Nous avons longtemps hésité avant de nous prononcer sur le comportement de nos basketteurs à Kigali, au Rwanda. Même sur les réseaux sociaux, nous avons préféré partager les différentes réactions que de se prononcer. Et cela d’autant plus que, aujourd’hui, ils sont nombreux ceux qui pensent que leurs avis sont des paroles d’évangile. Et ils ne tolèrent pas qu’on dise le contraire de ce qu’ils pensent. Sinon on est taxé de «partisans», de «corrompus».
Et pourtant, en lisant les réactions, on se rend compte qu’ils sont nombreux à prendre position dans un débat qu’ils ne maîtrisent pas. Une prise de position sous le poids de l’émotion parce que le «Malien est allergique à l’injustice». Et pourtant, l’Etat doit encore des centaines de millions aux membres des encadrements techniques de nombreuses sélections nationales, notamment du basket, du football et bien d’autres disciplines. Cela ne heurte que peu de gens.
Et il s’agit pourtant de salaires, donc de principales sources de revenus, et non de primes destinées juste à motiver. Dans ce genre de situation, il faut éviter de tomber dans la confusion ou dans l’amalgame qui ne peuvent qu’obstruer le débat. Sinon rares sont les pays (Etats-Unis, Australie, Nouvelle Zélande, Slovénie…) ou le football ne bénéficie pas d’un traitement de faveur par rapport aux autres disciplines sportives. Et même au niveau de ce sport-roi, les femmes et les hommes ne sont pas traités à la même enseigne.
Sans doute que le basket est la discipline qui a offert au Mali le plus de consécrations continentales, notamment les sélections nationales féminines dans toutes les catégories. Mais, sincèrement combien de Maliens vont choisir d’aller à une rencontre de basket alors qu’au même moment les Aigles ou les Aiglons footballeurs jouent ? Le sport est l’opium du peuple. Mais, le foot est celui auquel la majorité de la population est accro dans de nombreux Etats.
L’image du pays est au-dessus de tous les privilèges
Mais, cela ne doit pas être un prétexte pour négliger tous les autres sportifs qui mouillent le maillot pour la patrie ou de les priver de leurs droits. Autrement, le débat ne se situe pas au niveau de la légitimité ou de la justesse du combat des basketteurs radiés. Les primes sont des droits à partir du moment où elles sont consignées dans des textes (arrêté interministériel).
Cette légitimité justifiait-elle qu’on écorne l’image du pays au moment où le peuple faisait preuve de résilience face aux épreuves imposées parce que nous sommes déterminés à réaffirmer notre souveraineté ? Le Mali n’avait pas besoin de cette mauvaise publicité. Si les basketteurs ont raison de revendiquer leurs primes, ils ont tort d’avoir accepté de faire le déplacement pour ensuite refuser de défendre les couleurs nationales.
Cela est une tâche noire sur la page du Mali dans les annales du sport, notamment du basket-ball. S’ils avaient refusé de répondre à la convocation ou de faire le déplacement sans que leurs arriérés ne soient soldés, on n’en serait pas arrivé à cette humiliation. Et on aurait été plus à l’aise pour les défendre.
Comme nous avons défendu les joueuses qui ont boudé la sélection nationale féminine pour la 25e édition de l’Afrobasket féminin «Cameroun 2021» (18 au 26 septembre 2021). Un boycott qui n’avait pas empêché le Mali de disputer la finale perdue contre le Nigeria qu’il va finalement remplacer à la coupe du monde. Nous avons défendu personnellement ces joueuses et la capitaine Meiya Tirera peut en témoigner.
Rien ne les obligeait à répondre à la convocation à plus forte raison faire le déplacement de Kigali s’ils n’avaient pas confiance à leurs responsables fédéraux. L’idéal aurait été, puisqu’ils sont allés jusqu’à Kigali, de mouiller le maillot (prouver leur valeur) et prendre la nation à témoin.
Comme l’a dit l’icône nationale du basket féminin, Mme Hamchétou Maïga Bâ (capitaine des championnes d’Afrique de 2007 à Dakar, au Sénégal), «ce qui se passe aujourd’hui avec le basket-ball malien fait mal». Et d’ajouter, «depuis le temps de nos parents le monde du basket souffre. Que cela soit en termes d’équipement, d’organisation des compétitions ou des voyages la liste est longue…». N’empêche que la vaillante capitaine, «compare toujours représenter la patrie au sacrifice qu’un militaire fait en décidant de présenter le Mali. Il/elle est prêt à donner sa vie pour la sauvegarde de la patrie. De ce fait pour moi, il n’y avait jamais d’assez de raisons valables pour refuser de porter le maillot pour représenter la patrie après avoir pris l’engagement de le faire».
