Des dénonciations bien documentées ont mis la puce à l’oreille du Bureau du Vérificateur général (BVG) qui est en train d’enquêter sur des cas de spéculations foncières à Bamako et environs.
Selon des analystes, la politique des logements sociaux empiète sur l’agriculture périurbaine qui se trouve de plus en plus délaissée au profit des concessions à usage d’habitat. C’est pour cette raison que le gouvernement, en application des recommandations des Assises nationales de la refondation, a décidé de suspendre la modification des titres fonciers (TF) à vocation agricole.
En attendant la suite des enquêtes du BVG, c’est la panique dans certains milieux politiques et administratifs. La modification des TF profite aux personnes les plus influentes, les mieux renseignées dont des hauts fonctionnaires de l’administration.
Selon un spécialiste, la lecture de la carte laisse apparaître l’incidence négative des TF sur l’agriculture aux environs de Bamako, puisqu’on peut constater que nombre de TF n’ont pas du tout pour vocation l’agriculture. “Environ 70 % sont destinés à la concession à usage d’habitation et le reste se partage
entre concessions à usage agricole, industriel, commercial”, à en croire les observateurs.
L’un des constats est que cette mutation dans les usages se concentre dans les communes jouxtant Bamako. Par exemple, sur un total de 19 329 TF enregistrés, environ 85 % sont destinés à l’habitat pour Kalabancoro, contre 52 % pour Ouéléssébougou. Il est admis que l’agriculture est la vocation première des TF attribués dans les communes de Baguinéda, Sanankoroba, Dialakoroba, Safo, Kambila,
Kalifabougou, Dio-Gare.
A en croire les spécialistes, le morcellement des parcelles et le transfert de droit de propriété sont des pratiques qui contribuent à modifier la vocation initialement agricole des terrains et de plus en plus génère la conversion des terres agricoles en parcelles habitables.
De ce fait, l’objectif de certains acquéreurs semble être la “commercialisation” des terres à travers les morcellements. Ainsi, quelque 55 % des TF sont issus des morcellements, soit
24 130 sur un total de 43 694 et avec un moyenne de 19 par TF.
Les communes jouxtant Bamako se démarquent par l’importance des morcellements.
Ces pratiques servent très peu les intérêts agricoles d’une part, d’autre part elles entretiennent une paysannerie sans terre, anéantissent la promotion de l’agriculture familiale dans les communes périurbaines de Bamako.
Ces nouveaux “propriétaires” ne sont pas à même de promouvoir l’essor de l’agriculture dans les zones périurbaines dans la mesure où ces nouvelles acquisitions n’ont pas pour vocation l’agriculture, mais plutôt l’habitat ou pour des fins de prêts hypothécaires. Les syndicats des ministères concernés n’ont pas
bonne presse dans cette affaire qui pourrait conduire à des poursuites judiciaires.
L’approvisionnement de Bamako en produits céréaliers et maraichers et l’accessibilité des populations à ces produits se pose avec acuité. L’agriculture périurbaine et la recherche agricole sont menacées par les TF au moment où les autorités veulent combattre la corruption dans ce secteur.
Moctar Touré
le focus