Dans les faits, cette mission d’interposition a vu ses plans contrariés depuis ses premiers jours. Fin 2013, l’état-major avait convaincu l’Elysée de « vendre » aux Français une opération « de quatre à six mois ». L’appréciation de la situation s’est révélée erronée. Attendue par les différentes parties, la présence militaire française a déclenché une violente surenchère entre les combattants de l’ex-Séléka chassés dupouvoir après l’avoir pris par la force, et les milices d’autodéfense anti-balaka. Le retour à un calme relatif a pris des mois, après une vague de massacres intercommunautaires.
Nombreux obstacles
Le ministère de la défense, qui évoquait d’emblée la perspective de réduire la force après quelques mois, a dû admettre deux semaines tout juste après le lancement de « Sangaris » qu’il révisait ses plans. Les effectifs, passés de 400 hommes à 1 600 en quelques jours, se maintiendront à ce niveau pendant plus de trois ans.
La doctrine française du « frapper et transférer » (en passant la sécurité du pays à l’ONU) a ensuite rencontré de nombreux obstacles. L’effectif de « Sangaris » avait commencé à être discrètement réduit dès la fin 2014, le retrait étant alors planifié pour 2015. Mais la mise en place de la mission de l’ONU et le déploiement de ses 12 000 hommes a pris plus de temps que prévu. Tandis que la mission européenne Eufor-RCA, elle, n’a jamais atteint l’effectif espéré au départ.
Parallèlement, le processus politique centrafricain a patiné. Et les jeux de l’ancienne puissance coloniale n’ont rien arrangé. Tandis que « Sangaris », en accord avec la ligne de la diplomatie française, sanctuarisait le gouvernement de transition de Catherine Samba-Panza, le ministère de la défense donnait des gages à l’ancien ministre Karim Meckassoua, au risque de placer les militaires en porte-à-faux.
Armée suremployée
Le contingent, enfin, a fait l’objet d’accusations d’agressions sexuelles contre des enfants. Le ministère de la défense estime aujourd’hui qu’elles peuvent être relativisées – dans les trois enquêtes pénales ouvertes à Paris, aucune mise en examen n’a été prononcée à ce jour. Mais une tache demeure.
Depuis 2014, le président français, François Hollande, a lancé deux nouvelles opérations lourdes, « Barkhane » au Sahel et « Chammal » en Irak et en Syrie. Le ministère, en fermant « Sangaris », avait en tête un nouvel impératif : dégager des marges de manœuvre pour tous les fronts, ouverts ou à ouvrir. De l’Afrique au territoire national, l’armée est déjà suremployée partout, au-delà de ses contrats opérationnels.
Au final, nombre de militaires sont satisfaits d’en finir provisoirement avec le théâtre centrafricain. L’opération a été considérée comme difficile, et trop peu mise en avant dans la communication gouvernementale. Les débuts ont été marqués par des conditions très précaires pour la troupe engagée. En outre, de nombreuses blessures psychiques sont apparues au contact de massacres face auxquels les soldats français ont semblé impuissants. Début 2014, la hiérarchie militaire exprimait son inquiétude devoir la troupe prise dans un « nouveau Rwanda ».
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Au-delà, un sentiment de fatalisme demeure dans les rangs. La France est engagée militairement sans discontinuer depuis quarante ans en Centrafrique, sans que le destin du pays paraisse s’améliorer.