Le début de semaine a été très mouvementé dans le cercle de Kéniéba (Région de Kayes). Et pour cause, le lundi 11 juin 2018, la population a manifesté pour une meilleure gestion de l’emploi au sein de la société minière de Gounkoto. Faute d’’interlocuteur valable, la tension a monté entre les autorités locales (préfet) et les représentants des manifestants (chef de village, conseillers et la jeunesse) et il n’en fallait pas plus pour voir la manifestation dégénérer. Les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur les populations faisant un mort et de six blessés, selon nos interlocuteurs. Les bureaux et le domicile du préfet de Kéniéba ont été incendiés. Les cartes d’électeur biométriques de la localité réceptionnées récemment ont été également incendiées, selon un communiqué du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, chargé de l’organisation des élections au Mali.
Selon un manifestant de Kéniéba ce jour, contacté par Le Républicain, la marche a causé une perte en vie humaine et des blessés. La situation a dérapé après l’échec de l’intervention du chef de village de Kénéiba, Talanba Sékou Sissoko et ses conseillers auprès du préfet de Kéniéba, pour décanter la crise qui prévalait déjà entre la communauté jeune du cercle de Kéniéba et les responsables de la société minière de Gounkoto. La pomme de discorde de cette crise s’expliquerait par la discrimination que les jeunes reprochent aux responsables de la société en ce qui concerne l’emploi dans la mine de Gounkoto. Selon nos interlocuteurs, le chef de village s’étant rendu chez le préfet, en compagnie de ses conseillers a été accueilli par des jets de gaz lacrymogène lancé par les policiers qui s’y trouvaient en faction. Le chef de village a fait alors appel aux populations à se retrouver sur la place publique Bantan Kéita pour affaire les concernant. Ordre du jour : « traitement inhumain et dégradant infligé par les policiers sur la personne du chef de village et ses conseillers ; attitude irresponsable du préfet ».
La visite du chef de village chez le préfet faisait suite à celle de la jeunesse, qui était venue demander l’intercession du préfet dans la question d’emploi qui l’oppose à la direction de la mine de Gounkoto. Au lieu de lui venir en aide, le préfet avait traité cette jeunesse de Kéniéba «d’indisciplinée», « d’impolie », et d’ « incapable », qui n’aime que la « pagaille », alors que la délégation de la jeunesse était allée le voir pour demander sa médiation dans la crise qui l’oppose avec Gounkoto, explique un responsable des jeunes joint au téléphone.
Les manifestants ont mis le feu à la préfecture avant de se diriger vers le domicile du préfet. Selon nos interlocuteurs, le commissaire Diabaté tenta de dissuader les marcheurs et aurait dit à ses hommes de ne pas tirer sur la foule. Consigne que ses éléments n’ont pas suivie et qui ont tiré à balle réelle dans tout les sens sur les manifestants. Le bilan est lourd: un mort et six blessés graves. Le domicile du préfet n’a pas échappé à la furie de la foule qui fut incendié aussi.
Depuis quelques semaines, pour protester contre les conditions d’embauche dans la mine de Gounkoto et la lenteur dans le traitement de leurs revendications déposées auprès des responsables miniers de Gounkoto, la jeunesse du cercle de Kéniéba travaillant dans ladite mine, a fait un sit-in devant Gounkoto. A la suite de ce sit-in, selon nos interlocuteurs, une vingtaine de jeunes ont été licenciés par l’administration minière dont le président de la jeunesse communale de Kéniéba, Toutouba Sissoko. «C’est ainsi que les licenciés ont entamé des démarches auprès des autorités locales dont le préfet. La réponse du préfet à leur endroit a été que la jeunesse Kéniébienne est indisciplinée, impolie, aime trop la pagaille. C’est suite à cette réaction maladroite du préfet que lesdits licenciés ont programmé une marche qui a débuté dimanche 10 juin à 00h 00 avec comme but d’empêcher les travailleurs de Gounkoto qui dorment dans la ville de Kéniéba de se rendre à la mine pour travailler. Préoccupée par cette situation, la Mine de Gounkoto a envoyé des gardes de la mine pour traquer les manifestants à la sortie de la ville de Kiénéba. L’intervention du chef de village est arrivée à la suite de ce cafouillage. C’est soucieux de ce climat délétère que le chef de village a pris son bâton de pèlerin pour voir le préfet. Sans chercher à comprendre, les policiers les ont reçus par des gaz lacrymogènes et le résultat de cette action irréfléchie est la perte en vie humaine et des blessés», selon nos interlocuteurs dans la ville de Kéniéba.
Le bilan de la répression policière est assez lourde: un mort en la personne de Brouma Samaké, six blessés graves. Selon la liste fournie par nos interlocuteurs, il s’agit de : Mallé Sissoko (blessé par balle à la jambe), Moctar Kéita (blessé par balle au bras et au dos), Bantan Sissoko (blessé par balle au genou gauche), Alpha Fadiga (jambe broyée), Abdou Sy (qui a pris une balle à la cuisse), Tiéourou Sissoko (blessé par balle à l’avant bras). Certains blessés, attendaient leur évacuation à Bamako.
Les nouvelles cartes d’électeur de Kéniéba parties en fumée
A la suite de la manifestation, le ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation a pondu un communiqué pour dire que les nouvelles cartes d’électeurs biométriques de la localité, réceptionnées récemment ont été incendiées par les manifestants. « Le Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation informe l’opinion nationale que ce Lundi 11 juin 2018, à la suite d’un différend entre des travailleurs et la mine de SOMILO (Société Minière de Loulou Goukouto), des manifestants se sont attaqués aux édifices publics en saccageant les bureau de la Préfecture, la résidence du Préfet les résidences du Premier Adjoint et du Deuxième Adjoint au Préfet. Lors de ces attaques, les cartes d’électeur biométriques récemment reçues, ont été également brulées », indique le communiqué du ministre en charge des élections.
Le lendemain, le mardi 12 juin 2018, la société minière Randgold Resources a également fait un communiqué pour signaler qu’elle emploie plus de 300 personnes de la localité. « Randgold Resources a appris que les actions d’une manifestation de jeunes dans la ville de Kenieba à l’ouest du Mali ont causé la destruction de propriétés appartenant aux autorités locales et au gouvernement du Mali. Kenieba est situé à 17 kilomètres de sa mine de Gounkoto, et cette mine emploie plus de 300 personnes de la localité. La compagnie regrette l’usage de la violence contre les individus et les institutions qui font partie de la communauté élargie de Gounkoto. Selon l’information qu’elle a reçu le gouvernement est en train de prendre des mesures appropriées pour résoudre la situation », précise le communiqué de la Société minière.
Hadama B. Fofana & Aguibou Sogodogo
Source: Le Républicain