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L’avenir politique au Mali : BARRAGE CONTRE LA CRAINTE

L’Histoire récente a permis de tester la résilience des Maliens. Qui doivent désormais opposer une double riposte au terrorisme

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De quoi demain sera-t-il fait ? Nombreux ont été certainement ceux de nos compatriotes qui se sont endormis le week-end dernier avec cette interrogation à l’esprit. Nombreux aussi ont certainement été ceux qui se sont rappelé l’angoisse qu’ils avaient ressentie en deux précédentes circonstances. La première fois, c’était le 10 janvier 2012 lorsqu’est tombée la nouvelle selon laquelle le verrou de Konna, que tous pensaient infranchissable, avait sauté, laissant désormais la route du Sud ouverte aux colonnes djihadistes. Un silence de cimetière s’était alors abattu sur Bamako et sur bien d’autres villes de notre pays, car absolument personne à cette période ne pouvait présumer du futur qu’il nous faudrait affronter.
La deuxième fois que nos concitoyens avaient exploré le tréfonds du désespoir, c’était au soir du 21 mai 2014 quand il leur a fallu accepter la réalité du revers militaire essuyé par nos troupes à Kidal et admettre que cet événement annihilait presque tout ce que nous avions acquis en termes de sécurisation du Nord de notre pays. De nouveau, les Maliens s’étaient questionné sur le temps que cela nous prendrait pour récupérer le chemin perdu en une seule et tragique journée.
L’inquiétude éprouvée aujourd’hui se situe nettement en dessous de la désespérance que nous avaient infligée les deux précédents événements. L’attentat de La Terrasse ne nous renvoie pas à ce doute terrible que nous avions éprouvé quant à la destinée de notre pays et il ne suscite pas non plus cette terrible impression de nous retrouver entièrement dépourvus face à une catastrophe dont nous étions en peine de déceler toutes les conséquences. Il y a en effet une différence substantielle entre ce qui est arrivé la semaine passée et ce qui s’est produit en 2012 et 2014. Dans l’inconscient populaire, les désastres militaires survenus à Konna et Kidal relevaient de l’inimaginable. Par contre, l’hypothèse d’une action terroriste à Bamako appartenait au domaine du possible. Elle s’alimentait tout d’abord et depuis plus de trois ans de la profonde conviction que nourrissent la plupart de nos compatriotes sur la présence dans la capitale de cellules djihadistes dormantes, cellules qui n’attendraient qu’un signal de leurs inspirateurs pour passer à l’action.

