La fête de ramadan marque la fin du 9e mois lunaire du calendrier musulman. Il est célébré par les musulmans du monde entier. Cette année, la fête intervient dans un contexte difficil dû à la crise sanitaire. Il suffit de faire un tour au Grand marché de Bamako pour s’en convaincre.
Ce mercredi 20 mai, derrière l’Assemblée nationale où sont installés des marchands jusqu’au marché rose l’enthousiasme est le même. Les marchands déploient leur savoir-faire en marketing. Ça donne des chants, des sons de tam-tam, par-ci, par-là des applaudissements, accompagnés de quelques pas de danses. Les commerçants ambulants recherchent ardemment des clients. Malgré ce dynamisme, la bataille pour gagner les clients est rude, et parfois injuste. Certains marchands malgré une bonhomie sans égal peinent à convaincre les clients, alors que d’autres au comportement hargneux écoulent leurs marchandises comme des petits pains.
Le mercredi dernier aux environs de 10 heures, le Grand marché de Bamako est plein à craquer. Les vendeurs ambulants et les détaillants ont pris d’assaut tous les coins et recoins, même les abords du goudron. Les véhicules, les motocyclistes et les piétons ont du mal à se frayer un chemin. Papa a pris place derrière l’Assemblée nationale, devant lui des centaines de robes pour enfants, posées à même le sol. Là un petit parapluie qui protège du soleil à l’aide duquel certaines robes flottent dans l’air. « J’ai besoin d’une grande taille, dit une cliente et fais moi un bon prix, je veux en prendre deux ».
Le vendeur est si débordé qu’il ne peut se permettre de perdre du temps sur une personne. Malgré le fait qu’il ne soit pas assisté par son jeune frère, qui lui aussi marchande de son côté, Papa serre la figure. Puis laconiquement, propose juste une petite réduction à ce client auquel son comportement ne cause aucune vexation. Mais, ils ne supportent pas tous cette hargne de Papa.
C’est quelle manière de parler aux gens ? C’est vrai que vous avez de belles robes, mais il faut savoir s’adresser aux acheteurs. Je sais répond le vendeur, je connais le prix de mes marchandises, je ne peux vendre à perte. Déjà mes prix sont largement en deçà des autres, tout est abordable ici. « On n’est même pas venu avec un budget pour les habits, réplique la dame, avant de poursuivre, je veux me forcer pour l’acheter quand même. Je préfère celle qui est mélangée avec des satins ».
La cliente choisit une robe de 7.000 Fcfa pour sa fille de 5 ans, elle propose 4.000 Fcfa, le vendeur lui, fixe le dernier prix à 5.000 Fcfa. Comme chaque année, Papa vend des habits pour enfants à la même place, il les commande de la Côte d’Ivoire. Ce matin comme depuis 3 jours, il vient d’écouler une bonne partie des robes pour enfants alors qu’un autre sac de 100 kg de marchandises attend d’être déballé. Dieu merci, il y a le marché, confirme-t-il, on écoule presque deux sacs de 100 kg chaque jour.
Papa vend des robes de 3 à 10 ans entre 3.000 et 8.000 Fcfa. Elles sont faites d’un mélange de pagnes, de brodé ou de satin. Le modèle est soigneusement cousu avec des ornements qui attirent plus d’un. « J’ai toujours été commerçant, je vends des articles en fonction du moment. Pour le ramadan, c’est les habits pour enfants, la fête de tabaski, je vends des moutons, des chèvres, la fin d’année des poulets, les jours ordinaires ce sont les foulards, les chaussures ou même les savons », indique le jeune homme.
lenteur du marché-Contrairement à Papa, Ouma, jeune dame, de teint noir est arrêtée devant sa table à l’entrée du marché. Elle étale des habits pour enfants sur la table puis les accroche un à un à son para soleil. Elle supplie un client et lui demande d’augmenter un peu le prix afin qu’elle lui cède la marchandise.
La lenteur du marché est perceptible jusqu’au niveau des grands commerçants. Dans cette boutique de basin de marque getzner, il y a toutes sortes de basin getzner, de pagnes et tissus de teinture artisanale. À l’intérieur, il y a plus de vendeurs que d’acheteurs, ils sont plutôt engagés par le débat politique. Le basin le plus vendu ici, est celui de 2.000 Fcfa. Les gens n’ont pas d’argent ! s’exclame-t-il, on n’a jamais vécu une situation pareille au Mali. Pour ce commerçant, les Maliens s’inquiètent plus pour leurs mômes que pour eux mêmes, c’est pourquoi argumente-t-il, ils achètent le basin le moins cher. On a le basin et les pagnes chers qui se vendent au compte-goutte. « Nos gros clients viennent de la Guinée, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire etc.
Ils venaient s’approvisionner ici d’habitude mais, cette année, ils ne sont pas venus à cause de la fermeture de la frontière », se désole-t-il.
Le marché a beau être grand, les commerçants ont beau être côte à côte pour vendre les mêmes marchandises, le plus chanceux trouve toujours son compte.
C’est ce que l’on peut dire de la boutique où Baya N’Diaye est responsable. Pour lui, à part l’absence des étrangers, les Maliens n’ont pas eu de difficulté pour acheter les basins et les tissus pour hommes. « Nous comptons vendre jusqu’à samedi et à partir de là, on sait qu’il n’y aura plus de marché parce qu’il faut laisser le temps pour la couture. Les nationaux comme d’habitude, choisissent des tissus en coton de 3.000 à 10.000 Fcfa le mètre.
Par ailleurs sous le soleil ardent, Baba et Moussa deux jeunes adolescents dynamiques se donnent à cœur joie au spectacle. L’un joue le tam-tam, l’autre chante en criant 1.000 Fcfa! tout est à 1.000 Fcfa! Leur chariot est plein d’habits pour enfants. Ils ne manquent pas de ruse pour attirer les clients. Ils vendent un complet à des prix différents. Comment ? Ils ont pris le soin de séparer un complet à deux, c’est-à-dire ils ont mis les chemises à part, et les pantalons à part. Toutes les chemises sont vendues à 1.000 Fcfa et les pantalons sont cédés entre 2.000 et 4.000 Fcfa selon la taille de l’enfant.
Donc, en un mot un complet coûte entre 3.000 et 5.000 Fcfa. Quand on leur demande pourquoi ils ne communiquent pas le prix d’un seul coup, ils répondent que s’ils le font les gens ne s’intéresseront pas à eux. « C’est pourquoi, il nous faut trouver des astuces pour attirer les clients. C’est ainsi que nous vendons nos marchandises. Nous comptons en finir avec nos articles du jour », répondent-ils avec fierté. Les deux se fournissent auprès de leur grand frère. Ces adolescents sont des élèves en 8è et 9è années. Compte tenu de la fermeture des classes, ils ont trouvé un passe-temps au grand marché pour se faire de l’argent.
Djibril Doumbia a son atelier à Hamdallaye, il est reconnu par sa coupe dite ivoirienne. Sa clientèle est largement composée de femmes. Pour cette fête, il coud plus pour les enfants, une situation dûe à la morosité de marché. « C’est dire qu’il n’y a pas d’activité, déclare-t-il, depuis que je suis devenu tailleur, je n’ai jamais vécu un ramadan pareil.
D’habitude, nous commençons le travail dès le début du ramadan, mais cette fois-ci, il a fallu le 21e jour du mois pour que je commence à veiller. Ce qui veut dire que ça ne va pas du tout », témoigne-il.
Maïmouna SOW
Source: Journal l’Essor- Mali