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Esclavage au Mali: le silence coupable des autorités

La Constitution du Mali, en son article 2 dispose que «Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs» ; c’est pourquoi, elle assure plus loin que «Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, le handicap, la religion et l’opinion politique est prohibée ».

En dépit de ces garanties de la loi fondamentale, pour qui dès son article 1, «La personne humaine est sacrée et inviolable », certains maliens continuent cependant de ployer sous le joug de l’esclavage. Et pour cause, depuis quelques mois, une communauté de compatriotes ne cesse de hausser le ton en se réclament ‘’maitres d’esclaves’’.
Récemment, c’est le cas du jeune Adama DIALLO, qui a défrayé la chronique, après été « libéré » par son tuteur à Bamako Lafiabougou, suite à une instruction donnée par le chef de village de Guindimaka Nahali, Ganda CAMARA. Cette fois, c’est un autre migrant, dont nous tairons le nom du village à sa demande, victime de cette pratique honteuse, qui vient de payer une somme faramineuse à son « maître » pour obtenir sa « libération » et celle de sa famille dans un village de la contré de Soroma, toujours dans la région de Kayes. Le fait est que cette pratique préhistorique persiste et fait actuellement d’importants dégâts au sein des communautés dans la région de Kayes. Pire, les victimes souffrent dans le silence.
Des vaches, des bœufs de labour, des dizaines de grammes d’or : voilà ce qu’a payé note interlocuteur pour être enfin être « libre », pourtant bien après cette liberté qu’il avait déjà obtenue avec le Mali indépendant en 1960. Pour M. Camara, cette rançon, proposée par ses désormais ex-maitres, est une obligation pour s’affranchir de leur tutelle et être considéré comme du même rang que les notabilités de sa contrée.
Une cérémonie pour affranchir
Selon M. Mamedi Gassama, notable du village, pour affranchir un esclave ou une famille d’esclaves, maîtres et esclaves se réunissent en présence des chefs religieux et le chef de village. « Le maître déclare son prix. Si c’est exorbitant pour l’esclave, nous autres de l’assemblée intervenons pour ramener ce prix à un niveau abordable afin de permettre à l’esclave de pouvoir s’en acquitter afin d’être libre. Mais, le maître a le droit de refuser toute transaction et l’esclave est alors tenu de rester soumis à son maître», nous explique ce notable. Mais le pire est que ce processus se fait souvent sous les yeux indifférents des représentants de l’Eta, qui ne rappellent pas les dispositions de la Constitution du pays.
Selon M. CAMARA, les personnes, vivant dans cette triste situation, sont considérées comme esclaves par les autochtones. « Ceux qui sont considérés comme esclaves sont ainsi privés de certains droits. Ils sont réduits au rang de citoyens inférieurs. Si tu es esclave, même si tu as des millions, tu vas cultiver le champ de ton maître. Pire, tu es à la disposition de ses femmes et de ses enfants. Eux peuvent te commissionner à faire du n’importe quoi. Avant que je ne sois affranchi, j’ai fait la corvée d’eau pour les épouses de mon maître. Pire, on n’a même pas droit à un simple ‘’Merci’’ », a-t-il déploré, avant de révéler qu’il a fait toute cette démarche pour soustraire sa progéniture de cet état. «Si je ne me fais pas affranchir, mes enfants aussi seront pas considérés comme esclaves et n’auront droit à aucune considération au sein de la communauté. On les traitera comme des sous hommes. Malgré qu’ils soient nés en Europe, ils ne seront toujours que de piètres esclaves dans leur propre pays. Tous les maliens sont censés naître libres et égaux depuis 1960. Pourtant, nous qui sommes nés après l’indépendance du Mali, demeurons toujours esclaves à cause d’une tradition obscurantiste qui persiste dans l’indifférence générale.», a-t-il déploré. Pour M. CAMARA, cette forme d’exploitation n’est rien d’autre que la loi du plus fort. Le nouvel affranchi assure éprouver de la peine pour des gens qui n’ont pas de moyens de s’affranchir. « Il faut que l’Etat prenne ses responsabilité pour donner à chaque malien sa liberté », a-t-il appelé de ses vœux !
Une fois affranchi, M. CAMARA se dit fier d’être un soninké digne de ce nom. «On ne pourra plus me refuser une faveur parce que je suis esclave. Mes enfants pourront désormais prétendre à la main des filles des nobles de notre communauté. Je suis fier de devenir noble », a-t-il dit avec allégresse.
Signalons que cette tradition est toujours entretenue par certaines communautés du Mali et qui ne sont pas près de s’en débarrasser, car ces soi-disant esclaves constituent une véritable main d’œuvre gratuite, puisqu’ils ont de surcroît une valeur marchande comme on le faisait dans les anciens royaumes africains.
Selon Mamadou TAMBASSY, communicateur traditionnel, cette pratique est propre à certaines communautés qui n’ont jusque-là pas compris que ces esclaves doivent être classés parmi les hommes de castes. «Chez nous, par exemple, les esclaves sont là pour agrémenter nos mariages, baptêmes et autres manifestations culturelles. Ils viennent souvent aider les gens dans les tâches, dans la joie et après on leur donne des cadeaux. Tout ceci se passe dans l’entente, sans qu’on ne les oblique à quoi que ce soit. Et cela doit être valable pour toutes les communautés du Mali », explique ce traditionnaliste.
Signalons que la renaissance de l’esclavage dans les sociétés devient de plus en plus inquiétante. En effet, selon l’association «TEMEDT», 800.000 personnes demeurent encore en esclavage au Mali.

PAR CHRISTELLE KONE

Info-matin

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