UNE TENSION QUASI ININTERROMPUE. Cette hypothèse avait été suscitée par l’acte démentiel du Tunisien Béchir Sinoun qui le 5 janvier 2011 avait été neutralisé en possession d’un pistolet automatique et d’une grenade alors qu’il venait de déclencher un engin explosif devant l’ambassade de France au Mali. Elle avait été surtout confortée par les conditions encore non éclaircies de la sanglante évasion de la prison centrale de Bamako qu’avait orchestrée le terroriste Mohamed Aly Ag Waddoussène appuyé par des complicités extérieures. Plus récemment, l’agression dont a été victime le général Mohamed Abderrahmane Ould Meydou et dont l’identification des agresseurs s’est limitée au stade des supputations (jusqu’à ce que samedi dernier le porte-parole de Al-Mourabitoune en revendique la paternité) avait éveillé à nouveau les questionnements sur la marge de manœuvre dont pourraient bénéficier dans notre capitale des exécuteurs infiltrés. La découverte, la semaine dernière, par une patrouille de l’armée malienne d’un impressionnant arsenal d’armes de guerre dans un campement suspect à Samanko était venue indiquer que la probabilité d’une action violente à Bamako se précisait.
Tous ces faits rappellent que les Bamakois avaient, bien malgré eux, appris à vivre en gardant plus ou moins présente à l’esprit l’éventualité d’un acte terroriste qui pourrait à tout moment frapper la capitale. Mais ils ne s’attendaient certainement pas à la soudaineté et à la brutalité de ce qui est arrivé. Le traumatisme qu’ils ont subi s’explique par deux raisons. Tout d’abord, le tout récent paraphe de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali signifiait pour beaucoup de nos compatriotes une possibilité d’accalmie après trois années de tension quasi ininterrompue. Le document n’a pas été accueilli avec un enthousiasme délirant, c’est le moins que l’on puisse dire et il n’a pas encore ébranlé le noyau dur des réserves qui accompagnent depuis octobre de l’an passé les négociations d’Alger. Mais nous avions l’impression qu’une majorité silencieuse faisait progressivement contre mauvaise fortune bon cœur et se résignait à tenter l’expérience d’un rapprochement avec les mouvements armés de la Coordination. L’attentat est donc survenu à un moment où la population n’était pas psychologiquement sur ses gardes et a été d’autant plus violemment secouée par le caractère extrême de l’agression.
Ensuite, mondialisation de l’information et multiplication des exactions perpétrées dans notre Septentrion obligeant, les Bamakois s’étaient certes fait une représentation de la férocité des actes djihadistes. Mais cette appréhension restait purement abstraite et ne les avait en aucune manière préparés à la barbarie déployée par les terroristes dans le massacre de la nuit du vendredi au samedi derniers. Aujourd’hui, tous les citoyens de notre pays se rendent compte qu’une éventualité longtemps évoquée est devenue une éprouvante réalité avec laquelle il nous faut désormais vivre. Depuis trois jours, la menace a un visage, celui de Mokthar Belmokhtar ; un mode d’action, les raids meurtriers devenus une spécialité de l’organisation Al-Mourabitoune avec comme faits d’armes principaux l’attaque du complexe gazier algérien de In Amenas en janvier 2013 et l’attentat contre la mine d’Arlit au Niger en mai de la même année ; une méthode, la perpétration d’actes à forte résonnance médiatique (la presse occidentale, principale destinataire du message sanglant, a unanimement insisté sur le fait que Bamako a été frappé au cœur) ; et des buts proclamés, une soit disant réparation de l’offense faite au Prophète (travers la récente couverture de « Charlie hebdo ») et surtout une riposte aux pertes essuyées sur le terrain, notamment dans la traque lancée par les troupes de Barkhane.

AU STADE DES SUPPUTATIONS. A cet égard, le communiqué audio du porte-parole de l’organisation terroriste diffusé samedi soir par l’agence privée mauritanienne Al-Akhbar est extrêmement explicite. Al-Mourabitoune y affirme avoir organisé l’attentat de Bamako pour venger l’un de ses chefs, Ahmed El Tilemsi, tué en décembre dernier dans une opération menée par Barkhane. Rappelons que El Tilemsi avait été l’un des initiateurs du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (MUJAO) et qu’après la déroute infligée par l’opération Serval, il avait fait fusionner les combattants qui lui étaient restés fidèles avec la brigade des « Signataires du sang » de Belmokhtar pour former l’organisation Al-Mourabitoune. Le communiqué de samedi dernier revendique aussi la tentative d’assassinat perpétrée sur le général Ould Meydou pour le rôle que ce dernier a joué contre « la guerre contre les moujahidines ». Il endosse également la responsabilité d’une série d’opérations restées jusqu’ici sans signature et menées notamment contre la MINUSMA et Barkhane. Tel qu’il est rédigé, le communiqué laisse implicitement comprendre que la tactique de soit disant représailles utilisée contre des victimes civiles serait reconduite autant que nécessaire.
Nous entrons donc dans une nouvelle dimension du combat contre l’insécurité, ainsi que le montrent l’attentat perpétré le même samedi contre le poste de la police fluviale de Gao et l’attaque à la roquette lancée dimanche dernier à Kidal contre le camp de la MINUSMA. L’addition de ces actions laisse entrevoir une possibilité de concertation et il serait légitime de se poser la question de connaître les alliances dont bénéficierait probablement Al-Mourabitoune (dont les effectifs avaient été annoncés en nette diminution), alliances qui pousseraient l’organisation à revenir de manière spectaculaire à l’avant-scène.
Pour le moment, l’on ne peut en rester qu’au stade des supputations. Mais il faudrait certainement se souvenir qu’en décembre 2014, Iyad Ag Ghali avait fait diffuser ce qu’on pourrait appeler un tract de mise en garde, tract qu’avait reproduit le site sahélien.com. Le leader d’Ançar Dine y recommandait aux populations d’ « éviter les positions des ennemis d’Allah et de son Prophète ». Car, indiquait le tract, « ces positions peuvent être l’objet d’attaques à tout moment ». Par positions ennemies, le chef de guerre sous-entendait sans aucun doute les bases de Barkhane et de la MINUSMA. Faut-il lier le regain d’activités terroristes à la perspective de la signature d’un Accord pour la paix et la réconciliation ? Il est encore trop tôt pour se prononcer de manière catégorique. Mais un fait est certain : la fin de l’ambiguïté qui règne aujourd’hui à Kidal et dans ses environs désavantagerait en premier lieu les éléments d’Ançar Dine qui se trouvent dans la ville sous l’étiquette HCUA.
En effet, le cantonnement, puis le désarmement qu’impose le processus de paix mettraient fin à la liberté absolue de mouvement dont ces combattants bénéficient aujourd’hui sur le territoire de la 8ème Région. La perspective d’un tel bouleversement de la situation inciterait logiquement les djihadistes à multiplier les attaques et les provocations afin de rendre Kidal invivable pour les troupes onusiennes et françaises qui y sont positionnées. Et pour dans le même temps lancer une mise en garde explicite aux éléments de l’aile politique de la Coordination qui seraient favorables à la signature de l’Accord.

