démocratiques ou de la gouvernance démocratique, à l’arrivée aussi biensur il faudra rétablir les bonnes valeurs et les pratiques de gouvernance.
2eme chose, l’approche doit être holistique, les populations ont surtout besoin de la présence des forces de défense et de sécurité. Parce qu’on constate qu’ils ne peuvent pas aller au champ, au-delà du périmètre du village, ils ne peuvent pas produire pendant la saison des pluies. Donc ils ont besoin des forces de sécurité, pour faire les productions agricoles qui leur permettent la survie pendant les 12 mois de l’année. Mais cela ne suffit pas, en plus de la proximité des forces de sécurité, parceque ce n’est pas une guerre conventionnelle, il faut ajouter à l’approche sécuritaire deux autres ingrédients : les actions de développement, pour rapprocher et pour apporter aux populations ce qui leur a manqué depuis très longtemps et qui fait que des citoyens issus de ces communautés la sont enrôlés dans ces groupes armés. Il faut des services sociaux de base, accès à l’eau, accès à la sécurité, accès à l’école car ce sont des milliers d’écoles qui sont fermées.
L’autre aspect c’est la démocratie participative, et encore une fois on ne peut pas faire le bonheur de quelqu’un sans lui. On ne peut pas faire le bonheur des populations en décidant et pilotant par le haut et en n’allant pas vers elles pour prendre leurs préoccupations et besoins. 3eme chose, il y a le besoin d’une meilleure coordination entre les partenaires. Le constat a été fait du manque et du déficit de coordination entre les interventions. Il n’y a pas moins de 13 stratégies sahel pour le même environnement, la même cible, ce n’est pas normal. »
Seydou Mamadou Coulibaly quant a lui invite à un dialogue entre l’état et les groupes armés ainsi que les terroristes, afin de mettre fin à ce fléau : « Pour revenir au cas du Mali, le grand défi sécuritaire et de stabilité du Mali est en partie lié à la situation qui prévaut en Libye. Si la situation de la guerre civile en Libye est maitrisée ça va avoir un impact positif sur la situation au Mali, Parceque ceci explique cela.
Il faut se rendre à l’évidence que la gouvernance sécuritaire dans la base sahélo-sahélienne commande des actions fortes et immédiates, c’est-à-dire diplomatiques, politiques et sous la coordination des mêmes organisations c’est-à-dire la CEDEAO , le G5 Sahel et notamment l’implication de nos partenaires qui sont l’Algérie , la France, les Etats-Unis , l’Union Européenne. C’est pourquoi je profite de cette tribune pour lancer solennellement un appel aux amis et partenaires à favoriser davantage et à favoriser toujours et encore le dialogue entre l’état Malien et les groupes armés signataires de l’accord d’Alger. C’est la condition sine qua none pour lutter efficacement contre le terrorisme. Si nous voulons engager une lutte efficace contre le terrorisme, il faut que nous puissions régler les autres conflits auxquels le Mali est exposé. Parceque aujourd’hui le Mali est sur trois théâtres d’opérations. Il y a un conflit séparatiste, intercommunautaire et djihadiste. Donc si nous voulons lutter efficacement contre le conflit djihadiste il faut que nous puissions au moins avancer dans le processus de l’accord de paix, pour qu’à l’issu de ce processus on puisse s’engager véritablement dans une lutte acharnée contre le terrorisme. Et je pense que le succès de la lutte contre le terrorisme, passe nécessairement par la résolution de ce conflit séparatiste, au travers de l’application de l’accord d’Alger. Parceque le Mali ne peut pas opérer efficacement sur trois théâtres d’opérations. Mais, le problème du Mali est celui du Burkina et du Niger. Par voies de conséquences, les solutions et les résolutions seront nécessairement reparties Entre ces trois Pays. Il n’y a pas de développement sans sécurité ».
Rassemblé par Awa Chouaïdou TRAORE
Source: nouvelhorizonmali