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Elections législatives à Gao : LES POIDS LOURDS ET LES AUTRES

Avec chacun ses moyens, les candidats sont descendus sur le terrain pour convaincre les électeurs. Pas question de reculer devant la menace de l’insécurité

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La bataille pour les élections législatives fait rage à Gao où sept listes de candidatures se disputent trois postes à l’Assemblé nationale. La campagne, bien lancée dans la Cité des Askia, est visible dès l’entrée de la ville du côté du pont de Wabaria où les grands panneaux publicitaires de l’Agence malienne de presse et de publicité sont envahis par les photos des candidats. Cette bataille d’images oppose les candidats ayant utilisé les grands moyens comme ceux de la liste ADEMA-ASMA-CFP et de l’alliance URD-SADI, RPM, CNID-FYT-UDD. Dans cette opération de séduction des électeurs, la liste Adema avec l’inamovible Assarid Ag Imbarcaouane et ses colistiers Abouzeïdi Ousmane Maïga et Arbonkana Boubèye Maïga de l’ASMA-CFP semble avoir fait la différence. Ses affiches de campagne de couleurs rouge et blanc sont collées partout en ville. On peut les voir sur les panneaux, les murs des bâtiments, sur les véhicules. Les autres poids lourds comme la liste RPM, la liste du groupement URD-SADI et celle de l’alliance CNID-FYT/UDD sont également bien présents dans la danse.

Mercredi 13 novembre, il était environs 16 heures quand notre véhicule s’immobilisa dans une rue à Sanèye où se tenait un meeting du RPM. L’événement se déroulait devant le siège du parti, noir de monde, en présence de ses trois candidats : Ibrahim Ahmadou, Aguissa Seydou Touré et Alhousna Malick Touré. Les centaines de militants et sympathisants du parti qui ont fait le déplacement ne s’ennuyaient pas : le Takamba battait son plein. Un militant visiblement en colère attire notre attention. Lorsqu’on l’aborde, l’homme nous apprend que le choix des candidats du parti a fait des vagues de mécontents. Certains n’ayant pas supporté le coup ont d’ailleurs claqué la porte du parti pour rejoindre les camps adverses. « Avec ces candidats contestés du RPM, il ne faut pas s’attendre à un miracle lors de ces législatives. Je pense que ce sera tout le contraire de la présidentielle. Je suis désolé de parler comme ça mais c’est la pire réalité », déplore-t-il.

 

MEILLEURS CANDIDATS. Un responsable du RPM, du nom de Moussa Ario Maïga, s’invite à la discussion pour rappeler à l’ordre le jeune militant. « Nous avons les meilleurs candidats à Gao. Celui qui n’est pas content qu’il aille se faire voir ailleurs », dit-il sur un ton menaçant. Considéré comme un des barons du RPM à Gao, le sexagénaire qui vient de rentrer de la Mecque avoue son militantisme sans faille pour le « parti du Tisserand ». Il serait même prêt à donner jusqu’au dernier centime pour que le parti  rayonne dans la cité des Askia. Son camarade de parti, Kassoum Seydou Maïga, arborait un look tout à fait impressionnant. Enturbanné, il portait un grand boubou bleu ciel assorti d’une grande écharpe frappée de la photo du président IBK. Avec un zèle un peu « lourd », il nous lance un message de vainqueur. « Le succès qu’on a fait à la présidentielle, on va le rééditer lors de ces législatives car nous avons la population avec nous. Celui qui doute de cela, il n’a qu’à aller vérifier les scores du RPM à la présidentielle à Gao », dit-il.

Nous nous sommes ensuite intéressés aux candidats du RPM qui venaient de faire leur entrée dans la foule. Après un tour d’honneur en forme de démonstration de force, ils prennent place devant un mur sur lequel est écrit « Voter la liste RPM, c’est aider le président IBK à tenir ses promesses ». La foule s’est mise à applaudir quand le maître de cérémonie annonce au micro que le RPM a un soutien de taille dans ces élections à savoir le PDS. L’un des responsables locaux de cet ancien parti au pouvoir, en l’occurrence le maire de la ville Sadou Harouna Diallo, bat activement en campagne pour les candidats du RPM. Il distribue à tour de bras leurs affiches dans la ville.

