La salle de conférence de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (Dirpa) a reçu un hôte pas comme les autres, vendredi 25 mars. C’est le chef d’état-major général des armées, général de division Oumar Diarra, qui faisait face à la presse. En plus de lui au présidium, il y avait les colonels Souleymane Dembélé, directeur de la Dirpa et Abdoulaye Maïga, directeur de la justice militaire. Ainsi que Boubacar Diallo, conseiller chargé de la communication.
Arrivée à la tête de la machine de guerre, en septembre 2020, le général Oumar Diarra dira qu’il lui fallait élaborer très vite une vision qui fonde son expertise pour marquer de son emprunt le nouveau commandement qui s’installe et produire le plus tôt possible des résultats qui puissent convaincre et donner raison à la hiérarchie qui lui a fait confiance en le nommant à la tête de l’Etat-major. La nouvelle vision, qui s’inscrit certes dans la continuité, à savoir disposer d’une armée forte, se distingue par des innovations qui s’articulent autour de trois piliers majeurs : une armée autonome, républicaine confiante à ses capacités et résiliente. Car, de son point de vue, l’armée est et demeure le dernier rempart de la souveraineté de la nation. D’où la résilience afin de concourir à l’équilibre national. « L’armée n’est certes pas le pilier central, mais pèse lourde dans la recherche de la cohésion nationale et dans la stabilité du pays ».
Cette doctrine est d’autant plus importante à reconstruire pour redonner à notre armée malienne toute sa place dans la sous-région et par-delà, dans le concert des Nations. Car, rappelle-t-il, les Forces armées maliennes ont toujours rayonné dans notre espace géographique et même à l’international. Elle a également toujours fait montre de professionnalisme. Autant d’éléments qui fondent sa vision, qui intègrent à la fois le passe et le présent. Regardant dans le rétroviseur, le général Diarra dira que les différents chefs militaires qui se sont succédé à l’état-major ont chacun fait tache d’huile. C’est cette somme d’expérience qui les inspire. Malgré ce défi important, les FAMa se doivent de garder leur capacité de résilience, se préparer vers le futur dans le cadre de sa modernisation pour répondre aux attentes de la population malienne.
Revenant sur les grandes lignes de sa vision, le général Oumar Diarra rappelle qu’ils travaillent sur trois grands axes : la conduite des opérations militaires. Qui sont au nombre de trois également : Opération Maliko, qui est une approche globale de la gestion de la crise au Mali. C’est un plan militaire, qui intègre presque tous les leviers de l’Etat. Il s’agit de combiner les aspects de sécurité de développement pour parvenir à la stabilisation. Voilà le schéma du plan Maliko, dans lequel les militaires exécutent l’aspect sécuritaire du plan. Mais, ce volet doit être accompagné par le retour de l’Etat dans les zones pacifiées pour permettre aux populations locales de bénéficier des dividendes des efforts de stabilisation de l’Armée. Le plan Maliko, faut-il rappeler, a commencé en janvier 2020. Il y a des différentes phases sur lesquelles ils travaillent dessus.
La deuxième phase opération, qu’ils conduisent est l’opération « Keletigi » qui a débuté en 2021. Elle consiste à rechercher et à détruire les sanctuaires terroristes. Il y a certaines forêts qui représentaient des dangers. C’est le cas de la forêt de Ouagadou, vers la frontière mauritanienne. C’est une zone réputée être le refuge des terroristes. Il y a aussi le long de la frontière avec le Burkina Faso. L’opération a commencé il y a environ quatre mois. Chaque semaine, il y a un communiqué pour faire le point des opérations pour informer la population sur les mouvements des FAMa sur le terrain.
La troisième opération majeure, sur laquelle ils sont, est un projet. C’est l’opération « Tilekura ». Il s’inspire des événements d’août 2020. Dans cette opération, il a été instruit de travailler sur le processus électoral. Qui reste une priorité du gouvernement. Là-dessus, les FAMa sont très avancées dans la construction d’une architecture sécuritaire avec l’élaboration d’un concept. Car, cela ne peut se faire sans l’armée, a-t-il expliqué. Selon lui, ils ont déjà une expérience et il y a un projet ficelé, qu’ils ont partagé avec les partenaires. Ils n’attendent que la définition d’un calendrier pour commencer à travailler dessus au moment venu.
Le deuxième axe relatif à la poursuite de la restructuration et des réformes des FAMa. La première LPM (Loi de programmation militaire) a pris fin en 2019. Présentement, un projet est en cours d’élaboration. Qui s’inscrit dans la prolongation de la première loi. L’objectif recherché est basé sur deux points, à savoir : amélioration des conditions de vie et de travail du personnel militaire et de renforcer les capacités opérationnelles des FAMa pour qu’elles soient en mesure de défendre de façon autonome la Nation malienne. Un troisième objectif subsidiaire peut se greffer à ces deux premiers. Il s’agit de garantir une cohérence de fluidité entre différents niveaux décisionnels. Que sont les niveaux politique et stratégique et les niveaux opératif et tactique. Car, l’expérience a montré qu’un petit incident au niveau tactique peut ébranler toute la chaine jusqu’au niveau politique.
