Dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, Aboubacar Sidiki Fomba, membre du Conseil national de la Transition (CNT), vice-président du Collectif pour la refondation du Mali (Corema) et Président du parti ADPEM, appelle à ne pas poursuivre les soutiens de la Transition devant la justice.
Pour ce membre de l’organe législatif de Transition nommé par décret du Chef de l’Etat, «même si les soutiens de la transition violent la loi, commettent une infraction, on ne doit pas les arrêter». Cette ‘’haute personnalité de l’Etat’’ appelle à donner des ordres aux magistrats en charge de l’application de la loi de n’engager aucune poursuite pénale contre les soutiens de la Transition. Et, plus grave, il s’accorde même la liberté de citer nommément certains vidéomen.
Voilà des déclarations qui jettent le discrédit sur le pouvoir judiciaire et ternissent l’image du Mali sur la scène internationale. Cette sortie du vice-président du COREMA a au moins le mérite de confirmer ce que nous vivons actuellement dans ce pays. Pour ceux qui observent de près l’actualité des prétoires, notamment de certaines juridictions de première instance du district de Bamako, il est loisible de constater que les mandats de dépôt varient selon la prise de position des justiciables.
Celles et ceux qui soutiennent la transition sont poursuivis non détenus alors que des critiques déclarés de la gestion des affaires publiques sont placés en détention. Certains sont obligés d’accepter en désespoir de cause une médiation pénale si le présumé auteur de l’infraction est un fantassin de cette «armée noire» qui tire via les réseaux sociaux sur toutes celles et tous ceux qui osent dénoncer les dérapages des autorités de la Transition.
Les procédures engagées contre les critiques de la transition ont la vitesse de l’éclair tandis que celles dirigées contre les inconditionnels des autorités actuelles sont conduites à pas de tortue. «Tu es critique à la Transition – si l’on te convoque dron – c’est mandat de dépôt direct en attendant le jugement. Seuls les super-citoyens sont autorisés à violer sans crainte», a ironisé sur sa page facebook notre jeune confrère Malick Konaté, contraint aujourd’hui à l’exil à cause de ses prises de position.
Il faut rappeler que la roue de l’histoire tourne. Hier, nombreux parmi ceux ou celles qui pouvaient donner des ordres pour emprisonner un opposant ou un adversaire sont aujourd’hui en exil, ou en prison, ou sous terre. Demain, ceux ou celles qui donnent ces ordres pareils peuvent aller en prison ou en exil s’ils sont en vie. Il suffit de regarder le procès sur les événements du 28 septembre en Guinée. Il suffit de se rappeler que Karim Kéïta est obligé de s’éloigner du pays où des gens massaient dans un avenir récent ses pieds pour obtenir ses faveurs.
Dans un communiqué de presse sur le projet de constitution, le Syndicat libre de la magistrature (Sylima) a rappelé que «tout homme est un potentiel justiciable et que nul n’a intérêt à voir sa cause examinée par un Pouvoir Judiciaire inféodé au prince du jour qui pourrait l’instrumentaliser à des fins autres que républicaines». Oui, personne n’a intérêt à ce que sa cause soit examinée par un «pouvoir judiciaire inféodé au prince du jour».
L’injustice est la première source d’insécurité et d’instabilité dans une société.
Par Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger