Il semble que les choses bougent dans le landerneau politique. Effet d’optique ou mauvaise perception, l’échiquier a en tout cas l’air de tanguer. Fusi-Mali, vieille formation à vocation de devenir le fer de lance pour l’unité et la sauvegarde de l’intégrité du territoire national du Mali, a sauté le pas il y a une dizaine de jours en se constituant en parti politique.
Un énième, dira-t-on. Mais pourquoi pas dans un pays où le multipartisme intégral a droit de cité et au nom duquel quelques 290 partis politiques, certains affirment que c’est plutôt près de 300, créent sans cesse un embouteillage fictif sur le boulevard de la démocratie ? Mais il y a surtout les anciennes formations politiques qui ont obtenu au début des années 90 leurs récépissés, précieux sésames pour prétendre être officiellement reconnus et prétendre aussi bénéficier du financement public, pratique mise en avant pour les besoins d’une cause jamais avouée. Le regroupement M5-RFP Mali Kura, sorti lui du flanc du M5-RFP originel en raison des humeurs et ambitions irréconciliables de certains acteurs avec celles d’autres, a tenu le mercredi passé sa dernière passation de sa présidence tournante trimestrielle. Pris individuellement, les responsables de ce mouvement n’ont pas (ou non plus) la carrure pour être réellement pris au sérieux comme étant des grosses pointures dans le jeu politique. Leur seul capital reste le nom qu’ils ont eu hier, lequel leur pend d’ailleurs au pied comme un boulet pour d’évidentes raisons. Le RPM, tendance Dr. Bokary Tréta, en conflit judiciaire avec l’autre tendance tenue par Me Baber Gano, a proclamé par la voix de Bou Touré son intention de soutenir désormais la transition, si évidemment ce dernier ne s’est pas exprimé en singleton d’un nouvel âge dans la presse. Mais la fin de l’imbroglio judiciaire entre les héritiers d’Ibrahim Boubacar Keïta n’est pas encore pour demain.
Bref, nous marchons déjà dans les allées de la quatrième République, en cheminant vers ses futures institutions. Les partis politiques donnent l’impression de se réveiller, mais faut-il les prendre au sérieux ? Ils sont marqués au fer comme des accompagnateurs de tout pouvoir, c’est-à-dire celui qui a Koulouba. On l’a vu déjà du temps du Général Amadou Toumani Touré, encore du temps d’IBK et on l’a revu à l’occasion de la campagne pour le référendaire du 18 juin 2023. À chaque fois, le fonds de commerce est qu’il faut un large consensus, de l’inclusivité, pour accompagner l’action du Président. Pour le référendum du 18 juin, l’Adéma-Pasj, après avoir demandé de renoncer carrément à la rédaction d’une nouvelle constitution, a fini par dépenser sueur, encre et salive afin de faire croire que les pertinents articles de la future Loi fondamentale sont venus de son chapeau de magicien. Le Parena en est réduit à produire des mémorandums qui ne sonnent plus comme des romances politiques. En réalité, la question à poser est de savoir s’il existe encore dans l’ancienne classe politique un leader qui a un fief politique, capable de se faire élire brillamment. En 2018, après IBK et Soumaïla Cissé, c’est un célèbre inconnu qui s’est classé troisième à l’issue de l’élection présidentielle, Aliou Boubacar Diallo pour ne pas le nommer, bien devant un Modibo Sidibé. Encore bref, il y a à préparer les prochaines élections générales dont la plus importante, la présidentielle. Qui sera le candidat alors ? Ce n’est plus une question lancinante, mais bien la hantise des politiciens professionnels, ceux d’hier, qui, malgré leur nombre pléthorique et leur mainmise sur l’appareil d’État, n’ont pas pu sauver leur bienfaiteur IBK et son régime. Ce sont eux qui, après la débâcle qui vaut naufrage de la classe politique, se sont constitués en Cadre d’échange… Pendant deux ans, multipliant les assauts, ils n’ont rien pu contre la transition. Le Cadre d’échange… est aujourd’hui, de toute évidence, comme porté disparu. Et qui se souvient de Synergie 22 comme regroupement politique au Mali ? Bref enfin, il fallait le dire pour la troisième et dernière fois, belle tradition désormais au Mali, il sera peu question de Charte : le plus important est l’acception par le peuple d’un homme, choix qui est fonction de la légitimité populaire. Se fatigue bien celui qui ergote sans arrêt sur Assimi, non Assimi-Poutine et Choguel-Medvedev. Les autorités de la Transition ne sont pas des combinards.
Amadou N’Fa Diallo
Le National