Mardi 28 novembre 2017, le président Emmanuel Macron a prononcé dans l’amphithéâtre de l’Université de Ouaga I, un discours pour le moins confus. Quelques passages ont attiré notre attention. A chaque étape, nous tenterons une appréciation.
D’entrée de jeu, le passage de Macon à Ouagadougou nous rappelle celui du Général De Gaulle en Afrique lorsque ‘’les pieds noirs‘’ et les autres populations de ce pays étaient à couteau-tiré. De Gaulle a dit à cette occasion: «Algériens, je vous ai compris». Cette phrase avait fait croire à chaque protagoniste que De Gaulle l’a compris utilement. Ce discours a fait naître en Algérie l’espoir d’un lendemain nouveau. Mais, à regarder plus au fond, ce discours a tout réglé pour ne rien régler du tout.
D’autre part, le Général De Gaulle, dans sa tournée africaine, en 1958, a fait croire aux aveugles que la France était désormais prête à respecter les choix des peuples africains. Il avait proposé deux (02) choix: rester dans la communauté française avec possibilité d’indépendance progressive ou réclamer l’indépendance immédiate.
Le 28 septembre 1958, le Guide de la révolution guinéenne, Ahmed Sékou, avait répondu à DE Gaulle: «La paix dans la pauvreté, vaut mieux l’opulence dans l’esclavage. Non à la communauté française. La Guinée veut son indépendance ici et maintenant». Et le Général De Gaulle de répliquer: «Si la Guinée veut son indépendance, elle peut la prendre, la France ne s’y opposera pas».
A peine parti de Guinée, les bulldozers français ont entamé la démolition du chemin de fer colonial ainsi que des bâtiments construits par le colonisateur français. Mais là où De Gaulle a péché, c’est qu’il n’a pas ordonné à la France de restituer à la Guinée les richesses naturelles et humaines dilapidées pendant l’ère coloniale.
L’actuel président français Emmanuel Macron a dit à Ouagadougou: «Il n’y a plus de politique africaine de la France !» Il est vraiment le De Gaulle de 2017. Il a dit: «Je suis d’une génération de Français pour qui les crimes de la colonisation européenne sont incontestables.» Mais quant aux réparations des dommages de la colonisation française en Afrique, c’est silence-radio.
Il dit par ailleurs: «Je suis d’une génération où on ne vient pas dire à l’Afrique ce qu’elle doit faire, … mais où partout on encouragera celles et ceux qui en Afrique, veulent prendre leurs responsabilités, veulent faire souffler le vent de la liberté et de l’émancipation.» Ce discours n’est pas plus tranché que celui de son grand père, François Mitterrand, en 1990, à la Baule en France devant les Chefs d’Etats et de Gouvernements d’Afrique. Mitterrand a dit que l’aide de la France sera désormais subordonnée à la démocratisation des pays demandeurs. Macron n’est que le Mitterrand de 2017.
Le jeune président français s’adressant aux jeunes ouagadais a dit: «Vous ne pouvez pas simplement gagner la bataille contre le terrorisme si, dans le même temps, vous ne gagnez pas celui du développement économique et de la stabilité.» Mais le jeune président, en bon dialecticien, ne peut oser dire aux jeunes gens du Burkina Faso et donc de l’Afrique la lourde responsabilité de la France dans le désastre socio-économique et politique du continent africain. Il tente ici de soigner la plaie sur du pus. Que cela est diabolique ! Allez demander aux meilleurs médecins ce que cela donne inévitablement !
S’agissant des crimes contre l’humanité en Libye, Macron a dit: «…C’est une responsabilité de dire que les drames qui se déroulent sous nos yeux en Libye sont un crime contre l’humanité…» Mais le président Macron a oublié de se poser la toute petite question de savoir pourquoi les crimes contre l’humanité en Libye aujourd’hui.
L’autre crime contre l’humanité qui a engendré la vente de migrants, c’est celui causé par la France ayant pour seul gage dans ce pays de régler ses comptes avec Mouammar Kadafi, afin de faire de la Libye et du reste du Sahel un no man’s land. La guerre de Nicolas Sarkozy contre Kadafi a coûté la vie à des milliers de femmes et d’enfants de Libye. Quel crime horrible ! Où était Emmanuel Macron en 2011, lorsque la France larguait ses tonnes d’armements dans le désert libyen ? Il ne pouvait en dire mot dans la capitale du Faso.
Macron dit que la France a commencé à lutter contre le terrorisme en lien avec les autorités tchadiennes et nigériennes. Mais il n’a pas osé dire (et il le sait très bien) que depuis longtemps, le Tchad est utilisé par l’armée française pour mener ses combats au sol.
Le Niger abritant le Quartier général (QG) du G5 Sahel, ne pouvait mériter que des compliments de le part de la France qui a créé de toutes pièces chez nous la rébellion et le terrorisme qui endeuillent des familles entières dans le Sahel et donc avant tout au Mali dont le président français évite soigneusement de prononcer le nom.
Enfin, rapportant Felwine Sarr, Macron a dit: «L’Afrique n’a personne à rattraper, elle ne doit plus courir sur les sentiers qu’on lui indique, mais marcher prestement sur le chemin qu’elle se sera choisi.»
Hier donc comme aujourd’hui, les dirigeants français ont travaillé et travaillent toujours à tromper les peuples d’Afrique. Emmanuel Macron doit savoir que la France ne peut plus rien faire chez nous sans croiser le fer avec la jeunesse africaine, victime des vendettas de cette France coloniale. Il doit relire Abraham Lincoln: «On peut tromper une partie du peuple tout le temps, tout le peuple une partie du temps, mais pas tout le peuple tout le temps.» Macron accomplit pour la France une mission stratégique pour l’avenir. Qui veut-il donc tromper ?
Par son discours de Ouaga dont il n’ose pas révéler que son pays est contraint de changer le fusil d’épaule pour ne pas revenir à la traîne de l’histoire universelle, Macron a dévoilé sa face cachée à la jeunesse africaine.
Fodé KEITA
Source: Inter De Bamako