Journée pluvieuse hier. Bamako est bien arrosée ces derniers jours. Mais ce n’est pas la pluie qui a empêché les Bamakois de sortir de chez eux. Beaucoup d’entre eux sont restés à la maison, craignant une paralysie de la ville.
Après trois grandes sorties, les dirigeants de la contestation ont appelé à changer de fusil d’épaule. Désormais, ils ont opté pour la désobéissance civile. Le mot d’ordre en dix points consiste essentiellement à empêcher les habitants des villes à vaquer à leurs affaires. Pas de service public, disent-ils. Une opération ville morte qui ne dit pas son nom.
Quelle est la situation sur le terrain ? Hier matin à 8 heures, sur l’axe Kati-Centre-ville de Bamako, les usagers de la route circulaient normalement. Même si les habitants n’étaient pas nombreux à se risquer dehors. Sur le boulevard de l’Indépendance où les militants du M5 organisent les regroupements des vendredis, point de barricades.
Les forces de l’ordre patrouillaient dans des véhicules pour traquer les groupes de jeunes qui s’employaient à entraver la circulation par endroits. Cagoules pour certains, d’autres pas. «Ça va ? Tout se passe bien ?», risquons-nous une interrogation. «Comme tu peux le constater», lance un agent en uniforme à bord d’un tout terrain estampillé «Bac» (Brigade anti criminalité).
Madou Coulibaly, sur sa moto bleue, se fait philosophe : «Dans la vie, on n’est sûr de rien. Donc, il vaut mieux rester sur ses gardes». La quarantaine révolue, ce chef de famille ne peut pas se permettre le luxe d’une désobéissance civile. Interrogé, il ne sait, de toute manière, ce que c’est. «J’ai une famille à nourrir et voilà la fête qui arrive à grands pas», ajoute-t-il, avec un brin d’humour. Sur la rive droite du fleuve, certains endroits étaient chauds. Les jeunes manifestants disaient protester contre les recommandations de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (Cedeao). Au rond-point de la Cité Unicef, un groupe de jeunes avait interrompu la circulation, en érigeant des barricades sur la voie pour empêcher automobilistes et motocyclistes de passer.
Un taximan a été contraint de débarquer sa cliente, une dame du troisième âge, qui se rendait dans le quartier pour les funérailles d’un proche. La vieille qui serait même venue de Sélingué était donc obligée d’appeler au téléphone certains parents pour venir la chercher. Les manifestants avaient aussi contraint deux éboueurs à verser le contenu de leurs charrettes sur la voie. Mais, ils toléraient la présence de certains types de véhicule comme les ambulances, les corbillards et les citernes. Ceux-ci pouvaient librement circuler à ce niveau sans trop de problème.
ESCALADE- Au niveau du pont tordu à Niamakoro, on pouvait sentir une escalade de la violence parce que les manifestants brûlaient des pneus et contraignaient les usagers à rebrousser chemin. À quelques encablures des lieux, une cohorte de jeunes rançonnait les usagers. Ces manifestants réclamaient de l’argent aux automobilistes et motocyclistes pour avoir le droit de circuler. Ceux qui n’obtempéraient pas étaient sommés de faire demi-tour.
Au carrefour de Daoudabougou, notamment dans les environs de l’ambassade d’Algérie, les manifestants avaient versé des tas d’ordures au beau milieu de la chaussée et interdisaient systématiquement à tout véhicule d’emprunter le bitume qui traverse le quartier.
Les manifestants recommandaient aux motocyclistes de descendre de leurs engins à deux roues et de traverser les barricades à pied. Ceux-ci obéissaient. Mais contrairement à une rumeur qui annonçait des échauffourées à Kalaban Coro, la situation était calme dans ce quartier, en tout cas dans la matinée au passage de nos reporters sur les lieux.
Le marché de la localité grouillait de monde. Un menuisier métallique, Ousmane, qui officie au marché de la localité, confirmera le grand calme qui y règne. Dans les parages, une succursale d’une banque de la place était ouverte pour permettre aux clients de faire leurs opérations de retrait d’argent.
Il n’y a pas eu de désobéissance civile, hier en Commune I. La journée a été tranquille, comme l’a pu constater notre équipe de reportage. De Titibougou à Boulkassoumbougou, en passant par Djélibougou, Korofina et Banconi tout était normal. Pas de pneus brûlés, pas de barricades, ni sur la route principale, ni sur les routes secondaires. La circulation était normale et les gens vaquaient à leurs occupations. Aussi, tous les commerces et établissements financiers étaient ouverts comme en temps normal. Aux environs de 9 heures sur la route de Koulikoro, la circulation était dense. Au niveau du 3è pont, la circulation était normale.
À Djélibougou, comme à Korofina pour ne citer que ces deux quartiers, tous les établissements bancaires étaient ouverts et il y avait des clients partout. Interrogé, un caissier dira que tout est normal et que l’agence n’a reçu aucune alerte, ajoutant qu’il n’a aucune inquiétude par rapport à la désobéissance civile. Plus loin au niveau d’une station de Sotuba un pompiste fera le même constat. «Il n’y a rien ici, nous sommes là depuis le matin et jusque-là, je n’ai rien vu d’anormal. Les clients ici présents peuvent le témoigner», dira-t-il.
Au moment où nous parlions avec le pompiste, un passant indiquera que des groupes de jeunes ont tenté de mettre des barricades au niveau de Banconi, avant d’être dispersés par la police. Pour Daouda Traoré, un commerçant du marché de Boulkassoumbougou, la désobéissance civile ne doit pas empêcher les gens de travailler, «surtout quand on sait que les gens vivent au jour le jour au Mali». Et d’ajouter «certes, rien ne va en ce moment dans le pays, mais on doit laisser les gens travailler pour nourrir leurs familles».
Les manifestations sont diversement appréciées. Certains sont agacés à l’idée de ne pas pouvoir circuler librement sur certaines artères, d’autres estiment comprendre cette façon d’accentuer la pression sur le pouvoir. Il faut simplement espérer en finir rapidement avec cette crise sociopolitique pour que nos compatriotes retrouvent la paix et la quiétude d’esprit.
Mohamed Diawara
Fatoumata NAPHO
Amadou CISSÉ
Source: Journal l’Essor-Mali