Toujours dans le cadre des réformes, le général Diarra a expliqué les efforts en cours sur la gestion des ressources humaines (qui a fait couler beaucoup un moment d’encre et de salive) et l’amélioration de la gestion des ressources logistiques. Car, en ce moment, les FAMa sont en train d’acquérir beaucoup de matériels, qui nécessitent un bon plan de gestion. Le chantier concerne également la mise en œuvre des cartes militaires pour chaque armée, le maillage territorial. La Garde nationale, l’Armée de terre, l’Armée de l’Air, toutes les Armées et les Directions de Services doivent être déployées sur l’ensemble du territoire. Le 4ème point concerne les infrastructures. « Quand on parle de redéploiement des forces sur le terrain, il faut forcément penser aux infrastructures », a indiqué Oumar Diarra, avant d’évoquer le dernier point qui est relatif à la doctrine. « Nous sommes en train d’acquérir de nouveaux équipements ; nous avons un concept d’emploi des forces. Il faut donc harmoniser les doctrines d’emploi de ces nouveaux moyens le concept d’emploi des forces », a expliqué le général Diarra.
Le troisième axe de l’effort concerne la coopération avec les partenaires. Selon lui, le Mali se trouvant dans une situation difficile, il a fait appel à des partenaires. « Certains sont là pour nous aider dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, d’autre dans le cadre de l’entrainement et la formation. Il y a aussi la coopération structurelle aussi avec certains. Dans tous les cas, les directives données consistent à prendre le leadership dans la conduite des opérations. C’est la consigne donnée à tous les états-majors et directions. Les gens venus sont venus nous aider, profitons beaucoup de leur expertise, nous devrions profiter pour développer notre propre capacité pour qu’à certain moment, qu’on soit autonome », a insisté le patron des Armées maliennes.
Pour les projets d’avenir, il y a beaucoup de choses qui sont en cours déjà. N’empêche, les efforts vont se poursuivre pour que les chantiers débutés l’année. Il s’agit entre autres : renforcer la formation et l’entrainement des hommes. C’est d’ailleurs le crédo au niveau de l’Etat-major des armées. Car, sa mission est de conduire les opérations. Pour atteindre cet objectif, il faut chaque armée : la Garde nationale, l’Armée de terre, l’Armée de l’air, recrute des hommes, les former, les préparer pour les mettre à la disposition de l’Etat-major des armées pour leur emploi aux combats. « Voilà la façon dont on travaille. Il faut renforcer cela », a poursuivi Oumar Diarra, avant d’insister sur la cohésion, l’unité, la solidarité entre les forces. Qui est aujourd’hui une réalité. « Aujourd’hui, la force de l’Armée malienne, c’est cela… », s’est-il réjoui. Il a promis que l’Etat-major s’emploiera à renforcer cet esprit de complémentarité entre les forces et approfondir les relations avec les voisins.
En guise de conclusion, le général Oumar Diarra s’est longuement étendu sur deux préoccupations de l’heure. Il s’agit des questions des droits de l’homme et le processus de recrutement spécial au sein de nos forces. Ces deux sujets, reconnait-il, font l’actualité aujourd’hui. Mais, ce qui est important à retenir, c’est que l’armée malienne n’est pas un ramassis d’aventuriers, mais des vrais professionnels, bien formés et suffisamment responsables. Ce professionnalisme a été légué en héritage par les anciens, qu’on entretient jalousement, a-t-il martelé. « Nous travaillons dans les règles de l’art. Nous recrutons et nous formons nos hommes…», a ajouté le général Diarra. Concernant la question des droits de l’homme, beaucoup de progrès ont été réalisés. La preuve, au niveau de toutes les formations de l’Armée malienne, quand on est recruté, du soldat jusqu’au grade de général, il y a des modules de droits de l’Homme qui sont enseignés à chaque cursus de formation. Dans les unités, les militaires suivent régulièrement des modules de formation sur les droits de l’Homme. Ces formations sont effectuées en mode autonome ou avec des partenaires. Qui peuvent attester de la mise à niveau permanente des hommes. Cela se fait dans le cadre de la prévention. Mais, dans le cadre de la gestion des cas, à ce niveau, le commandent est très phase avec les règlements par rapport aux questions des Droits de l’Homme. Chaque fois des cas avérés sont signalés, toute suite les dispositions sont prises pour apprendre en charge très rapidement la situation. La Justice militaire est là pour témoigner de ces cas signalés. Mais, dans cette situation, il y a lieu de faire attention, eu égard à la complexité du phénomène. « Car, nous sommes dans un environnement asymétrique. On peut croiser un individu le matin derrière son troupeau, la nuit la même personne se retrouve avec un fusil de guerre en train de tirer sur les éléments. Qu’à cela ne tienne, ces genres de comportements ne sauraient dédouaner les militaires de leur responsabilité à appliquer les règles des Droits de l’homme en matière de conflit, conformément aux conventions signées et ratifiées par le Mali. Tous les cas documentés font l’objet d’instruction en ce moment au niveau de la Justice militaire », a-t-il rapporté.
Le dernier point est le recrutement spécial qui a commencé il y a quatre mois. Cette initiative vient en complément des actions militaires. Car, pour endiguer le phénomène de la circulation des armes de guerre, l’état-major a proposé à la hiérarchie le recrutement des jeunes désœuvrés, détenteurs d’arme dans les zones de conflit pour leur offrir une chance de se construire une vie digne. Mais, il y a lieu de préciser que ces opérations n’ont rien à avoir avec les programmes de Démobilisation des ex-combattants (les DDR). Au total, 4000 jeunes sont concernés par le projet. Dans les critères de recrutement, l’aspirant doit adresser au chef d’état-major général des armées une demande timbrée et être détenteur de fusil en bon état.
M.A Diakité
Source : Tjikan