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Edito : Boukary libéré, nos consciences toujours muselées

Fousseyni Maiga, Dirpub "Le Flambeau"

Fousseyni Maiga, Dirpub « Le Flambeau »

Après 27 jours de détention, dont 8 dans des conditions jusque là non éclairées dans les locaux de la sécurité d’Etat, notre confrère Boukary Daou a retrouvé depuis hier sa liberté. Autant cette libération marque l’aboutissement d’un véritable parcours du combattant pour notre presse et toutes les personnes éprises de justice et de protection des droits universels de chaque citoyen, de la même manière elle devra jeter les bases d’un autre combat plus difficile contre l’instrumentalisation et l’abus de pouvoir dont font montre certaines autorités sensées garantir la sécurité de l’Etat, et par ricochet, nos sécurités individuelles. Autrement dit, et pour prévenir d’autres atteintes contre la profession et les libertés individuelles de chaque citoyen malien, il convient aujourd’hui d’ouvrir le débat sur la nature des actes posés par la sécurité d’état au regard de l’article 70 du code pénal du 20 Août 200.

L’on peut ne pas le concéder, mais toujours est-il que nos consciences et nos plumes demeurent dans le musellement au regard de l’omniprésence d’une sécurité d’Etat qui planera désormais dans nos esprits comme une épée de Damoclès. Nul besoin également d’être dans le secret des Dieux pour se rendre compte que la détention arbitraire de Boukary Daou par la sécurité d’Etat, et avec la complicité tacite des plus hautes autorités, avait plus un objectif de dissuasion et d’intimidation de la presse qu’une volonté procédurale dans le cas d’espèce. En d’autres termes, la SE et le gouvernement de transition ont profité de cette situation pour lancer un message fort à la presse. Lequel message fut compris, au point de rappeler au jeune journaliste que je suis la nécessité d’attirer l’attention de l’opinion nationale sur certains abus dont font montre la sécurité d’Etat et celle de nos organisations professionnelles sur l’impérieuse nécessité de maintenir la ferveur de solidarité et d’unité dont la corporation s’est appropriée en la faveur des récents évènements. Il y va de notre survie collective, dans une démocratie comme la nôtre dans laquelle prime seule la volonté du plus fort, et du droit à l’information (la vraie bien entendu) dont disposent nos concitoyens. Car, à quoi se résumerait notre métier de journalistes si nous ne sommes à l’abri d’aucun abus de la part de nos autorités et d’aucunes autres formes de stéréotypes du genre ‘’il n’a pas raison’’ vis-à-vis de cette société pour laquelle nous nourrissons tant de passion dans l’exercice de notre boulot ? Ou du moins, en quoi résiderai le caractère sacerdotal de notre métier si nous ne sommes plus à mesure de dire haut ce que les autres pensent tout bas sans courir le risque d’être interpellés par une institution de plus en plus au service ‘’des Dieux de l’époque’’ que de la sécurité nationale elle-même ?

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, il est plus que nécessaire aujourd’hui de murir des réflexions sur la nature des actes posés par la sécurité d’Etat. La problématique ici est de savoir si ses actes sont justiciables sur la base de l’art. 70 du Code Pénal qui dispose : « les fonctionnaires publics chargés de la police administrative ou judiciaire qui auront refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale tendant à constater des détentions illégales et arbitraires, soit dans les maisons destinées à la garde des détenus, soit par tout ailleurs et qui ne justifieront pas les avoir dénoncées à l’autorité supérieure, seront punis de la peine de cinq à vingt ans de réclusion et tenus des dommages-intérêts … ». Qu’en est-il de cette loi dans la pratique ? Le cas Boukary et les milliers autres qui sont restés dans l’anonymat y apportent des réponses édifiantes : certains maliens, les plus forts bien évidemment, sont au dessus de la loi ; tandis que d’autres, les plus faibles, la subissent dans toute sa splendeur.  En sus, que se cache derrière le silence des plus hautes autorités du pays face aux agissements de la sécurité d’Etat si ce n’est leur complicité tacite vis-à-vis de ceux-ci et pour des raisons plus politiques que sécuritaires ? La véritable bataille pour la presse malienne aujourd’hui est celle de sa liberté, puisqu’elle ne l’est toujours pas, et de sa responsabilité au regard de certains agissements qui ne l’honore point telle que l’utilisation anarchique du peu de liberté dont nous disposons par certains confrères. Deux autres défis non moins importants, qu’il faudra relever, ceux de la dépénalisation des délits de presse et de l’unité au sein de la corporation.

Fousseyni  MAIGA

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