Enfin, le Dialogue National Inclusif tant attendu est arrivé ! Depuis le lundi dernier, 14 décembre 2019, le Mali a pris date avec l’histoire, avec le lancement des travaux de cette grand-messe nationale au palais de la Culture spécialement aménagé pour pouvoir bien accueillir près de 3000 délégués, venus de tous les coins du Mali. Il y a aussi, parmi eux, les représentants de la diaspora.
Pendant que les débats vont bon train, la population attend impatiemment ce qu’il sortira réellement de ce Dialogue, porteur de tant d’espoirs de réunification des cœurs et des esprits des enfants du Mali afin d’envisager l’avenir avec plus de sérénité.
Mais faudrait-il que, pour bien dialoguer, tout le monde soit prêt, notamment en termes d’état d’esprit et de tolérance des idées et positions de l’autre, pour espérer trouver ainsi le point d’équilibre nécessaire à la convergence des idées.
C’est là où subsistent des doutes car s’il y a un semblant de forte mobilisation pour aller au Dialogue National Inclusif, les motivations divergent cependant. D’un côté, il y a ceux qui se retrouvent bien à l’aise dans les termes de référence et donc prêts à les discuter comme tels, par conséquent disposés à accepter les conclusions que l’on souhaite applicables par le Gouvernement. De l’autre, il y a ceux qui pensent pouvoir transformer cette tribune du Dialogue National Inclusif en une sorte de conférence nationale souveraine, dans laquelle aucun sujet, présenté comme une préoccupation nationale, ne devrait être tabou.
C’est dans cette mouvance que les partis dits de la Majorité présidentielle et leurs satellites d’associations tapis dans la nébuleuse société civile, ont tenu à harmoniser leurs points de vue, avant l’entame des débats. On n’est jamais trop prudent et c’est la meilleure façon de canaliser les interventions et propositions pour parvenir aux résultats ciblés par le pouvoir en place qu’ils soutiennent.
Pendant ce temps, d’autres groupes ont tenu, eux aussi, à harmoniser leurs positions à défendre lors de ce Dialogue National Inclusif. Ainsi en est-il d’une dizaine de partis politiques dont on apprend que la trame de leurs interventions tournera autour de trois points essentiels : non à une éventuelle révision constitutionnelle puisque la situation nationale ne s’y prête pas ; oui à une relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et enfin oui pour la mise en place d’un Gouvernement d’Union Nationale avec notamment le départ de Dr Boubou Cissé de la Primature. Un départ loin d’être dans la logique du président IBK qui accepterait, selon des sources dignes de foi, de faire entrer dans le prochain gouvernement de nouvelles personnalités, fussent-elles de l’opposition, mais cela passerait par la reconduction de Dr Boubou Cissé comme chef du Gouvernement.
A côté de ce regroupement de partis politiques, il existe des associations et mouvements, sortis de partout et de nulle part, qui rêvent de pouvoir transformer ce Dialogue National Inclusif en une conférence nationale souveraine où toute question soulevée serait débattue, sans se limiter à ce qui leur est présenté et validé en tant que termes de référence. Une tribune qui servirait donc de tribunal pour y juger la gestion du régime en place et lui imposer certaines mesures à prendre.
Comme on le voit, il y a un jeu de dupes sous-jacent dans ce Dialogue National Inclusif où le pouvoir a certainement ses objectifs qu’il faut faire avaliser pour lui donner un caractère de consensus national afin de pouvoir procéder à l’application des conclusions y afférentes. C’est d’ailleurs le cas pour le projet de révision constitutionnelle, lequel, une fois validé par le Dialogue National Inclusif, réduirait considérablement les velléités de s’y opposer. En plus, cette révision constitutionnelle est un passage obligé pour avancer dans l’application des mesures préconisées par l’Accord issu du processus d’Alger dont la plupart de ces dispositions se trouvent actuellement en porte-à-faux avec la Constitution du Mali.
Un aspect déjà compris par une frange importante des participants qui a tenu à marquer sa présence à ces assises, pour justement s’opposer à ladite révision constitutionnelle et plus encore, insister sur la relecture de cet Accord pour la paix car, pour ces citoyens-là, le Dialogue perdrait tout son caractère inclusif sans un débat l’Accord issu du processus d’Alger.
Mais un débat qui, une fois ouvert, risque de provoquer la colère des représentants de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (Cma) certainement prêts à quitter le Dialogue National Inclusif. D’ailleurs, un secret de polichinelle : la Cma a conditionné sa participation à cette grand-messe nationale à l’assurance donnée par le pouvoir que l’Accord, auquel les ex-rebelles s’accrochent comme à la prunelle de leurs yeux, ne serait pas remis en cause.
C’est donc un jeu de dupes sous-jacent qui accompagne le Dialogue National Inclusif, chacun pensant pouvoir manœuvrer l’autre afin de parvenir au triomphe de ses principes et positions. Mais finalement, qui l’emportera ? Là, gît la grande question !
Amadou BAMBA NIANG
Source: Journal Aujourd’hui Mali