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Exécution de grosses de justice : La dictature des banques maliennes

Faire condamner une banque est plus facile pour un client que de réussir à faire exécuter la décision de justice. Les banques maliennes semblent au-dessus de la loi et ont peu de considération pour les grosses de justice. Nombre d’opérateurs économiques du Mali sont confrontés à cette situation. Ils ont leurs grosses, mais les banques s’opposent à l’exécution des grosses.

Le rapport entre les banques maliennes et leurs clients est comparable à celui du caillou et de l’œuf. Autant l’œuf a toujours tort en cas de conflit avec le caillou, autant le client a toujours tort en cas d’assignation d’une banque malienne devant les tribunaux.

Quand le client gagne le procès, il n’a qu’un bout de papier appelé grosse parce que celle-ci est rarement exécutée. A l’inverse, quand c’est la banque qui a raison, le client n’a pas d’échappatoire. Il n’aura que ses yeux pour pleurer parce que la banque va saisir ses biens mobiliers et immobiliers.

C’est le cas d’un jeune commerçant qui, après avoir assigné une banque de la place à la suite d’un malentendu, court derrière son dû depuis environ 5 ans. Toutes les voies de recours sont épuisées. “C’est avec une grosse d’exécution que mon huissier s’est rendu dans la banque pour procéder aux saisies des biens. Mais quelle ne fut toute notre surprise ! Les responsables de cette banque ont mobilisé presque toutes les autorités politiques, judiciaires et sécuritaires pour faire opposition à l’exécution de ma décision de justice, prise au nom du peuple malien. Depuis, rien ne bouge et nous ne savons plus à quel saint se vouer. Conséquence : mes affaires ont fondu comme le beurre au soleil, car n’ayant plus de moyen financier pour suivre mes activités”, témoigne le jeune commerçant avec beaucoup d’amertume.

Un réseau mafieux de protection ?

Cette attitude des banques envers leurs clients n’est pas fortuite. Elles ne pouvaient pas refuser d’exécuter des décisions sans soutien. Une autre source sous couvert d’anonymat révèle que ces banques sont adossées à une mafia savamment tissée par elles au sein des Forces armées et de sécurité, de la justice, dans l’administration surtout aux ministères des Finances et de la Justice. “Tout récemment, un huissier muni d’une décision de justice, notamment une grosse, s’est rendu dans l’une des plus grandes banques du Mali accompagné d’agents des Forces de sécurité malienne en particulier la police pour l’exécution de ladite décision, mais des éléments de la garde nationale en faction ont refusé cela. Ce jour-là, un affrontement entre les deux corps a été évité de justesse. Comment comprendre dans un même Etat que des agents de corps différents d’un même pays se disputent autour de l’exécution des décisions de justice ?”, s’interroge notre interlocuteur, avant d’ajouter que ces genres de prises de bec entre les éléments de nos Forces armées et de sécurité sont fréquents dans les banques.

Ce n’est pas tout. Un autre opérateur économique, très connu de la place, qui est également parvenu à avoir le dessus sur une banque de la place dans une affaire portant sur plusieurs milliards de F CFA jusqu’à la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (Ohada), n’est pas encore au bout de sa peine. Car une fois revenu à Bamako réconforté avec cette décision, il s’est retrouvé face à l’opposition farouche du condamné à exécuter la sentence.

Réfutation

A en croire un de nos interlocuteurs, les banques refusent de remettre les gens dans leurs droits par mauvaise foi seulement. Pour lui, ce sont des milliards de F CFA que ces structures engrangent en termes de bénéfices et se croient tout permis au Mali parce qu’elles sont toutes constituées de capitaux étrangers.

Au ministère de l’Economie et des Finances, une source assure que les grosses de justices sont gérées selon leur nature et qu’en aucun cas, ce département ne peut être un facteur de blocage à l’exécution d’une décision judiciaire.

L’Association professionnelle des banques et établissements financiers (APBEF) réfute les accusations et déclare que les banques et établissements sont des sujets de droit tenus d’exécuter les décisions de justice à la fin de tous les recours. Elle souligne que les banques se sont toujours exécutées quand les décisions leur sont défavorables face à leurs clients, mais après épuisement de toutes les voies de recours que la loi leur garantit.

 Kassoum Théra

Source: Aujourd’hui-Mali

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