Lors de sa visite officielle au pays des Fennecs, Emmanuel Macron, grand amateur de ballon rond, a relancé l’idée d’une rencontre amicale entre les deux pays. Il a promis d’évoquer prochainement le sujet avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune.
Il fallait s’y attendre. Régulièrement, l’hypothèse d’organiser un match amical France-Algérie ou Algérie-France s’invite dans l’actualité, puisque la première – et unique – confrontation entre les deux sélections, le 6 octobre 2001, n’était pas allée à son terme. Ce soir-là, alors que les Bleus menaient largement au score (4-1), la pelouse d’un Stade de France affichant complet (80 000 spectateurs) avait été envahie par plusieurs centaines de personnes à la 76e minute, sous les yeux de millions de téléspectateurs. Une fin de match prématurée, alors que la Marseillaise avait été copieusement sifflée et que les joueurs français, à l’échauffement puis lors du match, se faisaient conspuer à chaque fois qu’ils touchaient le ballon. « On a joué un match à l’extérieur », avait d’ailleurs ironisé Thierry Henry, l’attaquant des champions du monde de 1998.
Dans un passé récent, et plus précisément en juin 2021, Noël Le Graët, le président de la Fédération française de Football (FFF), avait exprimé, lors d’un entretien accordé à nos confrères de So Foot, le souhait de voir les Bleus et les Fennecs remettre le couvert, mais de préférence en Algérie. « J’ai toujours envie de faire ce match, mais c’est la politique qui me l’empêche. Ce n’est pas la France, c’est l’Algérie… Car moi, je souhaite aller là-bas. Jouer le match en France, on peut le faire. Les Algériens viendraient. C’est le seul pays au monde qu’on ne peut pas rencontrer. Je ferai tout ce que je peux pour aller en Algérie. » Le dirigeant sait bien que rien ne sera possible sans que les deux États s’entendent sur la faisabilité des retrouvailles entre les champions du monde en titre et les champions d’Afrique 2019.
Yazid Ouahib : « Cela aurait du sens »
La logique voudrait, en effet, que le match retour se joue en Algérie, comme il est de coutume lors des matchs amicaux. Emmanuel Macron, interrogé par des journalistes alors qu’il visitait le cimetière européen de Saint-Eugène à Alger, a répondu que « ce serait une bonne chose pour conjurer le passé », en promettant d’en toucher un mot à Abdelmadjid Tebboune. « On va en parler avec ses équipes, ce n’est pas à moi de me prononcer. Et cela dépendra aussi du hasard des compétitions à venir. Je pense que le sport doit réconcilier. » Le chef de l’État français, dont on connaît la passion pour le football – il est supporter de l’Olympique de Marseille –, ne s’est évidemment pas hasardé à envisager une date, ni surtout une ville où aurait lieu ce match amical tant fantasmé.
CE MATCH DÉBORDE LARGEMENT DU CADRE SPORTIF, MÊME S’IL SERAIT CERTAINEMENT UN VECTEUR D’APAISEMENT
Car du côté algérien, l’envie de se frotter à Karim Benzema, Kylian Mbappé ou Antoine Griezmann est également forte. « Je ne vais pas parler au nom de tous les gens qui aiment le football ici, mais affronter la meilleure équipe du monde serait sportivement une très bonne chose. Et il doit y avoir pas mal de monde qui pense comme moi. Mais vous savez très bien que ce match déborde largement du cadre sportif, même si cela serait certainement un vecteur d’apaisement dans les relations entre les deux pays », intervient Yazid Ouahib, chef du service des sports du quotidien El Watan. L’organisation de ce match en France pourrait, selon le journaliste algérien, crisper une partie de l’opinion publique française. « Et notamment du côté de l’extrême droite », suppose-t-il. La dernière apparition de la sélection algérienne sur le sol français, le 15 octobre 2019 à Lille, à l’occasion d’un match amical remporté face à la Colombie (3-0), s’était déroulée sans incidents.
Mais un Algérie-Colombie n’a évidemment rien de commun avec un France-Algérie. « Il y a le souvenir de 2001, les débordements fréquents dans des villes françaises quand l’Algérie gagne des matchs de Coupe du monde, comme en 2014, ou de phase finale de la CAN. Cela a évidemment marqué les esprits en France », rappelle un agent organisateur de matchs. Et puis, la gestion désastreuse par les autorités françaises de la sécurité autour de la dernière finale de la Ligue des champions entre le Real Madrid et Liverpool (1-0), le 28 mai 2022 au Stade de France, à Saint-Denis, a laissé des traces. « La France peut bien sûr organiser un France-Algérie. Mais après 2001 et le Stade de France en mai dernier, cela n’irait pas sans polémiques. Et comme source d’apaisement, comme l’a dit le président Macron, il y a mieux », poursuit cet agent.
Un calendrier serré en 2022
Selon Yazid Ouahib, l’Algérie, qui dispose, avec le Stade olympique d’Oran (40 100 places), d’un écrin flambant neuf et moderne, en attendant la prochaine livraison de celui de Baraki, près d’Alger, est en capacité d’accueillir la rencontre. « Lors des Jeux méditerranéens à Oran (du 25 juin au 5 juillet), le match Algérie-France (2-3, le 30 juin) entre les sélections des moins de 18 ans s’est tenu dans l’autre stade d’Oran, et tout s’est bien passé, hormis des sifflets quand la Marseillaise a été jouée. Je suis persuadé qu’au niveau sécurité, ici en Algérie, tout se passerait bien, même si le risque zéro n’existe pas. Ce serait plus facile d’organiser ce match en Algérie. »
AUCUN MATCH AMICAL N’EST À CE JOUR AU PROGRAMME DES BLEUS AVANT LA COUPE DU MONDE
En attendant les discussions entre les équipes des deux chefs d’État, certains amateurs de football, des deux côtés de la Méditerranée, se sont déjà mis à spéculer sur différentes dates envisageables pour sceller les retrouvailles entre les deux équipes. « Pour cette année, cela semble quasiment impossible : la France va jouer deux matchs de Ligue des nations en septembre, et il n’y a pas de matchs internationaux en octobre. En novembre ? Comme la France va affronter la Tunisie (le 30 novembre) en phase finale de la Coupe du monde au Qatar (du 20 novembre au 18 décembre), on pourrait imaginer que les Bleus rencontrent l’Algérie pour se préparer à jouer contre une sélection maghrébine. Mais novembre, c’est demain », poursuit cet agent.
Contactée, la Fédération française de football, qui n’a pas réagi à la déclaration d’Emmanuel Macron, a rappelé qu’« aucun match amical n’est à ce jour au programme des Bleus avant la Coupe du monde, en raison d’un calendrier serré, de nombreux championnats où évoluent les internationaux français s’achevant le dimanche 13 novembre. » Il reste visiblement de nombreux détails à régler avant que Karim Benzema ne croise Riyad Mahrez…