Autorités intérimaires installées à Kidal le 28 février 2017 par le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat, en présence du gouverneur sortant, du Haut représentant du chef de l’Etat pour la mise en œuvre de l’Accord et de la communauté internationale représentée par l’Algérie, le Secrétaire général adjoint de la Minusma et l’Union africaine. Autorités intérimaires à Kidal, c’est tout une occasion pleine de symboles.
D’abord, celui du retour de l’administration malienne à Kidal, car l’autorité intérimaire est une disposition de l’Accord mise en place pour pallier l’absence de l’Etat sur des parties du territoire. Qu’elles soient installées en premier lieu à Kidal en est un autre symbole. Kidal, la première région à se rebeller contre l’Etat est aussi celle qui, la première, a accepté le retour de l’Etat dans un contexte marqué dans les régions nord du Mali par des contestations à Gao, Tombouctou et Taoudénit où plusieurs mouvements armés et associations de résistance civile récusent les autorités intérimaires sans leur implication voire prise en compte de leurs doléances. Responsables toujours choisis parmi les ressortissants des localités.
Autre symbole à Kidal est l’adoption du choix du président des autorités intérimaires par les groupes armés et les populations, ce qui est loin d’être le cas dans les régions sus-citées bien que les présidents soient aussi tous originaires desdites régions. Pourquoi la mayonnaise n’a pas pris dans ces régions ? Pourquoi les personnes nommées ne font pas l’unanimité ? Mais, en se référant au contenu des différentes déclarations, les revendications ne sont pas non plus les mêmes, selon qu’on soit à Kidal ou à Gao, Tombouctou, et peut-être Ménaka. Surtout à Gao et Tombouctou, il est aisé de constater que la représentativité des acteurs pose un réel problème.
Les populations locales semblent ne plus se reconnaître ni dans le gouvernement encore moins dans les mouvements armés qu’elles ont toujours rejetés comme étant leur représentant. Dans ces régions, l’équation de la cohésion sociale et de l’unité sera difficile à résoudre si le mécanisme reste emmuraillé dans les exigences de la coordination des mouvements armés et de la plateforme. En plus des populations locales, il y a aussi un parterre de groupes armés qui n’ont pas été éligibles dans les différents mécanismes encadrant la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger.
Ignorer l’existence de ces groupes armés ou banaliser leur capacité de nuisance, c’est opter délibérément pour la mort chronométrée de l’Accord, car tous les dispositifs militaires combinés au Mali ne pourraient contenir des grands mouvements fortement implantés dans la population et pouvant facilement rechercher de l’appui auprès des groupes terroristes en mal de cohabitation avec les populations.
Symbole ou coïncidence ? Le ministre de tutelle et le gouverneur sont tous deux de la région. Ils étaient donc en famille. Quel aurait pu être leur poids dans le changement de situation à Kidal, ce que les autres régions n’auraient pas réussi malgré la présence de leurs ressortissants dans le gouvernement ou les girons du pouvoir. Quelle que soit la lecture, Kidal se sera démarquée des autres régions où le divorce entre leaders et populations est consommé. Il en est de même pour les mouvements armés signataires se réclamant de sédentaires. Sont-ils sédentaires par eux-mêmes ou par les populations dont ils prétendent défendre les intérêts ? Ici, plus qu’à Kidal, le malaise semble profond.
Les mouvements armés signataires sédentaires, profondément divisés et caractérisés par des intentions de s’exclure, ne constitueraient-ils pas aujourd’hui plus une pomme de discorde qu’un acteur de paix ? Le président sortant du conseil régional de Kidal est le 2ème vice-président des autorités intérimaires de la région. Cette personnalité, qui a été un acteur majeur de la contestation des mobiles avancés par les groupes armés pour justifier la rébellion, siège dans le nouvel organe.
Son combat étant celui du bonheur des populations dans un esprit ouvert et inclusif aura trouvé terre fertile à Kidal, où sa contribution sera déterminante dans le succès des nouvelles autorités grâce à son expérience de gestion et de maîtrise des mécanismes d’encadrement des collectivités, mais surtout de ses entrées chez les partenaires techniques et financiers. Il pourra se charger de la coopération et des relations avec le Mali profond vu que Fagaga ne sent pas bon pour les «Maliens».
Par ailleurs, au-delà de la beauté de l’événement pour le Mali et son processus de paix, le décor de l’installation des autorités intérimaires de Kidal soulève des interrogations : la banderole avec des écritures en arabe et en tifinagh encadrant bien la langue officielle est tout aussi un symbole, celui de la forte intention d’incarner des couleurs locales à la nouvelle gouvernance.
Ces langues sont, assurément, aussi celles du fonctionnement de la collectivité. Par conséquent, il devrait y avoir une gouvernance fortement implantée dans la culture locale. Mais si les langues doivent au quotidien bien encadrer le français, donc ce qui émane de l’Etat central, cela signifie-t-il que toutes les décisions de l’Etat seront désormais encadrées de la même manière et être empruntes des couleurs locales ? L’avenir nous le dira.
Aboubacar DACHI