Au lendemain du meeting du RPM, nous avons fait un tour au siège de l’URD considéré comme un des costauds de la localité. Sur le chemin, nous avons croisé les candidats du parti dans leurs véhicules 4X4. Juste le temps de faire le plein à une station, les candidats Hassimi Maïga et Me Kadidia Traoré ainsi que leur colistier du parti SADI, Agaly Ag Akeratane, sortaient de la ville. Au siège du parti rempli de militants, le secrétaire général de la section, Aboubacrine Cissé, annonce que le programme des candidatas prévoit une vingtaine de meetings dans les communes de Gounzoureye, Gao et Soni Ali Ber en une semaine. Le dernier grand show sera organisé le 21 novembre dans la ville de Gao. « La campagne se passe bien pour nous. Nous avons commencé depuis très longtemps et nos équipes ont déjà sillonné les 7 communes du cercle de Gao. C’est la répétition en ce moment », dit le secrétaire général qui assure que la victoire sera inéluctablement du côté de l’alliance URD-SADI. « Nos candidats sont très confiants et sereins quant à l’issue de ces élections », précise-t-il.

 

BOURRAGE D’URNES. Aboubacrine Cissé explique que le choix de son parti de s’allier au SADI n’a rien d’étonnant pour qui connaît la réalité à Gao. « C’est la réalité du terrain qui compte en matière d’élections de proximité. Nos candidats sont connus de tous pour leur sérieux et leur travail », argumente-t-il avant d’ajouter que depuis l’ouverture de la campagne, l’URD tient deux meetings par jour dans la ville de Gao. « Nous savons que la population est avec nous. S’il n’y a pas de bourrage d’urnes cette année, nous sommes sûrs de passer dès le premier tour », assure le secrétaire général qui accuse directement le candidat de l’ADEMA, Assarid Ag Imbarcaouane, d’être l’auteur de ces fraudes dans les zones nomades où il règne en seul maître. Il n’est pas le seul à porter cette accusation. D’autres candidats que nous avons approchés pensent que la réélection successive du député de l’ADEMA est due aux résultats douteux obtenus chez les nomades où l’administration est presque inexistante.

Accusé de toutes parts, Assarid Ag Imbarcaouane que nous avons rencontré au siège de son parti à la rue 105 au quartier Sanèye se défend avec l’humour qu’on lui connait. « Si nos adversaires n’ont rien à dire, ils n’ont qu’à abandonner la course. Je sais qu’ils sont jaloux de mes scores dans les zones nomades. Cette année, nous allons les damer chez eux et je crois qu’ils vont se taire à jamais », assure-t-il. Son colistier, Abouzeïdi Ousmane Maïga,  abonde dans le même sens. « Le bourrage d’urne dont on nous accuse n’est qu’un alibi … Si on veut abattre son chien, on l’accuse de rage », réagit-il.

Assarid Ag Imbarcaouane pense que les équipes de campagne du parti sont les plus dynamiques. Selon lui, un deuxième tour n’est pas envisageable. « Quand vous êtes entrés à Gao, ce que vous avez vu suffit pour vous convaincre de la différence qu’on a créée avec les autres. Ici personne ne peut nous battre », soutient-il ajoutant que la liste ADEMA-ASMA-CFP a programmé plusieurs meetings aussi bien dans les zones sédentaires que dans les zones nomades. « Nous avons reparti les rôles entre nos trois candidats. S’il y a un meeting dans les zones nomades, c’est moi qui serai forcément là-bas. Si c’est dans la commune de Soni Ali ber, c’est le fief de Abouzeïdi Ousmane Maïga. En ce qui concerne la ville de Gao, elle est acquise à la cause de Arboncana Maïga et tout le monde le sait ici », détaille Assarid Ag Imbarcaouane.

Réélu plusieurs fois à l’Assemblée nationale, le député de l’ADEMA assure que sa retraite politique n’est pas pour demain. « Tant que la population de Gao me sollicite pour être candidat, je répondrai présent. Je ne comprends pas pourquoi les gens veulent que je me retire de la politique. J’ai envie de faire la politique pour servir mon pays.  En plus de Gao, tout le monde sait ce que nous faisons pour la nation malienne », dit-il.

 

LES TRANSFUGES DU RPM. Au passage de notre équipe, le siège de l’ADEMA était bondé. Dans la foule, il y avait plusieurs transfuges du RPM qui ont été chaleureusement salués par le militant de l’ADEMA, Awazi Ag Rhamna.  Le barbu pense qu’avec cette nouvelle vague de militants la victoire est assurée. Il assure que son parti a déjà investi tous les villages, hameaux et fractions. « Nous sommes partout. Nous savons aussi qu’il y a de l’insécurité dans la région mais cela ne nous fait pas peur. Nous ne pensons qu’à une seule chose en ce moment, c’est la victoire de nos candidats « , déclare-t-il.

Me Mariam Diarra est la tête de liste d’alliance CNID FYT-UDD. Ses photos sont affichées dans les rues du quartier Sanèye où se trouve le domicile paternel. Candidate du parti CNID, elle était en train de mener une campagne timide à l’image de la santé de son parti dans la Cité des Askia. « Nos équipes sont sur le terrain depuis l’ouverture de la campagne et tout se passe comme prévu. Les candidats du RPM et de l’URD qui sont en train de déployer de gros moyens ne nous font pas peur. Nous comptons sur nos militants pour faire la différence. Etant la plus jeune des candidats, je peux dire que les jeunes sont avec moi », dit-elle. Me Mariam Diarra et son équipe de campagne ont déjà sillonné plusieurs villages comme Tacharane, Gabéro, Hamakouladji, Jameye. « Nous n’avons pas peur d’aller en brousse. Quand nous avons été dans certaines communes, nous n’avons rien vu qui puisse nous effrayer. Au contraire, nous étions parfaitement en sécurité », témoigne-t-elle.

Dans la Cité des Askia, le parti FARE de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé a pour allié l’UM-RDA. Les candidats de cette liste ne comptent pas sillonner toutes les communes du cercle. Le manque des moyens en est la principale cause. « Nous sommes en train de mener une campagne intelligente avec nos maigres moyens et ça se passe bien pour nous. Les déplacements sur le terrain ne posent aucun problème. Seulement nous ne prenons pas de risque d’aller dans certaines localités comme Anchawasse. Nous avons entendu des rumeurs de présence des éléments du MNLA dans ce village nomade », explique le candidat de FARE, Zaouder Talfi Maïga. « Notre chance est que nous avons des candidats qui ont de bons profils pour changer les choses dans la région de Gao. Ces candidats ont tenu le front de la résistance quand les groupes armés sont entrés dans nos villes. Nous sommes restés sur place pour défendre nos terres et nous sommes les mieux placés pour faire le développement de cette région », assure Zaouder Talfi Maïga.

La liste indépendante « Ir Naata » qui veut dire en sonrhaï « espoir et attente » est conduite par des jeunes qui sont en train de se battre pour amener le changement. C’est en tout cas ce que dit l’un des candidats, Harouna Abdoul Maïga. Le jeune homme d’une trentaine d’années s’est fait un nom en tenant tête aux groupes armés qui ont occupé Gao pendant près de 10 mois. « Nous avons subi ici la pire des humiliations à cause des incapables qui ne pensent qu’à leurs propres intérêts. La preuve est que quand les Jihadistes sont venus, ils ont tous fui en nous laissant à notre propre sort. C’est pourquoi nous avons constitué une liste de jeunes candidats pour faire en sorte que ce qui s’est passé à Gao ne se reproduise plus jamais », explique-t-il. Par ailleurs, le jeune candidat pense que les candidats de l’ADEMA, notamment Assarid Ag Imbarcaouane et Abouzeïdi Ousmane Maïga, sont devenus un obstacle pour le développement de la région de Gao.  » Il est temps de laisser partir tous ces anciens qui n’ont rien fait pour Gao. Quand ils sont élus, ils se sédentarisent à Bamako et oublient complément la réalité de leur localité. Nous sommes fatigués de les élire pour rien. Ils doivent aller à la retraite », déclare-t-il.

