Cette décision intervient deux semaines après la déclaration du Conseil de Sécurité de l’ONU demandant aux autorités de la transition de déterminer le chronogramme électoral. Mais aussi, au moment où les potentiels candidats et leurs alliés investissent petit-à-petit le terrain. Même si l’on sait que la publication de ce chronogramme écarte tout soupçon de prolongation de transition, il faudrait tout de même que les autorités obtiennent l’adhésion et l’accompagnement des partis politiques et de toutes les autres parties prenantes, surtout les signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger.
Certes, la fixation du chronogramme témoigne de la bonne volonté des autorités à respecter le délai de la transition, mais il ne suffit pas de programmer pour programmer. Il faut travailler à garantir des scrutins crédibles, fiables et inclusifs. Pour cela, il faut rassurer le peuple et impliquer tous les acteurs concernés par ces différents processus. Aussi, les autorités doivent s’atteler à faire en sorte que ces scrutins se tiennent dans la majeure partie du pays. Pour ce faire, la question sécuritaire doit être gérée de manière collective à tous les niveaux.
L’on se rappelle qu’en 2018, l’élection présidentielle a été perturbée dans plusieurs localités du centre et du nord du pays à cause de l’insécurité. « Dans diverses régions, et en particulier à Mopti, de nombreux bureaux de vote n’ont pas ouvert en raison de l’insécurité et de l’inaccessibilité pour les deux tours. Le nombre des bureaux de vote concernés est passé de 871 à 493 ce qui représente une amélioration de 43,40 %. Cependant, en analysant la liste des résultats bureau de vote par bureau de vote, il est à noter qu’il n’existe pas de données pour 613 bureaux de vote pour le deuxième tour », peut-on lire dans le rapport final de la mission d’observation électorale de l’Union européenne sur les deux tours de l’élection présidentielle.
Le plus grand défi à relever par les autorités de la transition dans la tenue de ces élections est celui de l’insécurité : comment arriver à tenir lesdits scrutins dans plus de localités que l’année 2018 ? Cela n’est nullement impossible, mais au regard de la situation actuelle du pays, tout porte à croire que c’est la sécurité qui demeure aujourd’hui le maillon faible. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’est pas encore trop tard pour mieux faire, si seulement tous les acteurs de la paix acceptent de jouer franc-jeu sur le terrain.
Des leaders politiques s’expriment
Après la publication dudit chronogramme, des leaders politiques se sont exprimés aux micros de nos confrères de l’ORTM. Ainsi, Me Mountaga Tall, président du Congrès national d’initiative démocratique (Cnid -Faso yiriwa ton) pense qu’il s’agit d’une fausse fixation. «Personne ne peut imaginer officiellement et publiquement qu’on puisse annoncer un calendrier qui aille au-delà du délais fixé pour la transition », avant d’ajouter : « Au-delà des effets d’annonce, est-ce que ce qui a été fait aujourd’hui sur le terrain permet de respecter les dates annoncées ? »
Quant au Pr. Tiémoko Sangaré, président du Parti africain pour la solidarité et la justice (Adéma-PASJ), il estime qu’il faut s’assurer de la faisabilité du chronogramme sur le terrain, c’est-à-dire le vote pour les citoyens. « Ce qui est clair, c’est que le chronogramme est là. Que tout le monde s’engage. Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts, nous sommes disposés pour permettre à ce que ce chronogramme soit respecté. »
Des inquiétudes !
Le 1er vice-président du parti Union pour la République et la Démocratie (URD), le Pr. Salikou Sanogo, déplore la qualité des concertations qui ont abouti à la fixation de ce chronogramme. «Nous déplorons que les concertations ne se fassent pas dans la règle de l’art. Nous avons toujours déploré depuis la mise en place du gouvernement de transition un manque d’inclusivité et de concertations. Ces derniers temps, nous avons compris que cette situation allait s’améliorer, mais là, nous constatons que les partis politiques n’ont pas été encore concertés pour le choix de ce chronogramme », a-t-il souligné.
Boubacar Touré, secrétaire politique du parti Rassemblement Pour le Mali (RPM), déclare : « Nous accueillons ce chronogramme avec joie, parce que c’est une indication que la transition sera bouclée dans les dix-huit mois comme consigné dans tous les documents. » Toutefois, il exprime ses inquiétudes quant à la tenue du référendum prévu pour le 31 octobre 2021. « De maintenant à octobre, il y a plusieurs étapes à faire. A quand ses consultations ? Quelles couches de la société toucheront-elles ? Comment la représentativité va-t-elle se faire ? », s’est-il s’interrogé. Une autre inquiétude, selon Boubacar Touré, concerne les nouvelles dispositions qui pourraient être consignées dans la nouvelle Constitution. « Si ces dispositions ont des incidences sur les élections, est-ce que la marge de manœuvre serait suffisante pour organiser ces élections ? », a-t-il ajouté.
En tout cas, la réussite de ces échéances électorales dépendra toujours de la place que les autorités de la transition vont donner à la classe politique et à la société civile. Donc, les vraies concertations inclusives demeurent la clé de réussite de la mise en œuvre effective et à bonne date de ce chronogramme électoral.
Ousmane BALLO
Source : Ziré