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Éditorial: Responsabilité

La mission de la Cedeao a quitté le Mali sous les imprécations de certains de nos compatriotes. Comme ce fut le cas en 2012, lors du coup d’État d’Amadou Haya Sanogo, lorsque l’organisation ouest-africaine a rappelé que son Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance bannit toute prise du pouvoir par des voies anticonstitutionnelles.

Ces respectables messieurs ne méritent pas nos quolibets. La bronca contre eux ne nous fait pas avancer d’un pouce. Bien au contraire. Si les voisins se précipitent pour essayer d’éteindre l’incendie qui couve sur les rives du Djoliba, ce n’est pas parce qu’il y a un risque de renversement d’un président élu, c’est bien parce que la situation du Mali inquiète profondément au-delà de nos frontières. Nous risquons de devenir le point de départ d’un incendie qui épargnerait peu de pays de la région ouest-africaine.

Le Mali est un État pivot à partir duquel, on peut atteindre n’importe point de l’Afrique de l’Ouest. Ce serait une injure de dire que les autres mesurent plus que nous-mêmes l’importance de notre pays sur le plan géostratégique. Quoique notre comportement incite à le croire. Tout à leur élan révolutionnaire, certains compatriotes réclament rien de moins que la démolition de la maison commune pour la reconstruire après. Quand le gros temps menace, ce n’est pas très prudent de démolir son abri.

Voilà pourquoi l’organisation intergouvernementale n’a pas l’intention de nous laisser courir à l’abîme. «La Cedeao mettra tout en œuvre pour la réalisation effective des mesures proposées et demeurera saisie de la question», préviennent ses émissaires dans leur communiqué final. L’hypothèse d’un sommet des chefs d’État, consacré à la crise malienne n’est pas écartée.

Ce sera sans doute pour réitérer les lignes rouges édictées par les textes réglementaires communautaires. Si l’équipe de Goodluck Jonathan n’a pas fait droit à l’exigence de démission du président de la République, cela est parfaitement compréhensible. Avaliser un changement de pouvoir ne respectant pas ses principes, revient pour la Cedeao à encourager la possibilité d’un effet domino dans une région ouest-africaine en proie au péril terroriste dont notre pays est déjà l’un des foyers importants.

En l’état actuel de la situation, difficile de nourrir un quelconque optimisme dans le sens d’un Mali apaisé et stable. Le pourrissement est l’hypothèse la plus plausible. Pouvoir et contestation ne sont pas parvenus, malgré les efforts louables de la mission de médiation de la Cedeao, à s’accorder sur l’essentiel. C’est dire que nous ne sommes pas encore arrivés à faire abstraction de nos égos, de nos querelles personnelles, de nos ambitions plus ou moins avouées, pour mettre en avant le Mali, contrairement à ce que nous clamons à cor et à cri. La responsabilité est une exigence aussi bien pour les gouvernants que pour ceux qui aspirent à gouverner.

Au lieu de se précipiter dans une insurrection populaire aux lendemains incertains, il est plus sage de prendre le temps de mener patiemment des réformes pour asseoir des institutions qui tolèrent moins d’écart de conduite de la part des dirigeants.

La pratique «ôtes-toi de là que je m’y mette» est contreproductive. L’histoire de notre pays nous l’enseigne abondamment. Presque tous nos dirigeants quittent le pouvoir sous les invectives pour ne pas dire plus. Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré… tous ont quitté le pouvoir sous nos propos sarcastiques, très souvent bien loin de la réalité.

Même Modibo Keïta, le père de l’indépendance, a eu son lot de sarcasmes, après sa chute. Et Ibrahim Boubacar Keïta ? Sa sentence n’est pas encore définitivement établie.

Ironie du sort : dès qu’ils quittent le pouvoir, nous les regrettons parce que les promesses du changement sont rarement à la hauteur des espérances. À cause certainement de l’impréparation, de l’impatience à s’installer au pouvoir. Il serait salutaire de rompre avec ce cycle infernal qui ne fait qu’enfoncer le pays, de façon inexorable, dans une crise sans fin.

Nous serions mieux inspirés d’éviter de créer une situation incontrôlable qui nous ferait regretter l’espace de liberté qui permet, aujourd’hui, à chacun de s’exprimer sans crainte.

Les démons de la violence sont tapis dans l’ombre et piaffent d’impatience de mettre en lambeaux notre fragile paix sociale, déjà sérieusement éprouvée par la double crise sécuritaire et sanitaire. Évitons de libérer ces démons de leur chaîne. Les pertes en vies humaines de la semaine dernière nous en donnent un aperçu dramatique.

B. TOURÉ 

Source: Journal l’Essor-Mali

 

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