Quand à la liste indépendante Alliance 2013, ses candidats sont peu visibles sur le terrain. Leur siège de campagne reste fermé toute la journée et c’est au petit soir qu’il y a un peu d’animation. En l’absence des candidats, nous sommes tombés sur quelques jeunes qui tenaient une réunion discrète. L’un d’entre eux, Hamèye Mahamane indique que les candidats de la liste ont déjà quitté Bamako pour Gao. « Nous n’avons pas beaucoup de moyens pour mener une campagne digne de ce nom, mais nous avons la jeunesse avec nous. A Gao, les gens sont habitués à l’achat de consciences mais cette année, nous avons un message à l’endroit de ceux qui font ces pratiques, c’est que leur argent ne leur servira pas cette fois-ci. Nous sommes aussi aux trousses de ceux qui font du bourrage d’urne. Gare à eux de le tenter cette année », dit notre interlocuteur.

Une chose est sûre, c’est que les Gaois ne veulent plus se tromper sur le choix de leurs représentants à l’Assemblée nationale. Les jeunes sont entrés dans la danse pour effacer de mauvaises habitudes qui permettent à un député une fois élu, de pouvoir lancer à la population : « Vous ne m’avez pas élu, c’est mon argent ».

Envoyés spéciaux

M. KEITA

N. SAMAKE

 

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SECURITE RENFORCEE

Les autorités régionales de Gao se mobilisent pour relever le défi de l’organisation et de la sécurité des élections législatives. Pour cela, le gouverneur et son équipe sont au travail. Tout juste après les élections présidentielles, ils ont commencé à préparer les législatives avec grand soin. « Notre premier travail a consisté à mettre en sécurité tout le matériel électoral récupérable qui avait été déployé lors de la présidentielle. Ensuite, nous avons réactualisé la liste des agents électoraux à savoir les présidents et les délégués de bureau. Nous avons aussi initié des formations de mise à niveau à l’endroit des préfets. Ceux-ci, à leur tour, vont former les sous-préfets. Actuellement, nous sommes en train d’acheminer les bulletins de vote dans les différentes localités. C’est déjà fait pour Ménaka et Ansongo. Et d’ici le 17 novembre, nous allons finir ce travail dans les autres cercles », a indiqué le directeur du cabinet du gouverneur. Adama Kansaye dira aussi qu’une campagne de sensibilisation est en cours afin d’assurer une participation massive et pacifique des populations à ces élections de proximité.

Sur le plan sécuritaire, le directeur du cabinet du gouverneur annonce que toutes les forces de sécurité et de défense actuellement en opération à Gao (Armée malienne, Opération Serval et MINUSMA) ont été mobilisées afin de sécuriser la campagne électorale et le déroulement des opérations de vote. « Nous avons décidé de faire en sorte que la sécurité soit renforcée avant, pendant et après les élections car nous avons identifié des points sensibles dans la zone de N’tessit dans le Gourma, Talataye vers Ménaka, Tin Fatoumata et Bourem. Nous avons bien renforcé la sécurité dans ces zones à travers des patrouilles de grande envergure. Les forces de sécurité et de défense nous accompagnent également dans le déploiement du matériel et des agents électoraux sur le terrain. Des missions d’escorte sont organisées dans ce sens. Aujourd’hui, on peut dire que la question de sécurité est largement prise en compte dans la région et les dispositions prises sont très rassurantes », assure Adama Kansaye. Des mesures, précise-t-il, ont été prises pour sécuriser les déplacements des candidats en brousse. « Nous avons demandé à tous les candidats de nous faire parvenir une copie de leur programme. En fonction de cela, nous pourrons faire en sorte que leurs itinéraires soient suivis par les forces de sécurité et de défense du début jusqu’à la fin », indique-t-il.

Le commandant de la zone militaire de Gao, le colonel Oumar Diarra, confirme que la situation sécuritaire a beaucoup évolué ces derniers temps à Gao même s’il est vrai que la région est toujours sous la menace des attaques terroristes avec la pose des engins explosifs sur les axes routiers, les lances roquettes pointées en direction de la ville. Il y a aussi le retour du grand banditisme qui est une activité résiduelle dans la zone. « Actuellement, nous menons régulièrement des patrouilles sur le terrain. La situation est calme et on peut dire que Gao est aujourd’hui sécurisée », assure le colonel Diarra avant d’ajouter : « le fait de lancer les roquettes à distance peut se traduire comme un message de désespoir. Ceux qui pensent que les terroristes peuvent revenir, se trompent. Aujourd’hui, je me sens autant en sécurité à Gao qu’à Bamako parce que je connais l’engagement de mes hommes sur le terrain », souligne-t-il.

M. K.

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