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FILM DOCUMENTAIRE SUR TIERNO BOKAR : Louis Decque inspiré par le « Sage de Bandiagara »

« Tierno Bokar, le sage de Bandiagara » ! C’est le titre d’un film documentaire inédit projeté pour le public à l’Institut français (IFM) de Bamako le 4 avril 2017. C’était en présence du réalisateur Louis Decque. C’est une œuvre qui évoque l’enseignement de Tierno Bokar, le père spirituel du célèbre Amadou Hampâté Bâ dont un livre inspire d’ailleurs le film de 89 minutes. Tierno Bokar est une figure emblématique de l’islam.

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Qui est Tierno Bokar ? Une vraie colle pour les adolescents et les jeunes scolaires ou étudiants ! Même ceux de Bandiagara dont il fut pourtant le sage universellement connu à travers les chefs d’œuvre d’Amadou Hampâté Bâ.

D’ailleurs, au-delà des écoles et facultés, beaucoup vous diront juste qu’il est un sage de Bandiagara dont s’est beaucoup inspiré le célèbre et regretté écrivain. Ce qui donne à l’œuvre de Louis Decque toute son importance historique. Un hommage à un Saint légendaire qui vécut dans la première moitié du XXe siècle à Bandiagara (région de Mopti/centre du Mali).

 Film documentaire, « Le sage de Ban­di­a­gara » évoque l’enseignement de Tierno Bokar. Le réalisateur s’inspire de « Vie et enseignement de Tierno Bokar » d’Amadou Hampâté Bâ, dont Tierno fut le père spirituel.

« J’ai rassemblé les paroles de Tierno Bokar, recueillies au jour le jour auprès de lui. Paroles tout imprégnées d’amour, de tolérance et d’infinie bonté envers tous les hommes ; paroles opposées à toute violence et à toute oppression, d’où qu’elles viennent ; paroles étonnamment actuelles tant elles sont universelles » !

Cette phrase célèbre prononcée par l’illustre écrivain Amadou Hampâté Bâ lui a été ainsi inspirée par Tierno Bokar (1875-1940) surnommé à juste titre « le sage de Bandiagara ». Fervent musulman, il avait créé une école où il dispensait un enseignement spirituel basé sur les Saintes écritures (Coran).

La force de l’engagement spirituel de ce saint homme lui valut une grande autorité auprès de la communauté de sa ville, Bandiagara. Malheureusement, il connut une fin dramatique à cause de l’intolérance et la haine que lui vouaient ses ennemis. Et pourtant, ce sage avait lutté toute sa vie durant pour la compréhension entre toutes les confessions.

Le film de Louis Decque retrace donc la vie de Tierno Bokar en faisant entendre et voir à l’humanité quelques-unes de ses paroles. A l’image de l’oisillon tombé de son nid, l’enseignement de Tierno est basé sur le lien entre la foi et les scènes de la vie quotidienne.

De presque chaque scène, voire chaque expérience, il en tirait un conte philosophique qui, sous une allure très simple et imagée, tend à l’essentiel et pousse à la réflexion personnelle. Un exercice qui permet de souvent retrouver le chemin de la foi lorsqu’on se heurte au mur du silence.

Mais, l’enseignement de Tierno Bokar n’était pas du goût des autres marabouts qui, devant son influence grandissante, vont tout faire pour le réduire au silence. L’intolérance, la jalousie, la haine se sont abattues sur lui. Le saint homme est finalement mort dans une grande misère isolé des fidèles, de sa communauté et surtout de ses disciples grâce à la complicité entre des notabilités religieuses locales et l’administration coloniale.

 

Un message universel toujours d’actualité

Et même aujourd’hui, il serait difficile d’aborder ouvertement la vie de Tierno Bokar à Bandiagara, comme l’a témoigné le réalisateur à la fin de la projection du 4 avril 2017 à l’IFM.

En dehors de l’œuvre d’Amadou Hampâté Bâ, le documentaire est enrichi par le témoignage de la première épouse de l’écrivain, des anciens disciplines ou de leurs proches qui ont accepté de se prête à cet exercice.

L’œuvre de Louis Decque a ainsi le mérite de nous faire entendre la parole de cet homme qui n’a cessé de s’opposer à la violence, à l’oppression, d’où qu’elles viennent. Chaque séquence fait découvrir au public « une parole prônant l’ouverture aux autres, la tolérance, le dialogue entre les religions et les cultures ». Une parole étonnamment actuelle tant elle est universelle.

