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Exploitation sexuelle des enfants : Un fléau silencieux

En 2018, le Samu Social Mali a enregistré 85 filles mineures en situation ou victimes d’exploitation sexuelle (ESE) dans le District de Bamako. Ces jeunes, en rupture familiale, exposés à de multiples risques, comme les maladies sexuellement transmissibles ou les grossesses précoces, subissent de nombreux abus. Pour les aider à s’en sortir, le Samu Social, en partenariat avec  ECPAT Luxembourg, mène la lutte dans le cadre d’un projet lancé début mars pour une durée de 3 mois. Un travail de longue haleine, indispensable pour assurer la réinsertion de ces jeunes en manque de repères.

 

YT est une jeune fille âgée de 15 ans environ. Recueillie par le Samu Social il y a quelques temps, elle n’a passé qu’un mois dans la rue. Une chance pour cette jeune fille, qui n’a pas eu le temps de s’adapter à ce contexte difficile.

Cinquième d’une fratrie de 7 enfants et des parents âgés, elle fréquente l’école coranique lorsque sa famille décide qu’elle épousera le fils de son professeur.  Refusant ce choix, elle quitte le domicile familial et se retrouve sur l’un des sites (environ une vingtaine) du District de Bamako et environs sillonnés par le Samu.

Des proies faciles

Elle fait partie de ces dizaines de jeunes, filles et garçons, en situation de rupture familiale repérés par le Samu et « majoritairement âgées de 12 à 24 ans », confie Madame Sow Agna Traoré, référent technique pour l’accompagnement des jeunes filles en situation de rue au Samu Social Mali.

« Les jeunes mineures sont exploitées sexuellement par de tierces personnes. Ce sont des cibles dont le seul moyen de survie est la prostitution. C’est à travers ce canal qu’elles se font exploiter », explique Madame Sow

En raison de leur âge (entre 15 et 18 ans), ces « filles immatures et sans beaucoup d’éducation sont des proies faciles, enrôlées soit par des grandes filles, anciennes de la rue » ou par des proxénètes qui sont aussi souvent « les petits copains » et qui en contrepartie de « la protection » qu’ils offrent à ces filles abusent d’elles.

Un véritable piège dans lequel elles se retrouvent coincées entre les contraintes familiales qui les ont poussées dans la rue et la situation peu enviable que leur offre celle-ci. C’est dans ce contexte qu’intervient le Samu en allant vers ces victimes sur leurs lieux de vie. L’organisation essaye de créer un lien avec ces enfants, notamment à travers des prises en charge sanitaires.

Créer la confiance

Avec ses travailleurs sociaux et ses médecins, le Samu Social anime des causeries sur la santé sexuelle. Se crée alors une relation de confiance, à travers une prise en charge médicale sur place. Durant  cette offre de soins, les jeunes filles sont identifiées et sensibilisées. En fonction de leur âge, surtout lorsqu’il s’agit de mineures particulièrement vulnérables, le Samu propose « une mise à l’abri » dans des centres d’hébergement pour mineurs très jeunes.

En cas de refus, la sensibilisation est prônée et, lorsqu’il y a échec, l’organisation fait des déclarations à la Brigade des mœurs, qui effectue des descentes. Mais pour les filles les plus âgées, «  la mise en confiance prend du temps », avoue Madame Sow.

Outre la mise à l’abri, le Samu propose de faire une médiation pour un retour en famille. Vu le contexte malien, il est également fait appel à la famille élargie en cas, par exemple, d’enfants orphelins.

Pour les jeunes filles venant d’autres pays, le Samu travaille avec des partenaires qui œuvrent dans le cadre des rapatriements. Pour celles qui viennent des autres régions du Mali, l’organisation a déployé sur place des points focaux.

Un travail de longue haleine

L’identification de ces « filles enfants » en situation difficile est le début d’un long processus de réinsertion. Un volet effectué en partenariat avec Enda Tiers monde, notamment, mais aussi avec l’implication effective de la famille, indispensable pour réussir ce retour. L’organisation s’attèle pour chaque médiation à un suivi au cas par cas et intervient en cas de difficultés.

Même si les abus « sont plus visibles » concernant les filles, ils existent aussi à l’endroit des garçons, mais ce sujet semble plus tabou, car les victimes s’en ouvrent difficilement. Malgré tout, l’organisation entreprend des sensibilisations « pour protéger les garçons et mettre en garde les grands sur les risques encourus », explique Madame Sow.

Sur les 85 mineures filles victimes ou exposées à l’exploitation sexuelle dans le district de Bamako identifiées  en 2018 par le Samu, « 27 ont bénéficié d’un projet de réunification familiale. Elles sont retournées en famille avec un accompagnement dans le cadre de leur réinsertion. 12 ont été orientées vers les centres partenaires (dont le Bureau catholique pour l’enfance, BNCE), dans le cadre de la réhabilitation par la formation professionnelle », explique M. Youssouf Traoré, coordinateur social au Samu Social Mali.

« C’est un travail de longue haleine, car ces filles qui sont en situation de rue l’ont été souvent en raison de situations familiales traumatisantes ». Elles passent donc par un processus de « désocialisation » en s’adaptant aux conditions de la rue et il faut les accompagner afin « qu’elles retrouvent un minimum de confiance en elles pour se lancer dans un processus de réinsertion », conclut M. Traoré.

Journal du mali

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