Les élections communales et régionales annoncées pour avril 2015, ne se tiendront probablement qu’en octobre prochain. C’est la principale recommandation d’une réunion entre le cadre de concertation des partis politiques et le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Conséquences : les maires vont continuer à exercer leur fonction.
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Le report des élections communales et régionales a été annoncé, le jeudi dernier, lors d’une rencontre entre le cadre de concertation des partis politiques et le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Abdoulaye Idrissa Maïga. Ce report fait l’objet de beaucoup de controverses dans la mesure où il viole expressément les textes de la République. Les élus communaux vont voir proroger à nouveau leur mandat, qui, de toute évidence, va passer de 5 à 7 ans. Ce qui est contraire à la loi. Pour noyer le poisson, le gouvernement n’a trouvé d’autres parades que d’associer les partis politiques à cette mascarade. Qui ont, à bras ouvert, accueilli la proposition gouvernementale de reporter la tenue des élections. Ils (les partis politiques) sont même allés très loin en proposant eux-mêmes le dernier trimestre comme période indicative pour la tenue des élections communales et régionales.
Le Conseil des ministres du 26 février 2014 avait décidé (pour la première fois) de proroger les mandats des élus communaux pour six mois. C’était conformément à loi N° 2012-007 / du février 2012 portant Code des collectivités territoriales. Qui stipule en son article 7 que : « Le mandat du conseil communal est de cinq (5) ans. Toutefois, il peut être prorogé de six (06) mois, au plus, par décret motivé pris en Conseil des Ministres ». La loi dit 6 mois, au plus.
Ensuite à la fin de cette première prorogation, le gouvernement a eu recourt à une seconde qui prendra fin en avril prochain. Avant même cette date, on se dirige très certainement vers une troisième prorogation des mandats des conseillers communaux. Motifs invoqués : l’insécurité dans le septentrion, le non-retour des réfugiés et des populations déplacées.
Dans leur écrasante majorité, les partis politiques ont opté pour le report des élections communales et régionales. Et ouvrent ainsi une brèche pour le gouvernement qui se trouvait devant un dilemme : organiser des élections bâclées (sans Kidal) et consacrer la partition du pays ou ne pas le faire et opter pour la violation de la loi. La seconde option fut approuvée avec toutes les conséquences prévisibles. Le gouvernement aura les mains libres pour organiser les élections communales, régionales et du district à sa guise. Il aura 9 mois supplémentaires pour « souffler ». Et les élus communaux (dont certains ont perdu toute crédibilité auprès de leur électorat) auront la même période pour continuer à exploiter les maigres ressources des collectivités locales.
Ils ne partagent pas le report…
Et pourtant, il y a des alternatives à ce choix. L’article 11 de la même loi indique que : « en cas de dissolution du Conseil communal ou de démission de tous ses membres, ou en cas d’annulation devenue définitive de l’élection de tous ses membres, ou lorsque le Conseil communal ne peut être constitué, une Délégation spéciale est désignée dans les 15 jours pour en remplir les fonctions… ». Qu’est-ce qui empêche le gouvernement de recourir à ce texte ? La réponse peut être surprenante. Il s’agit de laisser les élus communaux faire main basse sur les ressources locales afin de les maintenir dans le silence. Parce que le rôle de la délégation spéciale est connu. L’article 11 (deuxième alinéa) : « Toutefois, elle (délégation spéciale, ndlr) ne peut : – aliéner ou échanger des propriétés communales ; créer des services publics ; contracter des emprunts ; recruter du personnel… ». Alors que dans les décrets de prorogation, l’exécutif n’a jamais pris le soin de limiter les pouvoirs des conseils communaux ou des maires.
Mais d’autres acteurs de la vie politique ne partagent pas ce report (raccourci ?) du gouvernement pour masquer son incapacité d’organiser les élections de proximité, 19 mois après l’investiture du Président IBK. L’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali s’oppose à tout report de la date des élections communales et régionales qui « constituent un pan important pour boucler le processus électoral en cours, et contribuer à la restauration de la paix et la démocratie locale ». Certains milieux politiques aussi ne souhaitent pas de report, mais estiment, en même temps, la tenue des élections dans le contexte actuel, sans d’autres parties du Mali, est à éviter pour des raisons sécuritaires.
Idrissa Maïga
source : L AUBE