Et nous sommes d’accord avec Hamchétou que ce qui s’est passé à Kigali est «inadmissible et aurait pu être évité», si les différents protagonistes s’étaient parlés et s’étaient écoutés en privilégiant l’image du pays. Les Sanctions ? Elles sont bien sûr lourdes, mais légitimes compte tenu de la portée de l’offense faite aux couleurs nationales. Le soldat qui trahit son pays en prenant la fuite sur le champ de bataille sait qu’il va passer devant la cour maritale et risque le peloton d’exécution. La fédération a utilisé l’arme dont elle dispose dans pareille circonstance.
N’empêche que ces jeunes sont aussi des nôtres. Ils ont déjà consenti des sacrifices pour le pays. Et il faut reconnaître aujourd’hui que porter le maillot national est un privilège, mais aussi une lourde responsabilité que ces jeunes ont eu à assumer sans forcément en avoir les moyens. Ils ont commis un péché de jeunesse en engageant un bras de fer avec la patrie.
Et chacun de nous, quel que soit le domaine professionnel, a eu cette tentation un moment ou l’autre. Et ils ne sont sans doute pas nombreux ceux qui y ont résisté. Il faut donc calmer le jeu, s’asseoir, se parler, s’écouter. Cela permettra à chacune des parties de reconnaître son tort, de restaurer la confiance et de repartir sur une nouvelle base. Dans une lutte de revendication, personne ne gagne dans un bras de fer. Seul le dialogue permet de hisser toutes les parties sur la même longueur d’ondes.
Alphaly
POUR JUGULER LE DÉFICIT DU FINANCEMENT DU SPORT
L’urgence d’expérimenter un Fonds national pour le développement du sport pour sortir des sentiers battus
Le comportement inacceptable des jeunes basketteurs à Kigali et leur radiation ont suscité un débat souvent houleux entre ceux qui les soutiennent et ceux qui exigent une mesure disciplinaire à la hauteur de l’offense faite aux couleurs nationales. Et comme c’est le cas ces derniers temps, beaucoup en ont profité pour tenter de régler leurs comptes personnels.
Dans l’affaire de la radiation des basketteurs ayant refusé de défendre la patrie au Rwanda, il est déplorable que beaucoup aient joué à l’acharnement sur la Fédération malienne de basket-ball et le Département de tutelle (Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne) parce qu’ils ne savent pas en réalité comment les primes sont gérées.
Il est par exemple utile de savoir que le budget du ministère de la Jeunesse et des Sports ne couvre que le fonctionnement du département (cabinet, services centraux et rattachés…). Les budgets des différentes compétitions auxquelles le Mali participe n’y sont pas directement logés. En amont de chaque compétition, la fédération concernée ou le Comité national olympique et sportif du Mali (CNOSM, pour la participation aux Jeux olympiques par exemple) élabore un budget qui est soumis à la Direction nationale des sports et de l’éducation physique (DNSEP) puis à la validation du cabinet.
Une fois validé, il est transmis au ministère de l’Economie et des Finances qui exige généralement une «moralisation». Une exigence qui tient rarement compte des nombreuses exigences de la haute compétition sans cesse rappelées par leurs collègues du ministère de la Jeunesse et des Sports. Mais, nous savons tous que le dernier mot revient aux experts des finances dont certains sont encore convaincus que les fonds injectés dans le sport équivalent à de l’argent jeté par la fenêtre.
Au finish, la compétition est gérée en fonction du budget adopté. Il n’est pas rare qu’une participation soit annulée faute d’argent ou que les fédérations se débrouillent pour faire participer leurs athlètes puisque le processus de décaissement peut souvent prendre un temps fou. C’est pourquoi il faut d’ailleurs s’y prendre à temps pour éviter des surprises désagréables. Le montant des primes est fixé par un arrêté interministériel (ministre de la Jeunesse et des Sports/ministère de l’Economie et des Finances). En fonction des compétitions, ils sont budgétisés avec le budget global de la participation.
Le MJS n’est qu’un parfait bouc émissaire
On indexe donc généralement à tort le ministère de la Jeunesse et des Sports alors que sa marge de manœuvre est généralement très réduite par rapport à ces questions financières que sont budget ne peut pas supporter. Là où il est difficile de lui accorder des circonstances atténuantes, c’est au niveau des salaires des différents encadrements techniques qui sont payés par le Trésor public comme ceux de la Fonction publique. La réalité est que les choses traînent souvent trop (par négligence ou à cause de la lenteur administrative ?) au point que certains sont limogés sans avoir perçu une grande partie de leurs salaires.
Selon nos informations, l’Etat a récemment fait des efforts en épongeant (en deux tranches entre novembre et décembre 2021) des arriérés de salaires des techniciens du football et du basket à hauteur de près d’un milliard de francs Cfa. Les Finances ont également annoncé 400 millions pour cette année. Et selon les mêmes sources, des arriérés de primes ont été épongés de 2016 à nos jours. «Les entraîneurs expatriés du basket n’ont plus d’arriérés», a précisé l’une de nos sources.
