« En la forme : Reçoit la requête aux fins de sursis à exécution. Au fond : Ordonne le sursis à l’exécution de la décision N° 2017-0140/P-CKLA en date du 07 Octobre 2017 du Préfet par intérim du Cercle de Koutiala portant fermeture de la Radio Kayira II de Koutiala ; Ordonne la restitution de la consignation versée, déduction faite des frais de procédure ; met les dépens à la charge du Trésor public ». Telle est la décision prise le 20 octobre 2017 par le Tribunal administratif de Bamako, dans l’affaire de la fermeture de la radio kayira de Koutiala par le Préfet par intérim de cette localité.
En d’autres termes, le Préfet par intérim de Koutiala va devoir prendre son mal en patience. Sa volonté délibérée de porter atteinte à la liberté de presse au Mali et à Koutiala en particulier n’a pas prospérer. La justice malienne vient de sanctionner son sa volonté délibérée de faire taire la radio kayira à koutiala sous le fallacieux prétexte de protéger l’ordre publique.
Convaincus que le Préfet par intérim de Koutiala fillait du mauvais coton, lorsqu’il a pris la décision de fermer la radio kayira de la cité de l’or blanc, les responsables de la radio Kayira ont fait appel au droit et à la justice malienne.
En effet par une requête en date du 12 octobre 2017, Ba Ounogo, Directeur de la Radio kayira de Kouitala, ayant pour conseil Me Mariam Diawara et Me Issa K. Coulibaly, avocats à la cour, a saisi le Tribunal administratif de Bamako d’un récours aux fins de sursis à l’exécution de la décision N° 2017-0140/P-CKLA portant fermeture de la Radio Kayira II de Koutiala du 7 octobre 2017 du Préfet du Cercle de Koutiala.
Dans sa requête, le Directeur de la Radio kayira de Koutiala, a indiqué que par la décision N° 2017-0140/P-CKLA du 7 octobre 2017, vers 10 heures, sur ordre du Préfet par intérim de Koutiala, les services d’émission et d’animation de la radio kayira II de Koutiala ont été arrêtés.
Selon lui, cette décision de fermeture a été prise par le Préfet sur la base d’un lettre manuscrite du 6 octobre 2017 et signée de 7 individus se réclamant de différentes associations ou familles, aux motifs de ce qu’ils ont été insultés et diffamés par un animateur de la dite radio.
Il a ajouté que le Préfet de Koutiala a pris la décision de fermeture sans aucune formalité de procédure et de notification. Selon Ba Ounogo, la décision du Préfet est manifestement illégale. Pire, il dira que cette décision illégale et illicite porte atteinte à la liberté de travail et au droit à la liberté d’expression et d’opinion mettant en péril les intérêts matériels et moraux.
Il a aussi indiqué que cette décision ne cadre avec aucun texte légal en vigueur en république du Mali portant sur la presse audio-visuelle notamment le décret N° 626/P-RM du 25 aout 2017 déterminant les conditions de mise en œuvre des sanctions non pénales prononcées par la haute autorité de la communication.
Ba Ounogo a mis un accent particulier sur les engagements contractuels que la radio kayira II a avec des particuliers et sociétés commerciales dans la Commune de Koutiala et même dans les autres villages du Cercle. Selon lui, une fermeture prolongée serait excessivement préjudiciable à la Radio. Le Directeur de la Radio kayira de koutiala a sollicité l’annulation de la décision incriminée.
Et, comme c’est toujours le cas, la requête introductive d’instance et les pièces ont été notifiées à la Direction générale du Contentieux de l’Etat, représentant le Préfet du cercle de Koutiala. Et cette structure a produit un mémoire en défense le 18 octobre 2017.
Selon le Contentieux du gouvernement le décret N° 00338/P-RM du 19 avril maintient le mali sous Etat d’urgence. Selon lui, l’effet normal de l’état d’urgence est une extension des pouvoirs de police au profit, soit du Préfet, soit du Ministre de l’Intérieur.
Il va jusqu’à soutenir qu’un tel régime accroit naturellement les pouvoirs de police des autorités concernées qui pourront prendre diverses mesures qui en temps normal leurs sont interdites. Et chose grave, il a lâché l’énormité qui consiste à dire que l’état d’urgence peut aussi avoir comme conséquence le contrôle de la presse, des émissions comme ce fut le cas en l’espèce.
Très sûr de lui, le Contentieux du Gouvernement est allé jusqu’à dire qu’en aucun cas le Tribunal ne peut prescrire qu’il soit sursis à l’exécution d’une décision intéressant l’ordre public. Selon lui, la mesure de fermeture prise par le Préfet est mue par une volonté de préserver l’ordre public face à un sentiment de vengeance qui se profilait à l’horizon contre la radio kayira II.
Pour cela, il dira que la mesure de police administrative est adaptée aux faits qui l’ont motivée, mais aussi proportionnelle, à l’objectif à atteindre, c’est-à-dire la nécessité d’assurer la sauvegarde de l’ordre public.
Le Contentieux du gouvernement est même arrivé à sortir une énormité du genre « Ordonner le sursis à exécution sollicité, porterait une atteinte grave à la paix sociale dans le cercle de Koutiala ».
Dans un discussion juridique on ne peut être plus clair, le Tribunal administratif de Bamako a battu en brèche toutes les prétentions du Contentieux du Gouvernement.
Estimant que le motif évoqué par le Préfet est insuffisant et n’est pas établi par aucune pièce du dossier pour justifier l’atteinte à l’ordre public qui correspond à la trilogie : sécurité, tranquillité et la salubrité publique.
Mieux, le Tribunal a estimé que l’analyse du dossier n’a pu établir le motif retenu par la décision déférée, en ce qu’aucune transcription des bandes sonores incriminées par un acte d’huissier de justice, une plainte devant le juge pénal ou un procès verbal de police ou de gendarmerie n’est versée au dossier pour soutenir le trouble à l’ordre public.
Le Tribunal administratif a rappelé que les seules affirmations des familles fondatrices et autres voulant se faire justice dans un état de droit, ne sauraient servir de motif légal à la dite décisions de suspension. Il a aussi estimé que l’examen du dossier n’a pas établi l’urgence entraînant la prise de la décision attaquée un Samedi, jour non ouvrable. « En l’édictant un samedi alors qu’une telle urgence n’est pas justifiées par les pièces du dossier, la décision attaquée manque de base légale », a indiqué le Tribunal.
Le Tribunal a aussi estimé que les trois conditions édictées par la jurisprudence pour un sursis à l’exécution d’une décision, sont réunies : l’urgence, l’irréparabilité du préjudice occasionné par la décision objet de la demande de sursis et les chances de succès du recours en annulation de ladite décision.
Au regard de tout ce qui précède, le Tribunal administratif a décidé :
En la forme : Reçoit la requête aux fins de sursis à exécution ;
Au fond : Ordonne le sursis à l’exécution de la décision N° 2017-0140/P-CKLA en date du 07 Octobre 2017 du Préfet par intérim du Cercle de Koutiala portant fermeture de la Radio Kayira II de Koutiala ; Ordonne la restitution de la consignation versée, déduction faite des frais de procédure ; met les dépens à la charge du Trésor public.
Assane Koné
notrenation