Que vaut un rapport du Vérificateur Général si ses recommandations ne sont pas appliquées ? Cette question, lourde de sens, se pose aujourd’hui avec insistance alors que le dernier suivi de la gestion des Entrepôts Maliens au Sénégal (EMASE) révèle un constat accablant : sur les 11 recommandations formulées en 2020, moins de 40 % ont été mises en œuvre.
Bamada.net-Ce chiffre est plus qu’un simple indicateur de performance administrative. Il illustre une inertie préoccupante, un symptôme chronique d’un mal profond qui gangrène nos institutions publiques : l’impunité face à la mauvaise gestion.
Un enjeu stratégique pour l’économie nationale
Les EMASE ne sont pas une structure anodine. Leur rôle est crucial pour un pays enclavé comme le Mali. 59 % de nos importations transitent par le port de Dakar, et en trois ans, plus de 11 millions de tonnes de produits de première nécessité y sont passées. En d’autres termes, les EMASE sont un maillon vital de notre économie.
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Alors, comment expliquer qu’une infrastructure aussi stratégique souffre d’une gestion aussi chaotique ? Le rapport du BVG met en lumière des dysfonctionnements graves, dont certains flirtent avec l’illégalité.
Prenons un exemple criant : le non-recouvrement de l’Impôt sur les Traitements et Salaires (ITS). Voilà des années que les EMASE ne prélèvent ni ne reversent cet impôt dû à l’État. Comment est-il possible qu’une structure publique puisse ainsi s’exonérer de ses obligations fiscales sans conséquence ?
Une inertie organisée ou un manque de volonté ?
Les autorités compétentes ne peuvent pas dire qu’elles ne savaient pas. Depuis 2020, les alertes ont été nombreuses. Pourtant, sur le terrain, les mêmes pratiques perdurent.
🔴 Le cadre organique des EMASE n’est toujours pas respecté. Alors que la loi fixe un effectif maximal de 61 agents, on en compte aujourd’hui 77.
🔴 La comptabilité des biens reste inexistante. Aucun inventaire précis des équipements n’a été réalisé, et le matériel n’est toujours pas codifié.
🔴 Des recettes continuent d’être gérées dans l’opacité. Le parking de Mbao génère des fonds, mais ceux-ci ne sont pas collectés et versés par un comptable public, comme l’exige la loi.
Face à ces constats, l’inaction devient une faute. Il ne s’agit plus d’un simple retard administratif, mais bien d’une forme de négligence qui fragilise la souveraineté économique du Mali.
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L’heure de rendre des comptes
Nous devons nous poser la question : à qui profite cette situation ? Car derrière chaque dysfonctionnement, il y a des intérêts bien réels, et tant que personne ne sera tenu responsable, les mêmes dérives continueront.
Le Vérificateur Général a fait son travail en identifiant les failles. Mais son rôle s’arrête là. Il revient désormais aux autorités de prendre leurs responsabilités et d’agir. Les excuses ne sont plus valables.
Les EMASE doivent cesser d’être un point de fuite financière et redevenir un outil efficace au service du commerce extérieur du Mali. C’est une question de gouvernance, de crédibilité, et surtout, de respect envers les citoyens maliens qui, eux, n’ont d’autre choix que de payer leurs impôts et de respecter les lois.
Il est temps d’agir. Vraiment.
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Ladji DJIGA Sidibé
Source: Bamada.net