ENTRE VIGILANCE ET STIGMATISATION. En attendant que les choses s’éclaircissent de ce côté, un premier indice sur la capacité de résilience du Mali est déjà donné par le refus des populations de céder à l’affolement face au brusque durcissement de la conjoncture sécuritaire. Le terrorisme – c’est formuler une lapalissade que de le dire – s’épand sur le terreau de la résignation et de la peur. Deux attitudes qui accélèrent l’installation des réseaux et la montée en puissance des exécutants puisque les populations rechignent à s’impliquer dans la contention du phénomène et remettent l’éradication de celui-ci à la seule responsabilité des autorités. Face à la nature particulière de la menace, personne ne pourrait objectivement reprocher aux citoyens de garder un profil bas. Mais la proche histoire nous a déjà montré que dans une conjoncture extrêmement difficile, la passivité n’était certainement pas l’attitude la plus répandue parmi nos compatriotes. Les populations du Septentrion l’ont démontré lorsqu’elles ont été directement confrontées à l’ordre arbitraire que s’efforçaient d’instaurer par la crainte les occupants.
Il y a toutes les raisons de croire que l’exemple venu du Nord prospérera dans le reste du Mali. Que nos compatriotes reconduiront la même résistance, le même refus de plier devant l’intimidation. Le combat ne sera pas aisé, car il se livre contre des agresseurs qui professent un total mépris pour la vie humaine et qui, chaque fois que l’occasion leur est offerte, frappent de manière à ébranler la mobilisation de leurs victimes potentielles. Le combat ne sera pas simple non plus, parce que la psychose – inévitable – peut inspirer des actes précipités et regrettables, comme cela est arrivé avec la mise à mort à Gao de deux adolescents considérés comme des poseurs de bombe. Il y aura donc pour les autorités une subtile démarcation à faire observer entre vigilance et stigmatisation.
La première, comme l’ont souligné le Premier ministre et le porte-parole du gouvernement, peut à travers le guet citoyen faire remonter vers les forces de sécurité des informations utiles. La seconde, par contre, nous entraînerait dans la spirale du soupçon permanent et représenterait une forme de victoire pour le terrorisme. Dans notre recherche de la juste attitude, il nous faut intégrer cette vérité : l’ennemi frappera aussi souvent qu’il en aura l’occasion en s’inventant les justifications les plus fallacieuses. Seule la réponse simultanée donnée tout à la fois par le renforcement de notre dispositif sécuritaire et par la mobilisation des populations pourra entraver ses actions. C’est donc cette réponse qu’il faudra continuellement améliorer.

G. DRABO

source : L Essor

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