Le Mali semble désormais abonné aux pays qui se sont embourbés dans le cercle vicieux des coups d’Etat à répétition. Aujourd’hui, le pays a de nouveau rendez-vous avec une transition, la troisième de son histoire. En attendant de connaitre les contours de cette transition, il est vital de poser le diagnostic de la gouvernance au Mali. Car, il est fort à craindre que le pays ait pris l’habitude très regrettable d’évincer le président en place, dès que la gouvernance soit contestée.
Il n’y a pas si longtemps, le pays était pourtant cité comme un modèle de stabilité institutionnelle et même sécuritaire. Un modèle qui a vite fait de s’effondrer car ne reposant pas sur des bases solides. Le putsch inopiné et hasardeux de 2012 eut au moins le mérite de mettre à nue les tares d’une gouvernance qui n’était belle que de façade. Huit ans, et à peine deux ans après la réélection du président en place, un autre putsch survint. Beaucoup mieux préparé celui-ci. Trop bien préparée même, diront certains. Qu’à cela ne tienne, ce qui est fait est fait. Il faut aller de l’avant.
La mauvaise gouvernance avec son corollaire de corruptions en est une des principales raisons. Rentrée par la grande porte avec l’avènement de la démocratie, du sommet vers la base, aujourd’hui, la corruption gangrène tous les secteurs d’activités au Mali. Pire encore, elle ferait même partie aujourd’hui des us de la société malienne, au même titre que notre légendaire Sinankouya. Qui ne s’accommode pas de la corruption au Mali avec son lit de petits arrangements, est traite de méchant, d’anti-social, et même, tenez-vous bien, de danga den, enfant maudit. L’illicite est devenu licite, les valeurs morales ont tendance à disparaitre, et la justice laisse place à l’impunité. Au point que nos palais de Justice, justement censé rendre justice, se transforme en véritables souks où la raison est donné aux plus nantis. La maxime de Victor Hugo aura trouvé tout son sens au Mali : selon que vous soyez puissant ou misérable, la Justice vous rendra innocent ou coupable.
Le régime IBK fut incapable d’imposer la gouvernance vertueuse tant souhaitée, du sommet vers la base. Son cercle rapproché, et même des hauts gradés de son armée, se seraient rendus coupables de crimes économiques qualifiés. Le tout sans qu’aucun suspect soit poursuivi. A l’épreuve du pouvoir, IBK n’était ni plus ni moins qu’un effet d’annonce. Au prochain président de la République de comprendre qu’il doit avoir l’ombre posé pour imposer tout ce qu’il croit être bon pour le pays.
Que dire alors du système en place ? Qu’il soit judiciaire, politique ou institutionnel, force est de reconnaitre qu’il est en total déphasage avec les réalités du pays. A ce niveau, un travail de réflexion devra être mené. Le copier-coller ne peut être une stratégie de gouvernance. Le Mali mérite lui aussi d’avoir son propre système. A titre d’exemple, le système politique en place entend appliquer la démocratie classique faite de contradiction, avec en place une majorité et une opposition. Le bureau du chef de file de l’opposition a un budget annuel de 500 millions pour exercer son rôle de contre-pouvoir. Cependant, dans un pays où le taux d’analphabétisme reste élevé, le citoyen lambda aura du mal à comprendre les subtilités que dégage un tel système. De plus, adopter un tel système dans un pays où les fondamentaux peine à exister, ne relèverait-il pas du luxe ? Comment peut-on critiquer à outrance la gouvernance dans un pays où toutes les forces doivent être unies pour vaincre le marasme ambiant ? S’adonner à une telle mise en scène est une grande perte de temps et d’énergie. Construisons l’essentiel, ensuite on verra !
Enfin, la classe militaire et politique devront comprendre qu’ils n’ont pas carte blanche. Les soldats devront regagner les casernes et garder à l’esprit qu’ils ne doivent pas avoir la gâchette facile pour une autre interruption de gouvernance. Quant aux politiques, qu’ils évitent d’instrumentaliser la masse populaire en profitant des frustrations du moment.
Ahmed M. Thiam