Mais, force est de reconnaître qu’on ne peut pas nourrir l’ambition de pouvoir figurer un jour dans le gratin du sport africain et continuer de naviguer à vue. Il faut une solution pérenne à ces problèmes d’arriérés de primes et de salaires des sportifs et de leurs encadrements techniques. Un moment, il avait été suggéré de procéder à un arbitrage par un comité restreint indépendant (ministère des Sports, ministère des Finances, CNOSM, fédérations nationales sportives, presse sportive).
Les compétitions étant programmées en avance, il s’agit de voir celles d’une année budgétaire. En fonction des capacités financières du pays, il faut procéder à un arbitrage en éliminant les compétitions dans lesquelles on a peu de chance de briller et ne retenir que celles qui peuvent apporter au pays un certain prestige. Cela peut d’ailleurs être une motivation, un challenge pour les «petites fédérations» qui vont rivaliser pour ne plus se contenter de faire acte de présence aux différentes compétitions. La procédure est discriminatoire, mais elle a au moins le mérite de mettre le pays à l’abri des humiliations comme celle vécue récemment au Rwanda.
S’inspirer des expériences positives d’ailleurs
Toutefois, la solution idoine serait la création d’un Fonds nations pour le développement du sport (alimenté par le budget à partir notamment des impositions sur certains produits comme les tabac, alcool, chicha, engins à deux roues…), entre autres, qui sera suffisamment doté et procédera à l’arbitrage annuel selon les intérêts sportifs du pays. Il s’agit dans la plupart des cas d’un compte d’affectation spécial dont les atouts seront la célérité et la transparence de sa gestion. Il aura pour mission de procéder à un état des lieux des pratiques sportives et des équipements dans la perspective d’un financement pluriannuel ; re-budgétiser les actions qui incombent directement à l’Etat ; simplifier les structures du mouvement sportif et rendre les contrôles plus efficaces.
Au Bénin par exemple, le Fonds national pour le développement des activités de Jeunesse, de Sport et de Loisirs (FNDAJSL, créé par le décret N°2013-328 du 26 août 2013) est un établissement public à caractère social et culturel, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il est placé sous la tutelle du ministère en charge des Sports. Pour son fonctionnement, le FNDAJSL bénéficie de l’affectation de la subvention de l’Etat au bénéfice du soutien au développement de la pratique sportive.
Les crédits sont destinés aux associations sportives agréées par le ministère des Sports, les fédérations sportives, les collectivités locales et les associations de jeunesse et loisirs ; aux jeunes porteurs de projets, des promoteurs sportifs et des athlètes de haut niveau ainsi qu’à tout groupement d’intérêt public en charge de la jeunesse, des sports et loisirs. On peut s’en inspirer en tenant compte de nos spécificités.
Alphaly
HAMECHETOU MAÏGA : Ce qui se passe aujourd’hui avec le basket-ball malien fait mal
Depuis belle lurette, depuis le temps de nos parents, le monde du basket souffre. Que cela soit en termes d’équipements, d’organisation des compétitions ou des voyages… La liste est longue ! Il y a peut être eu des améliorations, mais il reste beaucoup à faire.
L’ancienne génération sera super contente de recevoir ce que l’actuelle reçoit aujourd’hui. Mais, malheureusement, les temps ont beaucoup changés ainsi que les mentalités et les capacités d’analyse ou d’acceptation de certaines choses. Je ne dirais pas beaucoup sur ce problème car je ne maîtrise pas tous les détails actuels…
Pour moi je compare toujours représenter la patrie au sacrifice qu’un militaire d’une part fait en décidant de présenter le Mali, il/elle est prêt à donner sa vie pour la sauvegarde de la patrie. De ce fait pour moi, il n’y avait jamais d’assez de raisons valables pour refuser de porter ou de représenter la patrie après avoir pris l’engagement de le faire.
L’un de nos problèmes est que l’on se parle mais malheureusement ON NE S’ÉCOUTE PAS ! Sinon, ce qui s’est passé à Kigali est inadmissible et aurait pu être évité. Autant les jeunes n’auraient pas du refuser de représenter le Mali (que je ne supporte point mais leur grande frustration peut en être les raisons), sachant l’échéance et qu’eux mêmes seraient les premiers perdants pour leur non qualification, autant je trouve que la FMBB aurait du réagir autrement.
Suspendre ces jeunes à vie, est excessif surtout des jeunes qui ont pendant des années malgré toutes les difficultés dignement représenter le Mali. Cela me désole et me fait très mal de nous voir nous faire du mal entre nous. Le Mali même à trop souffert ces temps-ci. Ainsi, j’espère que nous allons prendre le temps de s’écouter et de travailler ensemble pour notre bonheur et celui de notre belle patrie.
Je tiens à lancer un cri de coeur au ministre des Sports, à la FMBB (Fédération malienne de basket-ball) pour revoir leur décision et permettre un échange qui met encore en avant le sport Malien dans son épanouissement tout en travaillant sur un accord de mise en droit de ces vaillants représentants du pays.
Encore une fois ÉCOUTONS NOUS pour trouver des solutions adéquates à ces problèmes qui sont toujours des obstacles à notre basket-ball malien.
Source : Le Matin