Les lampions se sont éteints sur le sixième sommet de la CEDEAO sans que les chefs d’État parviennent à un consensus sur la levée des sanctions au Mali et les suspensions de ses instances de la Guinée et du Burkina. C’est ce que j’ai retenu dans les nombreux comptes rendus mettant de côté les suspensions de la Guinée Conakry et du Burkina Faso..
En essayant de lever un coin de voile sur les récentes révélations de ce 6e sommet de la CEDEAO consacré aux putschistes du Mali, de Guinée Conakry et du Burkina Faso, l’on se rend compte que les pays mis en avant, dans l’exigence d’une durée raisonnable de « seize mois » assortie « d’un mécanisme de suivi » draconien, sont désormais tous anglophones et ne partagent pas de frontières avec le Mali, à l’exception du Niger. Ce dernier ayant accepté de se parer du costume de gendarme de la Françafrique, son cas n’étonne point. Mais, le Nigéria, la Gambie et le Ghana que l’on n’a jamais situé dans le pré carré français et pour cause ! Ils sont anglophones, mais ont aussi la particularité de n’avoir pas une opinion nationale braquée sur les mesures vigoureuses contre le Mali. Hasard ou calcul, ils sont situés loin de nous, à l’antipode de la Côte d’Ivoire ou du Sénégal. Aussi, l’on est en droit de s’interroger : n’a-t-on pas changé de stratégie vis-à-vis du Mali en redistribuant les rôles de «la brute et du bon» pour soulager Alassane Dramane Ouattara et Macky Sall ? Dont les opinions, très turbulentes, sont passablement remontées, comme jamais, contre une batterie de mesures, qu’elles jugent iniques et illégales, pesant davantage sur les populations que sur le pouvoir. En outre, ces deux pays, pour ne citer qu’eux, ont reçu sous forme d’effet boomerang les contrecoups des mesures exténuantes à impact négatif avéré sur leurs activités économiques jusque-là fécondes et séculaires avec ce vaste voisin à immense potentiel de consommateurs.
Si en Afrique Centrale, Charles Onana, journaliste d’investigation camerounais, dans un best-seller, a révélé les sentiers tortueux qui ont mené à la guerre au Congo Démocratique à la recherche du coltan et des autres « minerais de sang » et que personne ne l’a encore vraiment contredit, l’on pencherait au Mali vers un scénario catastrophe similaire. De nombreuses thèses tendent, en effet, à démontrer les tentatives de « casser » le Mali, pays tampon du Sahel, considéré comme un vrai scandale géologique.
Dès lors, les regards se tournent vers un tour de passe-passe qui conduirait le Nigérian Muhammad Buhari, le Ghanéen Nana Akufo- Addo et le Gambien Adama Barrow à se parer des vertus de redresseurs de torts, en traînant en longueur les sanctions contre le Mali, enveloppés dans un sommet pour réguler la démocratie en perdition, confisquée, selon eux, par des putschistes.
La Guinée et le Burkina concernés, mais dont on entend très peu parler, sont en réalité pris dans la nasse pour l’exemple et pour ne pas singulariser le cas malien, véritable épine dans le pied de la sous-région. En second lieu vient à l’esprit la possibilité pour la gangrène des coups d’Etat de prospérer, tant l’exemple malien est salué sur le continent pour avoir restauré au Mali d’abord et à l’Afrique ensuite leur dignité par des prises de position courageuses et inédites.
Le récent sommet d’Accra a été, à cet égard, révélateur de deux « astuces » propres à la Françafrique : mettre, d’une part, à l’abri les pays (Côte d’Ivoire et Sénégal) jusque-là exposés à la vindicte populaire et fragilisés par les sanctions contre le Mali ; de l’autre, jeter un écran de fumée sur le rôle éventuel de la France dans les décisions de l’organisation sous régionale en laissant l’impression que les pères Fouettards du Mali, ses pourfendeurs sont désormais des anglophones exaspérés par notre attitude.
En réalité, dans les deux cas, qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit d’une fuite en avant dont la limite est fixée au 3 juillet prochain.
Lors de ce sommet, en effet, le Mali et ses deux voisins, indexés pour leurs intransigeances, auront appris de leurs propres démarches, de leurs déconvenues subséquentes et surtout des pièges ourdis pour faire durer « le couteau [des mesures] dans la plaie «. En esquivant, ils amèneront les matamores de substitution à se découvrir davantage ou à accepter de lever les mesures et les suspensions. D’autant qu’il s’est avéré, cinq mois après, qu’elles ne sont pas (ces mesures) la panacée dans le frein aux putschs, qui sont de fait causés pour l’essentiel par les effets négatifs des entorses faites aux règles démocratiques (par les 3e mandats et les manipulations électorales).
Seidina Oumar Dicko -DSO-
Journaliste- Historien- Écrivain
Source : Info-Matin