Banni sous prétexte d’un zikr à 11 ou 12 grains, vilipendé, mis en quarantaine chez lui avec des disciplines contraints de choisir entre l’abandonné ou perdre leurs épouses voire être castrés, affamé, stigmatisé… Tierno Bokar mourût en paix parce qu’il a pardonné à ses détracteurs.

Il leur a pardonné parce que, disait-il, atrocement aujourd’hui à l’humanité prise dans la spirale de l’intolérance religieuse ou ethnique, de la haine et de la violence.

Le monde court aujourd’hui à sa perte parce que le profit et le gain, voire la raison d’Etat (positionnements géopolitiques, géostratégiques, géoéconomiques) nous pousse chaque jour à sacrifier des valeurs comme l’amour, la charité et la fraternité qui sont les charpentes de la sagesse de Tierno Bokar.

« Toute chose retourne à  sa source », rappelait-il pour dire que la méchanceté se retourne toujours contre celui ou celle qui l’a planifiée si celui ou celle qui est visé reste positif, zen. Une référence à sa parabole sur les pensées bonnes ou mauvaises qui sont comme des oiseaux de lumière ou noir qu’on envoie à l’autre.

Leurs conséquences bénéfiques ou néfastes, sont très modernes et parlantes. A l’image d’Al Qaeda ou Daesh, deux monstres créés de toute pièce par l’impérialisme américain, voire occidental contre des régimes (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie…) mais qui, aujourd’hui, ont étendu leurs tentacules au monde entier faisant trembler par la terreur leurs géniteurs malgré leur puissance militaire.

« L’intolérance est liée à l’ignorance et au manque de spiritualité », enseigne le sage de Bandiagara. « Ce documentaire nous enseigne beaucoup sur un enseignement actuel, universel et valable pour le monde entier », ont presque reconnu à l’unanimité les intervenants lors du débat avec le réalisateur après la projection du documentaire.

 

Une vision prémonitoire

Pour certains, Tierno avait « une vision prémonitoire de l’avenir » ! L’avenir de l’humain dans une société contrainte à s’ouvrir à d’autres soit par contrainte soit par nécessité

A l’image du livre d’Amadou Hampâté Bâ, ce film « impose le respect et ouvre les yeux et l’esprit de ceux qui le désirent. Une œuvre remplie de simplicité, d’amour et de fraternité qui fait chaud au cœur, car transmettant un véritable guide de la vie ».

Autant dire que Louis Decque a fait œuvre utile en rappelant non seulement l’humanité à une philosophie et à des valeurs indispensables à sa survie, mais aussi en donnant au documentaire (genre) cette importance qu’on ne perçoit pas souvent.

« Des gens comme vous nous encouragent beaucoup à persévérer dans la réalisation des documentaires », a ainsi salué Mme Kadiatou Konaré, documentariste malienne.

Ceux qui ont eu le privilège de voir l’œuvre à l’Institut français de Bamako ce 4 avril, ont tous souhaité une large diffusion par le réalisateur, et surtout de la part des autorités maliennes parce qu’elle regorge des remèdes (haine, intolérance, radicalisation) aux maux qui ont engendré la crise qui secoue notre pays depuis près d’une décennie. Le message de Tierno reste donc d’une pertinence inouïe.

En effet, constate amèrement encore que nous vivons aujourd’hui toujours dans le même monde d’intolérance et d’extrémisme religieux, social, intellectuel et politique.

Réalisateur, architecte et photographe, Louis Decque réalise des films documentaires depuis 1995. Avant ce film documentaire de Louis Decque, Peter Brook avait aussi tiré de l’œuvre de Hampâté Bâ une pièce accueillie par la critique comme « un cadeau incroyable ».

Et comme le disait l’un d’entre eux, « on apprend beaucoup sur sa propre ignorance quand on mesure la qualité spirituelle, l’humilité et la rigueur de la quête confiante et non violente de Tierno Bokar » ! Ce saint est « l’un des plus grands esprits du Mali » que le gouvernement malien doit se rattraper en le réhabilitant !

Moussa Bolly

*Le Sage de Bandiagara : Documentaire de 89 minutes réalisé par Louis Decque et coproduit par La Sept Arte, Les Films du Village et Zaradoc Films

(Mali-2000).

Source : Le Reflet

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